Deshayes, S., Aouba, A., Grandhomme, F., Khoy, K., Boutemy, J., Maigné, G., Brière-Bellier, C., Delmas, C., Bienvenu, B., and Martin Silva, N.
Introduction La granulomatose avec polyangéite (GPA) est une vascularite des vaisseaux de petit et moyen calibres, associée dans 80–90 % des cas à la production d’anticorps anti-cytoplasme des polynucléaires neutrophiles (ANCA), majoritairement de type anti-protéinase 3 (PR3). Le principal inhibiteur de la PR3 est l’α-1-antitrypsine (A1AT). L’A1AT est codé par un gène hautement polymorphique, SERPINA1, dont les allèles Z et S représentent les principaux allèles déficients. Les phénotypes déficients d’A1AT prédisposent à des maladies respiratoires chroniques, des hépatopathies ou des panniculites, et sont aussi fréquemment retrouvés dans des cas de GPA, avec une fréquence et une répercussion cliniques mal évaluées, l’estimation de ces dernières étant les objectifs de ce travail. Matériels et méthodes Une étude rétrospective monocentrique menée au CHU de Caen, à partir de la base de données du laboratoire d’immunologie, a permis d’identifier les patients GPA dont le taux d’ANCA anti-PR3 (par technique Elisa) était positif du 21/09/2011 au 10/06/2016. Leurs données démographiques, cliniques et biologiques ont été colligées. Les dosage et phénotypage (par isoélectrofocalisation en gel d’agarose) de l’A1AT ont été réalisés pour tous les patients. Les données qualitatives ont été comparées par le test exact de Fisher, et les variables quantitatives par le test- t de Student. Résultats Parmi les 55 patients identifiés, 7 ont été exclus en raison d’un phénotypage non interprétable. L’âge médian au diagnostic était de 61 ans (22 femmes, 26 hommes). Les présentations cliniques étaient principalement systémiques (35, 72,9 %), pulmonaires (34, 70,8 %), rénales (32, 66,7 %), arthro-musculaires (32, 66,7 %), et ORL (31, 64,6 %). Le score BVAS médian était de 7. Après un suivi médian de 71,5 mois, étaient notés 6 (14 %) décès et 43 rechutes chez 24 (50 %) patients. Les scanners thoraciques mettaient en évidence des dilatations des bronches chez 5 (10,4 %) patients et des lésions emphysémateuses chez 2 (4,2 %) autres. Le taux médian d’A1AT était de 1,56 g/L [normes = 0,95–1,9 g/L]. Trente-trois patients (68,7 %) avaient un phénotype d’A1AT MM, 7 (14,6 %) de type MZ, 5 (10,4 %) de type MS, 2 (4,2 %) de type M-variant, et 1 (2,1 %) de type ZZ. Les fréquences alléliques de l’allèle M, Z et S étaient respectivement de 85,1, 9,6 et 5,3 %. Il n’était pas retrouvé de différence significative ( p > 0,05) entre les patients porteurs d’un allèle Z ou S et les autres patients, en termes de score BVAS initial, de décès, d’âge au diagnostic, de manifestations pulmonaires, de rechutes ou de nombre de rechutes. Il était retrouvé un taux d’A1AT significativement plus bas en présence d’un allèle Z ou S ( p = 0,005). Parmi les 8 patients avec phénotype déficitaire, 6 avaient un taux normal d’A1AT, dont 4 sans syndrome inflammatoire associé. Discussion Notre étude montre une association significative entre la GPA et les phénotypes déficitaires de l’A1AT, mais ne met pas en évidence d’évolution ou de présentation de la maladie différentes en présence ou non d’un phénotype déficitaire d’A1AT. Chez les patients atteints de vascularite à ANCA (VAA), la fréquence de l’allèle Z varie de 5,3 à 22,7 % (contre 1,5 % de la population européenne) et celle de l’allèle S de 3,1 à 24,3 %. Une récente méta-analyse de 2015 retrouve ainsi une association significative, tant de l’allèle Z que S, avec les VAA, avec un OR respectivement de 2,94 et 1,3, justifiant les recommandations de phénotypage de l’A1AT dans les VAA (grade B). Comme retrouvé dans d’autres études, chez certains patients GPA, un phénotype d’A1AT déficitaire peut être associé à un dosage pondéral normal d’A1AT, y compris en période non inflammatoire. Ceci contribue probablement à un sous-diagnostic. Un déficit en A1AT va induire un déséquilibre de la balance protéase/inhibiteur de protéase, pouvant conduire à une augmentation relative du taux circulant de PR3 libre et non inhibé, qui à son tour peut engendrer la synthèse d’anticorps anti-PR3 et des dommages vasculaires. Les implications de cette association restent à ce jour inconnues, tant au plan clinique avec des études contradictoires sur la sévérité de la vascularite, qu’au plan thérapeutique (intérêt d’une supplémentation en A1AT ? Effet délétère des échanges plasmatiques sans plasma ?). Conclusion Ce travail confirme l’association significative entre la GPA et les phénotypes déficitaires de l’A1AT, association probablement sous diagnostiquée en raison d’un dosage pondéral d’A1AT pouvant rester normal. Il souligne l’intérêt d’un dépistage systématique du déficit en A1AT dans les VAA et le besoin de larges études prospectives randomisées évaluant la place des thérapeutiques supplétives dans les VAA. [ABSTRACT FROM AUTHOR]