Plate-forme de collecte et de redistribution des produits agricoles, halieutiques et industriels, la ville de Maroua revêt un rôle économique régional ancien. Quels effets la diversification des habitudes alimentaires induite par une forte migration peut-elle avoir sur les circuits traditionnels d’approvisionnement de la ville et sur l’organisation locale du commerce vivrier ? Cette étude repose sur une enquête menée en 1984 dans les deux principaux marchés de la ville. Les quantités des produits sélectionnés (poisson, natron, cola, mils et sorghos, agrumes, maraîchage et tubercules) y ont été estimées, les prix, les origines et destinations relevés. L’analyse des circuits d’approvisionnement distingue les flux locaux des céréales, fruits et oignons, dont l’origine à proximité de la ville définit un large « terroir » dans lequel les habitants produisent en partie le vivrier qu’ils consomment et revendent sur le marché. L’importance croissante des flux nationaux consécutive à l’amélioration des réseaux de communication et de la première dévaluation du naïra, concerne essentiellement les produits agro-alimentaires, alors que les produits alimentaires de complément (poisson, cola, sel et natron) suivent un flux est/ouest traditionnel, qui ne semble pas avoir évolué depuis le XIXe siècle. 43 % des produits commercialisés à Maroua sont ensuite exportés dans des centres secondaires proches. Il s’agit principalement des fruits et produits maraîchers. Une plus faible proportion est transformée sur place et exportée vers les provinces septentrionales. Entre 1983 et 1994, le désenclavement de la ville a favorisé la concurrence et contribué à la baisse des prix des denrées alimentaires, et le développement des centres de commercialisation secondaires. Tout en illustrant la désorganisation des circuits de commercialisation à l’échelle nationale, cette étude montre l’importance de l’axe de commercialisation historique entre le Bornou et les plaines inondables du Logone, et l’amoindrissement, au cours de cette période, du rôle économique régional de Maroua. As a platform for the collection and redistribution of agricultural and industrial products, Maroua represents an ancient regional economic town. What effects can diversified food habits, induced by intense migration, have on the traditional trade circuits into the town, and the organization of the local trade in foodstuffs? The study is based on fieldwork carried out in 1984 in the two principal local markets of the town, where the quantities of selected products (fish, kola nuts, millet and sorghum, fuel, garden products and tubers) were estimated, their prices, origins and destinations noted. Analyses of food supplies distinguish local flows of cereals, fruits and onions, whose proximity to the town defines a large territory where inhabitants produce, and sell part of the products. The growing importance of the national flows as a resuit of improved communication lines and the first devaluation of the Naira concerns essentially food crops, while complementary foods (fish, kola nuts, salt and natron) follow the traditional East/West flow, which do not seem to have evolved since the 19th century. Forty three percent of the products commercialized in Maroua are thus exported to nearby secondary commercial centres. These are principally fruits and market gardening products. A very small proportion is transformed on the spot and exported to provinces of the south. Between 1983 and 1994 the opening up of the town has brought about competition with lower prices for food products, and the development of secondary commercial centres. While illustrating the disorganization of circuits at national level, this study shows the importance of the regional economic role of Maroua and the axis of commercialization between the Bornou and the flood plains of the Logone, and the decline of Maroua during this period.