Le vieillissement de la population a de nombreuses conséquences sur nos sociétés, comme la transformation du marché de l'emploi, l'émergence de nouveaux besoins en termes d'immigration et la création de nouveaux modèles familiaux qui défient le modèle traditionnel. Le vieillissement de la population affecte également l'offre et la demande de certains programmes gouvernementaux, comme la santé ou les pensions de retraite. Les conséquences du vieillissement de la population sur la politique électorale et la représentation démocratique ne sont cependant pas très bien comprises. Les chercheurs qui ont recours à l'approche sociologique pour étudier différents phénomènes ne s'entendent pas tous sur les conséquences du vieillissement de la population pour la politique. D'une part, certains posent l'argument selon lequel l'âge n'est pas un facteur suffisamment important pour expliquer les différences dans l'appui aux différents partis politiques, ce qui fait en sorte que l'influence des aînés sur la politique ne peut qu'être minime. D'autre part, certains posent l'argument selon lequel les différences d'âge en termes de préférences politiques peuvent avoir une influence sur les résultats politiques. Par exemple, en participant aux élections ou en créant des groupes d'intérêt, les aînés peuvent influencer les décisions des élus. L'objectif de cette thèse est de présenter des assises théoriques et des éléments de preuves empiriques pour faire avancer ce débat. Plus précisément, cette thèse tente de répondre aux questions suivantes: Les personnes plus âgées ont-elles des préférences politiques différentes des autres groupes d'âge? Les aînés préfèrent-ils certains partis politiques? Si oui, la participation politique des aînés peut-elle mener à l'élection de ces partis? Les élus s'intéressent-ils aux enjeux qui touchent les aînés? Le cadre théorique présenté dans cette thèse m'amène à formuler une série d'arguments sur les conséquences du vieillissement de la population pour la représentation. Au niveau individuel, je pose l'argument selon lequel l'âge peut influencer la formation d'opinions politiques et affecter l'accès à certaines ressources qui sont importantes pour la participation. Cela a différentes conséquences sur les préférences politiques et la participation des différents groupes d'âge, conséquences qui peuvent se transposer sur la représentation. Premièrement, si les préférences politiques des citoyens changent en raison du vieillissement de la population, alors les élus pourraient avoir tendance à vouloir représenter ces nouvelles préoccupations citoyennes pour des raisons normatives. Deuxièmement, une plus grande participation électorale chez les aînés pourrait affecter la composition des assemblées législatives, ce qui en retour pourrait avoir des répercussions sur les décisions prises au gouvernement. Troisièmement, le taux de participation plus élevé chez les aînés pourrait créer des incitatifs pour les candidats et les politiciens d'être à l'écoute des préférences de ces citoyens. Enfin, en étant plus impliqués dans des formes non-électorales de participation (comme les groupes d'intérêts, par exemple), les aînés pourraient réussir à faire entendre leurs préoccupations par les politiciens, et ainsi influencer les décisions prises par ces derniers. Ma démonstration empirique repose sur le cas canadien et comprend trois articles. Chaque article présente des analyses qui visent à valider certains aspects du cadre théorique. Le premier article porte sur l'effet de l'âge sur les préférences en termes de dépenses publiques. Les études sur cette question ont souvent été limitées à quelques programmes gouvernementaux ou à certaines années, ce qui rend difficile de tirer des conclusions à ce sujet. Mon analyse repose sur des données canadiennes tirées de sondages d'opinion publique menés entre 1987 et 2019 lors desquels les répondants ont été amenés à se positionner sur 15 enjeux. Mes résultats démontrent que les personnes plus âgées sont plus favorables à un maintien du statu quo en termes de dépenses publiques. Ils démontrent également que les aînés sont moins favorables aux dépenses en éducation et plus favorables aux dépenses militaires et de transport. Le deuxième article analyse le comportement électoral en résidences pour aînés. Cette question fait l'objet de très peu de recherche, et ce même si le nombre de personnes qui vivent en résidences augmente à travers le monde. Dans cet article, j'ai recours aux résultats électoraux dans les bureaux scrutin lors des élections fédérales canadiennes de 2015 et de 2019 pour analyser les différences dans la participation et le vote entre ces bureaux de scrutin et les autres bureaux de scrutin. Mes résultats confirment que la participation électorale est plus élevée dans les résidences pour aînés, tout comme l'appui aux partis conservateur et libéral. L'appui au NPD est pour sa part plus faible en résidences pour aînés. Ces différences sont quelque peu surprenantes, puisque le parti libéral n'était en général pas très populaire auprès des aînés en 2015 et en 2019. Les personnes âgées étaient aussi beaucoup plus défavorables au NPD que ce qui transparaît dans l'analyse des résidences pour aînés. Pour expliquer ces résultats, j'analyse les données d'un sondage mené auprès du personnel de résidences pour aînés pour savoir si certains partis ont plus souvent visité ces résidences que d'autres lors de la campagne de 2019. Je présente également les résultats d'entrevues menées auprès d'employés de partis politiques fédéraux. Bien que tous les partis aient un intérêt marqué envers les résidences pour aînés lors des campagnes, il semble que le parti libéral ait visité un plus grand nombre de résidences en 2019, surtout dans les provinces clés. Le dernier article analyse la représentation des aînés à travers les débats parlementaires. L'association entre le contenu des discours parlementaires et les caractéristiques des citoyens a surtout été étudié en ayant recours à un seul enjeu ou en se penchant sur un segment des débats, comme les périodes de questions. Dans cet article, j'ai recours à l'ensemble des débats parlementaires canadiens entre 1988 et 2015 pour analyser la correspondance entre le contenu des discours et les caractéristiques des citoyens. Pour ce faire, je présente de nouveaux dictionnaires crées à partir de l'index des Hansards. Ces dictionnaires contiennent des expressions qui me servent à identifier les mentions de trois enjeux dans les débats: l'immigration, le chômage et les enjeux liés aux aînés. Les résultats confirment que les élus parlent de l'immigration et du chômage lorsque ces enjeux concernent leurs citoyens. Or, les représentants élus dans des circonscriptions plus âgées ne discutent pas davantage des enjeux liés aux aînés. Enfin, les analyses démontrent que les élus plus âgés discutent d'enjeux liés aux aînés davantage que les autres députés, ce qui pourrait indiquer l'existence de représentation descriptive. Dans la conclusion, j'aborde différents mécanismes qui pourraient expliquer la faible association entre l'âge des citoyens et l'attention portée aux enjeux liés aux aînés par les députés canadiens. J'y aborde également les implications théoriques de chaque chapitre empirique pour l'étude du comportement politique, de la représentation et de la politique législative au Canada et ailleurs au monde. En présentant un cadre théorique original pour expliquer la représentation des aînés dans le contexte du vieillissement de la population, cette thèse contribue à créer de nouvelles opportunités pour les chercheurs qui s'intéressent aux liens entre l'âge et la politique., The consequences of population ageing are manifold. They include transformations to the labour market, changing needs in terms of immigration and modifications to the traditional family structure. Population ageing also influences the demand for and provision of certain government services, like health care or old-age pensions. What is less clear, however, is whether the social changes brought about by population ageing also have implications for electoral politics and democratic representation. In fact, proponents of the sociological approach in political science do not all agree on the repercussions of population ageing for politics. On the one hand, some argue that age-group cleavages in party preferences are generally insignificant, so seniors, even though they are forming an increasingly large group of voters in many democracies, are unlikely to have an impact on electoral politics or policy output. On the other hand, others argue that age differences in policy preferences can actually affect policy decisions; for example, through electoral participation or interest group mobilization. The goal of this dissertation is to develop theoretical foundations and offer new pieces of evidence to advance this debate, thus contributing to the field of research on age and politics. More precisely, this dissertation tries to answer the following questions. Do older people have different policy preferences, when compared to younger people? Do seniors have a preference for some parties over others? If so, can the participation of older people in the democratic process contribute to the electoral success of these parties? Do elected representatives pay attention to the interests of their senior constituents? The theoretical framework presented in this dissertation leads to a number of arguments about the repercussions of population ageing for democratic representation. At the individual level, I argue that age can shape both the formation of political opinions and access to resources that influence political participation. This leads to different patterns of policy preferences and participation in older versus younger voters, which can have four implications for democratic representation. First, there can be a direct association between aggregate policy preferences and policy output. Some representatives may simply want to fulfill their normative role and be responsive to changing citizen preferences brought about by population ageing. Second, higher levels of electoral participation by older groups of citizens have the potential to influence descriptive representation, which can itself affect policy output. Third, these higher levels of participation create electoral incentives for political candidates to be attentive to older voters. Finally, by getting involved in different forms of non-electoral political participation, members of older age groups increase their opportunities to be in contact with politicians. This can enhance the importance of seniors' issue preferences in the eyes of representatives, thus fostering political responsiveness on these issues. The empirical demonstration relies on the Canadian case and takes the form of three articles. Each article presents pieces of evidence to validate specific aspects of the theoretical framework. The first article addresses the question of whether seniors hold different attitudes towards government spending than younger people. The literature on age and public spending preferences has been limited to a few policies or to short periods of time, which makes it difficult to draw comprehensive inferences about life cycle changes in opinions towards government expenditures. Using Canadian public opinion surveys between 1987 and 2019 that asked respondents to position themselves on fifteen policies, I find that older people are generally more favourable to the status quo when it comes to government spending. I also find that support for education spending decreases extensively over the life cycle, while support for spending on defence and transportation is more widespread in older age. The second article investigates political behaviour in seniors' residences. This question is largely under-studied, even though the number of people living in retirement communities or long-term care facilities is increasing in many countries. In this article, I rely on electoral results and polling station location data from the 2015 and 2019 Canadian federal elections to show that voters of seniors' residences vote more than other Canadians, and are significantly more supportive of the Conservative and Liberal parties. Moreover, as compared to other voters, voters of seniors' residences are somewhat less likely to support the New Democratic Party, but this difference is small. The disparities between party vote shares in seniors' residences and other polling stations are surprising, because older people in the general population were not largely supportive of the Liberals in 2015 and 2019. Seniors were also a lot less likely to vote for the NDP. To explain these results, I analyse data from an original survey conducted with the personnel of seniors' residences and qualitative data obtained from interviewing campaign workers. Evidence confirms that all parties are interested in visiting seniors' residences, but Liberal candidates visited a larger number of them ahead of the 2019 election, especially in battleground provinces. The third article analyzes the representation of seniors through parliamentary speeches. The association between the content of parliamentary speeches and constituency interests has mainly been studied using single issues or by analysing types of debates when legislators are less constrained by their parties, like parliamentary questions. In this article, I use a comprehensive set of parliamentary text corpora from the Canadian House of Commons to analyse congruence between the content of MPs' speeches and constituents' characteristics. To do so, I create an original topic dictionary based on the index of the Hansards to identify mentions of three policy issues in the debates: immigration, unemployment and seniors' issues. Results show that legislators are responsive to locally-relevant concerns when debating immigration and unemployment, but not when it comes to seniors' issues. However, results confirm that older representatives discuss seniors' issues more than younger representatives, which hints at the existence of descriptive representation. In the concluding chapter, I present potential explanations for the weak responsiveness of MPs to senior constituents. I also discuss the implications of each empirical chapter for the democratic representation of seniors, and explain how the dissertation contributes to the study of political behaviour, representation, and legislative politics in Canada and in the comparative context. By developing an original theoretical framework for the representation of seniors in the context of population ageing, this dissertations opens up new avenues of research on age and politics.