Si les violences sexuelles sur enfant paraissent actuellement mieux reconnues et prises en charge, il est un type d'actes et une catégorie d'âge totalement oubliée qui est celle des bébés et des tout jeunes enfants, beaucoup d'âge préverbal (0–3 ans), victimes de viols. Pourtant, régulièrement des adultes (et même des mineurs) sont condamnés pour en être auteurs. Notre expérience professionnelle nous amène depuis des années à prendre en charge de très jeunes enfants victimes de viol sans que la spécificité de cette violence soit relayée par des articles scientifiques. Il y a un véritable tabou autour des viols subis par les bébés et cet indicible conduit les intervenants à ne pas penser que cela puisse exister donc à ne pas envisager sa réalité, alors même que des troubles sont évidents. Certes il s'agit d'une maltraitance extrême, eu égard à la vulnérabilité des victimes. Elle est néanmoins bien réelle et l'absence de publication à ce sujet ne peut que nous interroger, car elle laisse sous silence probablement bien des situations. Les auteurs qui violent un bébé peuvent le tuer du fait des actes commis [1] , ils peuvent continuer à l'agresser même quand ils grandissent, mais peuvent aussi cesser les agressions dès que l'enfant acquiert la parole, par crainte d'être dénoncés. Aucune étude quantitative n'ayant jamais été réalisée sur ce sujet, nous ne pouvons que transmettre la réalité du terrain liée à notre travail de psychothérapeutes et d'experts. Lorsqu'un très jeune enfant subi des viols qui ne sont pas repérés, et lorsqu'il survit, et que ces violences s'arrêtent quand il commence à parler, cela ne signifie pas que la violence subie ne va pas s'exprimer autrement, en particulier par une violence agie sur soi-même ou sur d'autres. Les viols font traces physiquement et psychiquement et ce sont bien souvent des comportements sexuels inadaptés qui vont alerter les adultes (proches, enseignants). Mais le jeune enfant n'ayant pas les capacités mnésiques suffisantes pour mémoriser comme un plus grand ce qu'il peut vivre et subir, il est en incapacité de dénoncer nommément son agresseur. L'expressivité des troubles post-traumatiques n'étant pas linéaire, il est fréquent que l'attitude de l'enfant n'interpelle les adultes que des années après que les agressions ont été commises. Et les conséquences de viols subis dans la prime enfance peuvent être innombrables (troubles post-traumatiques multiples, troubles dans la construction de la sexualité infantile, troubles dans les apprentissages, troubles dans l'établissement des liens sociaux, etc.). À une période de plein développement psychosexuel, psychoaffectif et cognitif, ces violences extrêmes peuvent durablement hypothéquer le devenir de l'enfant. Par ailleurs, le fait que les troubles externalisés (bien visibles et inquiétants) puissent apparaître en différé reste méconnu, y compris des professionnels. Ce qui peut être source de malentendus de toutes sortes, en particulier en raison du manque de formation des intervenants qui pensent que si les troubles se manifestent c'est que les faits viennent d'être commis et sont convaincus que l'enfant est en mesure de nommer l'auteur. L'enfant violé bébé n'a pas cette capacité à se défendre quand il est agressé et à dénoncer quand il pourrait le faire. Repérer ces situations au plus tôt s'avère donc indispensable pour limiter les effets de ces violences. L'objectif principal de cet article est de décrire la spécificité des viols commis sur les tout-petits afin de mieux repérer des signes susceptibles d'alerter les professionnels de santé sur la réalité de violences de ce type subi par de tout jeunes enfants ; ceci pour une prise en charge la plus précoce possible. Le public de notre publication est celui des bébés et des enfants de moins de 3 ans, c'est-à-dire un groupe d'âge où la dépendance à l'adulte est très forte, et la capacité d'expression verbale nulle ou très limitée. La mémoire des faits récents est encore balbutiante et s'exprime au mieux par un comportement d'interprétation pas toujours évidente. Il s'agit d'un article nourri de notre expérience clinique et de données qualitatives recueillies tout au long de nos années d'expérience. Ce travail nous a permis à partir de l'analyse de ces différents critères de proposer à travers un tableau synthétique des éléments de repérage fondamentaux lors d'intervention auprès de très jeunes enfants. Si les viols subis par les tout jeunes enfants conduisent à des marques sur le corps spécifiques, ils sont aussi à l'origine d'une souffrance psychique invisible pouvant se traduire par des troubles mettant en danger non seulement l'enfant (conduites dangereuses, addictions, tentatives de suicide, suicide), mais aussi son entourage (violences sexuelles, agressions physiques). La conclusion de cette réflexion est l'importance de former les intervenants pour sortir du déni de la réalité de cette violence. Oser parler de ce sujet pour le sortir de cette indicible clinique permet d'envisager des prises en charge adaptées et limiter que des enfants victimes restent seuls face à leur souffrance avec tous les dangers que cela peut entraîner. If sexual violence perpetrated against children currently seems to be better recognized and treated, there is one type of act and one age category that are totally disregarded: babies and very young children, many of pre-verbal age, (0–3 years) who are victims of rape. However there are adults (and even minors) who are regularly convicted of being perpetrators. Our professional experience has led us for years to treat very young children who are victims of rape without the specificity of this violence being discussed in scientific articles. There is a real taboo concerning the rape of babies, and this unspeakable act leads the interveners to not even imagine that such an act can exist and, therefore, not to consider its reality, even though the resulting disorders are obvious. Admittedly, this is extreme abuse, given the vulnerability of the victims. It is nevertheless very real and the absence of publications on this subject can only make us wonder, because it probably results in a resounding silence about many situations. Perpetrators who rape a baby might kill the child as a result of the acts committed [1] , they can continue to abuse the child even when they grow up, but they may also stop the abuse as soon as the child becomes able to speak for fear of being reported. As no quantitative study has ever been carried out on this subject, we can only transmit the reality of the field based on our work as psychotherapists and experts. When a very young child is subjected to rape that is not detected, and when he or she survives, and that violence stops when they begin to speak, it does not mean that the violence suffered will not be expressed in other ways, especially by violence against oneself or others. Rape leaves physical and psychological ramifications and it is often inappropriate sexual behavior that will alert adults (relatives, teachers). But the young child does not have sufficient memory capacity to remember what they have experienced and suffered, and they are unable to denounce their aggressor. Since the expressiveness of post-traumatic stress disorder is not linear, it is common that the child's attitude will be noticed by adults only years after the assaults have been committed. And the consequences of rape suffered in early childhood can be innumerable (multiple post-traumatic disorders, disorders in the construction of childhood sexuality, learning disorders, disorders in the establishment of social bonds, etc.). At a time of full psychosexual, psychoaffective and cognitive development, this extreme violence can have a lasting effect on the child's future. Furthermore, the fact that externalized disorders (which are clearly visible and worrying) can appear on a delayed basis remains largely unknown, including by professionals. This can be a source of all kinds of misunderstandings, particularly due to the lack of training of those involved who believe that if the disorders manifest themselves it is because the abuse has just been committed and they are convinced that the child is able to name the perpetrator. Children who have been raped as a baby do not have this ability to defend themselves when they are assaulted and to denounce their perpetrator at the time when the abuse took place. It is therefore essential to identify these situations as early as possible in order to limit the effects of such violence. The main objective of this article is to describe the specificity of rape committed on toddlers in order to better identify the signs likely to alert health professionals to the reality of this type of violence to which very young children are submitted so that the earliest possible treatment can be undertaken. The audience of our publication is that of babies and children under the age of three, that is, an age group where the child's dependence on an adult is very strong, and the capacity for verbal expression is nil or very limited. The memory of recent events is still in the child's infancy and is best expressed by a behavior of interpretation that is not always obvious. This article is informed by our clinical experience and qualitative data collected throughout our years of experience. This work has allowed us to conduct an analysis of these different criteria, and to propose, through a synthetic table, fundamental elements of identification when working with very young children. If the rapes suffered by very young children result in obvious marks on the child's body, they are also at the origin of invisible psychological suffering that can result in disorders endangering not only the child (dangerous behavior, addictions, suicide attempts, suicide), but can also effect his or her entourage (sexual violence, physical aggression). The conclusion of this reflection is the necessity of recognizing the importance of training stakeholders to step away from the frequent denial of the reality of this violence. Daring to talk about this subject in order to reverse this unspeakable clinical situation, makes it possible to envisage appropriate care and to reduce the number of child victims who remain alone in their suffering, with all the concurrent dangerous consequences that this can entail. [ABSTRACT FROM AUTHOR]