Francois, M., Hot, A., Ninet, J., Salles, G., Michel, M., Broussolle, C., Ruivard, M., Descloux, E., Deroux, A., Langlois, M.E., Durieu, I., and Lega, J.C.
Introduction Si l’anémie est fréquente au cours du lupus érythémateux systémique (LES), l’anémie hémolytique auto-immune (AHAI) ne concerne que 10 % des patients. Cette étude vise à décrire les caractéristiques de l’AHAI au cours du lupus, la réponse aux traitements et la fréquence des rechutes, en les comparant aux AHAI idiopathiques. Patients et méthodes Dans cette étude rétrospective multicentrique, nous avons inclus les patients adultes (≥ 16 ans) porteurs d’un LES (≥ 4 critères SLICC) ayant présenté pendant la période 1999–2015 au moins un épisode d’anémie (hémoglobine (Hb) < 120 g/L chez l’homme ou 110 g/L chez la femme) hémolytique (haptoglobine basse ou élévation conjointe de la bilirubine libre et des LDH) auto-immune (test direct à l’antiglobuline positif). La réponse hématologique était définie comme réponse complète (RC) si : Hb ≥ 120 g/L (homme) ou 110 g/L (femme) sans stigmate d’hémolyse ; réponse partielle (RP) si : 100 ≤ Hb < 120 g/L chez l’homme ou : 100 ≤ Hb < 110 g/L chez la femme ou si Hb ≥ 120 g/L chez l’homme et 110 g/L chez la femme avec signes d’hémolyse persistante ; échec dans les autres cas. Nous avons pris pour témoins les patients adultes chez lesquels a été porté, pendant la période 1999–2015, le diagnostic d’AHAI idiopathique. Le caractère idiopathique était défini par l’absence de néoplasie (hématologique ou solide), d’infection virale, de cause médicamenteuse ou de maladie auto-immune associée. Résultats Nous avons inclus 64 patients : 38 dans le groupe LES et 26 dans le groupe idiopathique. Le groupe LES était plus jeune au diagnostic d’AHAI que le groupe témoin (âge médian : 37 ans contre 63 ans, p < 0,001) et comptait plus de femmes (95 % contre 65 %, p < 0,001). Dans le groupe LES, le lupus précédait l’AHAI dans 42 % des cas, était concomitant dans 34 %, et postérieur dans 24 % des cas. Un syndrome des antiphospholipides était associé au LES dans 29 % des cas. L’AHAI était symptomatique chez 87 % des patients lupiques, et chez tous les témoins. L’anémie était plus profonde (hémoglobine médiane au diagnostic : 64 g/L, IQ : 57–70 vs 70 g/L, IQ : 62–90 ; p < 0,001) et plus régénérative (médiane des réticulocytes : 200 G/L, IQ : 166–358 vs 110 G/L, IQ : 40–199 ; p < 0,001) dans le groupe témoin que dans le groupe LES. Le VGM était plus élevé chez les témoins (VGM médian : 104 fL, IQ : 94–115) que dans le groupe LES (VGM médian : 91 fL, IQ : 83–103 ; p < 0,001). Une thrombopénie (< 100 G/L) était plus souvent concomitante de l’AHAI au diagnostic chez les patients lupiques (24 %) que chez les témoins (8 %, p = 0,08) ; une leucopénie (< 3 G/L) était notée chez 19 % des patients LES et 5 % des témoins ( p = 0,13). Tous les témoins et 95 % des patients LES ont reçu un traitement spécifique pour l’AHAI. La transfusion de concentrés globulaires était nécessaire chez 64 % des témoins et 42 % des patients LES ( p = 0,11). La corticothérapie systémique était utilisée en première ligne chez 96 % des témoins et chez tous les patients lupiques nécessitant un traitement spécifique. Les taux de RC étaient similaires entre les 2 groupes à un mois (groupe LES : 50 %, groupe idiopathique : 47 %, p = 0,85), et à 3 mois (groupe LES : 71 %, groupe idiopathique : 85 %, p = 0,31). Une corticorésistance (absence de réponse hématologique à 3 mois ou rechute précoce avant le 3 e mois) était aussi fréquemment observée dans les 2 groupes, représentant 25 % des patients. Parmi les 26 patients du groupe LES répondeurs à la corticothérapie à 3 mois, 10 ont rechuté (38 %), nécessitant un traitement de 2 e ligne : rituximab ( n = 1), cyclophosphamide ( n = 2), azathioprine ( n = 3), mycophénolate mofétil ( n = 1), danatrol ( n = 1), splénectomie ( n = 2). Le taux de RC était à 71 % à 6 mois, avec une rechute ultérieure dans 60 % des cas. Parmi les 21 témoins répondeurs à la corticothérapie à 3 mois, 5 ont rechuté (24 %), nécessitant un traitement de 2 e ligne : azathioprine ( n = 2), rituximab ( n = 1), immunoglobulines polyvalentes ( n = 1), splénectomie ( n = 1). Le taux de RC à 6 mois était à 75 %. Le taux de RC aux dernières nouvelles était de 80 % chez les patients lupiques, et de 88 % chez les témoins ( p = 0,39). La médiane de survie sans rechute n’était pas significativement différente entre les deux groupes ( p = 0,75). Conclusion En comparaison à l’AHAI idiopathique, l’AHAI au cours du lupus est moins profonde et moins régénérative avec une réponse identique à la corticothérapie, mais des rechutes plus fréquentes. Le traitement de seconde ligne des AHAI lupiques reste à ce jour non consensuel. [ABSTRACT FROM AUTHOR]