Plus d’un siècle avant l’opéra de Benjamin Britten Le Songe d’une nuit d’été (1960), un opéra-comique français éponyme du compositeur Ambroise Thomas (1850 pour la première version, 1886 pour la seconde), ayant quant à lui usurpé le titre de la comédie shakespearienne, connaît un franc succès sur les scènes françaises. Cette contribution se propose d’éclairer quelques aspects de la présence protéiforme de « Shakespeare après Shakespeare » dans le livret de Joseph Bernard Rosier et Adolphe de Leuven, ainsi que sa réception productive en dehors de l’Hexagone. Près d’un demi-siècle après la première individuation dramatique de l’auteur-personnage Shakespeare en France, dans la comédie d’Alexandre Duval Shakespeare amoureux (1803), les deux librettistes mettent ainsi en scène, sous couvert de l’illustre patronyme et dans une intrigue inédite, une figure d’artiste qui, sous les auspices d’une mystérieuse muse s’avérant être la reine Élisabeth Ire, passe du statut de jeune auteur débauché à la recherche de l’Amour à celui de Poète national, l’ébauche d’idylle entre les deux protagonistes se muant en apothéose finale associant pour l’éternité le personnage de Shakespeare à sa puissante souveraine. Cette appropriation de la figure du poète-dramaturge élisabéthain par le genre lyrique, s’exonérant de toute vérité historique ou biographique, se double d’un jeu intertextuel : les grands motifs du théâtre de Shakespeare plus ou moins trivialisés se retrouvent mis au service d’intrigues parallèles se recoupant à la manière de la dramaturgie shakespearienne, tandis que les scènes d’auberge, rivalisant avec leurs illustres modèles, servent l’atmosphère de l’opéra-comique. Enfin, la réécriture du personnage de Falstaff, côtoyant la figure de son créateur, rappelle aussi les affinités de l’anti-héros shakespearien avec l’opéra. More than a century before Benjamin Britten’s opera, A Midsummer Night’s Dream (1960), a French opéra-comique composed by Ambroise Thomas (Le Songe d’une nuit d’été, 1850 for the first version, 1886 for the second), which also takes its title from Shakespeare’s comedy without directly referring to it, proved to be an overwhelming success on the French stage. This paper will identify and discuss aspects of the protean presence of « Shakespeare after Shakespeare » in Joseph Bernard Rosier’s and Adolphe de Leuven’s nineteenth-century libretto, before following his productive reception outside France. Almost a half-century after the first theatrical individuation of Shakespeare as an author-character on the French stage in Alexandre Duval’s comedy Shakespeare Amoureux (1803), the two librettists place the illustrious Shakespeare in a new and original plot as an artist who, under the inspiration of a mysterious muse who turns out to be Queen Elizabeth I, is transformed from a young, merrymaking author in search of love, to a national poet ; the emerging romantic idyll between the two protagonists shifts towards a final apotheosis illustrating the lasting association in minds between national poet Shakespeare and the powerful monarch. The appropriation of the Elizabethan poet-playwright by lyrical theater, without regard for historical or biographical facts, is enriched by intertextual play: the principal themes and motifs of Shakepeare’s works, more or less transformed or trivialized, find themselves in the service of parallel intertwining plots reminiscent of Shakespearean dramaturgy, while tavern scenes that rival their illustrious predecessors contribute to the opéra-comique’s atmosphere. Lastly, representation of Falstaff socializing with his creator also recalls the affinities between the Shakespearean anti-hero and opera.