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Les guerres civiles de la fin de la République apparaissent dans la Pharsale de Lucain comme le révélateur d’exactions paroxystiques dont le trauma est sensible sur les corps des citoyens comme sur le corps de Rome. Lucain suggère même une empreinte des guerres civiles de la fin de la République dans les grandes réalisations architecturales et urbanistiques de l’époque augustéenne. Le bellum ciuile, répété sur plusieurs générations à la fin du Ier siècle av. J.-C., renverse d’abord les lieux religieux et politiques de Rome, en subvertissant le ius et le fas. Puis Lucain présente Rome comme une cité mythique de tragédie, Thèbes ou Mycènes, espaces paradigmatiques du crime familial. Enfin, selon le principe stoïcien de sympathie universelle, Rome traduit à elle seule l’ébranlement du monde provoqué par les guerres civiles. Au nom d’une métaphore organique de l’histoire de la cité, l’Vrbs porte alors les stigmates de blessures sans précédent. The civil wars of the end of Roman Republic in Lucan’s Pharsalia reveal paroxysmal exactions whose trauma is perceptible as far on citizens’ bodies as on Rome’s one. Lucan even evokes the traces of Roman Republican civil wars in some architectural and urban constructions of the Augustan period. The bellum ciuile, repeated on several generations at the end of the 1st century BC, first overturns religious and political main places of Rome, by subverting the ius and the fas. Then Lucan describes Rome as a tragic mythical city, like Thebes or Mycenae, paradigmatic spaces of family crime. Finally, according to the Stoic principle of universal sympatheia, Rome alone embodies the shaking of the world, caused by civil wars. Due to an organic metaphor of Rome’s history, the city then bears the marks of remarkable wounds.

À partir de quatre tragédies créées entre 1732 et 1755, nous souhaitons voir comment Voltaire s’interroge sur le modèle de civilisation porté par le mouvement des Lumières, en passant par le détour géographique. L’écrivain a besoin de la différence de l’Autre pour mettre en jeu une réflexion concentrée sur des objets essentiels de la philosophie politique : le phénomène de l’idéologie et des projections fantasmatiques sur l’Autre (Zaïre), les fondements nécessaires à la concorde sociale, après les temps de guerre civile (Mahomet) ou les entreprises de conquête (Alzire, L’Orphelin de la Chine). La possibilité du désaccord parfait existerait-elle ? La répétition du schéma dramatique de la confrontation entre puissances politiques fait ressortir, chez Voltaire, une pensée tendue vers un modèle de coexistence qui saurait faire sienne l’altérité sans y voir une nuisance. Based on four tragedies created between 1732 and 1755, the aim is to see how Voltaire questions the model of civilisation carried by the Enlightenment, by means of a diversion. The writer needs the difference of the Other to bring into play a reflection focused on essential objects of political philosophy: the phenomenon of ideology and phantasmatic projections on the Other (Zaire), the necessary foundations for social concord, after times of civil war (Mahomet) or the enterprises of conquest (Alzire, L’Orphelin de la Chine). Is there such a thing as perfect disagreement? The repetition of the dramatic pattern of confrontation between political powers reveals Voltaire’s thinking as tending towards a model of coexistence that could embrace otherness without seeing it as a nuisance.

L’analyse de la tragédie de Jean de La Péruse, Médée, développe une réflexion autour de la colère, une passion humaine violente et réactive qui représente, parfois, une forme légitime d’indignation. Cette indignation ‘juste’ provoque l’acte vindicatif nécessaire, à travers un procès d’autocontrôle et d’élaboration que cette Médée de la Renaissance illustre parfaitement. L’analyse met en lumière l’influence d’une production humaniste - la tragédie néolatine Medea de Buchanan, le commentaire de Muret à l’Éthique à Nicomaque, les Emblèmes d’Alciato — qui alimente la réflexion de La Péruse, étudiant de droit, poète et dramaturge, membre de la jeune Pléiade. In this article the author seeks to analyse wrath by the means of an examination of La Péruse’s tragedy, Médée. Wrath is a violent human and reactive expression which sometimes may represent a legitimate form of indignation. The righteous indignation causes the necessary vindictive act, in a process of self-control and elaboration that is perfectly illustrated by this Renaissance Medea. The analysis shows a humanist production – Buchanan’s Neo-Latin tragedy, Muret’s commentary of Ethica Nicomachea, Alciato’s Emblems –influencing La Péruse’s tragedy and his reflection on the passion of wrath. L’analisi della tragedia di Jean de la Péruse, Médée, sviluppa una riflessione intorno alla passione della collera, un sentimento umano violento e reattivo che rappresenta, in alcune circostanze, una forma legittima e salutare di indignazione. E’ tale giusta indignazione a promuovere un atto vendicativo necessario, attraverso un processo di autocontrollo e di elaborazione che questa Medea cinquecentesca interpreta perfettamente. L’analisi mette in luce l’influenza di una produzione umanista - la tragedia neolatina Medea di Buchanan, il commento di Muret all’Etica Nicomachea, gli Emblemata di Alciato - che sedimenta nella riflessione di La Péruse, studioso di diritto, poeta e drammaturgo, membro della nascente Pléiade.

Trahis par le destin, vous serez votre ouvrage ! Devenez des héros, vous serez plus que rois. Le théâtre a toujours célébré le culte des héros. D’Oreste à Cyrano, d’Achille à Henry V ou Jeanne d’Arc, du Cid au Prince de Hombourg, les héros mythologiques ou historiques ont constamment occupé l’avant-scène des théâtres. En France, deux moments sont remarquables sur ce point, le Grand Siècle avec la tragédie classique - en particulier les pièces de Pierre Corneille - et la première moitié du xi...

L’année 1760 réunit les conditions nécessaires à l’épiphanie du héros plébéien sur la scène et dans les arts. Au cours de la décennie, une succession de figures individuelles entrent en scène, dessinant ses traits spécifiques, sa silhouette, ses qualités physiques et morales identifiables au théâtre notamment par le costume et les accessoires. Deux figures se détachent en particulier par leur popularité immédiate dans l’opinion publique et leur fortune considérable dans les arts figuratifs et...

Illustration 1. Anonyme, Gaulois blessé, vers 100-130 après J.-C., marbre © Musée de Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Daniel Lebée / Carine Déambrosis. Illustration 2. François-Édouard Picot, Portrait de Talma en costume de Guillaume Tell, 1822, huile sur toile, Comédie française, Paris © A. Dequier, coll. Comédie-Française. Illustration 3. François-André Vincent, Guillaume Tell renversant la barque sur laquelle le gouverneur Gessler traversait le lac de Lucerne, 1791, huile sur toile © Mus...

Dans les « Entretiens sur Le Fils naturel », Dorval, le héros de la pièce de Diderot, considère les valets comme des conventions théâtrales d’un autre temps, des éléments épisodiques en marge de l’intrigue ou dans l’entourage des protagonistes. Un maître qui s’entretient familièrement avec son domestique sur la scène, « cela n’est ni vraisemblable ni vrai ». Dorval concède que les domestiques méritent charité et considération malgré leur indignité et leur peu d’intérêt sur une scène : « parce...

Les valeurs que la tradition attache à l’héroïsme changent au cours du xviiie siècle en raison de mutations dans la compréhension et dans l’interprétation de l’histoire. Le rôle du progrès technique et des coutumes, la vie des idées dans la société, l’action collective des peuples sont désormais pris en compte dans les ouvrages historiques et se substituent à la recension des successions dynastiques et des glorieuses batailles. En conséquence, les œuvres littéraires et théâtrales se retrouven...

Dans l’épisode de L’Iliade où il apparaît, Thersite intervient en prenant la parole. Il interrompt le discours d’Agamemnon de façon intempestive et dissonante. De même, dans La Mort d’Abel, Caïn, ayant « toujours la raillerie ou l’insulte à la bouche » entre en scène après que son « cri terrible » et ses « plus affreux blasphèmes » ont résonné toute la nuit jusqu’à effrayer sa propre épouse. La prise de parole publique ou privée, l’empire naturel et l’agrément des paroles définissent le héros...

Les mythographes rappellent que les héros de la mythologie antique inscrivent leur parcours individuel dans une chronologie en adoptant les traits essentiels d’une époque donnée, son système de valeurs et ses institutions sociales. Si, selon Hésiode, les héros sont nés entre les mythiques âges d’or et de fer – les « temps héroïques » –, René Martin précise bien que « les héros sont les témoins de la “fluidité des origines”, celle des commencements [...], ils participent à l’élaboration des in...

La tyrannie... Malheureux ? si tu en fondais une nouvelle !...Eh ! d’autres mains la briseront ! Ainsi va le monde. L’émergence d’un héros tragique nouveau sur la scène théâtrale en France à partir de 1760 est en définitive le signe d’une réforme esthétique et d’une révolution anthropologique. D’origine indigne ou humble, pouvant être représenté sous des formes très diverses (soldat de fortune, mercenaire, esclave, serviteur, berger, cultivateur, etc.), il passe de l’exemplarité à une plus gr...

Au cours du xviiie siècle, des tragédies prennent pour sujet un roi déchu ou démissionnaire, voire un trône en vacance pure et simple. Le xviie siècle avait présenté un premier type, le roi amoureux, dans Mithridate par exemple où Racine met en scène un vieux roi avili, rival de ses propres fils. Les commentateurs ont difficilement toléré ce roi de tragédie dégradé par une thématique galante. Mais le type n’est ni central ni récurrent chez Racine, alors que les auteurs de la génération suivan...

Le 6 mars 1792, les cris de Caïn retentissent sur la scène du théâtre de la Nation, en plein cœur de la Révolution et des premiers événements conduisant à l’instauration de la Terreur : Quoi ! mes enfants, nés plus forts et plus braves,De ceux d’Abel un jour devenir les esclaves !Mes enfants exercer de serviles travauxQui d’un maître indolent nourriront le repos ! Le premier meurtrier de l’humanité selon la Genèse s’exprime et agit sous les yeux du public parisien, métamorphosé en un être de ...

Voltaire n’a cessé d’interroger la place du peuple au théâtre. Il a même anticipé le discours critique actuel sur les arts du spectacle qui s’est demandé récemment : « N’est-ce pas une tâche impossible, infinie, que de rendre à chacun sa différence, sa singularité, son irréductibilité d’être parlant ? » Son théâtre tragique montre une action collective où la société n’est plus représentée par un héros exceptionnel, mais par des citoyens ordinaires. En suivant son œuvre théâtrale sur plus d’un...

Dans les dernières décennies du XVIe siècle se met en place en Italie une « dramaturgie de réponse » (Siro Ferrone) qui prend en compte les transformations majeures alors en cours dans le domaine du spectacle, notamment l’élargissement du public et l’ouverture des théâtres aux femmes. Des auteures s’affirment à l’intérieur d’une production dominée par les hommes, et travaillent à faire reconnaître l’aptitude du cerveau féminin non seulement à comprendre, mais à écrire des pièces de théâtre. Elles proposent alors une dramaturgie « au féminin », distincte de celle des hommes, en se limitant toutefois au domaine de la pastorale dont elles renouvellent certains personnages codés comme le satyre. Une seule d’entre elles ose tenter l’aventure de la tragédie, Valeria Miani Negri, dont on analyse ici la tragédie Celinda, publiée en 1611, pour définir quelle réponse Miani apporte à la question posée par certains théoriciens antérieurs, comme G.B. Giraldi Cinzio : une tragédie au féminin est-elle possible, non seulement du point de vue de la réception, mais de la création ? In the last decades of the sixteenth century, a « dramaturgy of answer » (Siro Ferrone) developed in Italy, taking into account the significant changes in the field of performance such as the expansion of audiences and the large access of women to the theatres. Female authors assert themselves in productions dominated by men, and seek to prove the ability of female brains not only to understand but also to write plays. They then propose a new feminine dramaturgy, distinct from that of men, especially in the genre of pastoral, of which they renew some codified characters like the satyr. Only one of them dares to write a tragedy, Valeria Miani Negri, whose play Celinda was published in 1611. This paper analyzes Miani’s answer to the question asked by previous theorists such as G. B. Giraldi Cinzio : is a women’s tragedy possible, not only in terms of reception, but also in terms of creation?

Le volume édité par F. Klein et R. Webb recueille les articles issus de deux journées d’études dédiées à l’enargeia qui ont eu lieu en 2014 à l’Imaginarium de Tourcoing. Il se constitue de dix contributions regroupées en binômes selon cinq domaines : poésie archaïque grecque, tragédie grecque, poésie hellénistique et romaine, histoire et historiographie, histoire de l’art. Quiconque travaille sur l’intertextualité dans les œuvres antiques, sur les rapports entre texte et objet/œuvre d’art ou sur la rhétorique pourrait y trouver des idées extrêmement intéressantes.

Cet article s’intéresse aux paysages haïtiens évoqués dans la pièce Monsieur Toussaint d’Édouard Glissant. Ces paysages sont marqués à la fois par les violences esclavagistes et les luttes de résistance des esclaves marrons. Présentés sous forme de fragments, ils offrent des moyens de se dissimuler tout autant que des réseaux de signes permettant de communiquer. Ainsi la pièce ne célèbre pas le seul héros éponyme mais constitue une généalogie de résistances dont il est l’héritier.

Les dramaturges du xvie siècle prirent pour modèle Sénèque, mais George Buchanan privilégia l’esthétique euridipéenne, dans ses traductions d’Euripide comme dans ses tragédies bibliques. L’article montre que, malgré une traduction fidèle au texte grec, les dialogues de la Médée de Buchanan comportent des traces des tragédies de Sénèque qui, mises en réseau, infléchissent la représentation des personnages de Médée et de Jason et contribuent à rendre la tragédie plus spectaculaire.

Le Rienzi de Drouineau (1798-1878) est une tragédie historique dans la lignée de Voltaire, de Chénier et de Casimir Delavigne, dont le dramaturge partage les idées libérales. Si la pièce, dans laquelle abondent les vers sonores, n’est pas trop bien construite – comme le souligne une parodie contemporaine –, elle laisse percevoir, sous la phraséologie républicaine, une réflexion sur la dérive tyrannique du pouvoir personnel et le héros éponyme peut faire songer à Bonaparte devenu Napoléon.

La recherche d’une terribilità renouvelée dans le théâtre musical européen au cours de la seconde moitié du XVIIIe siècle – qui culminera avec les grandes tragédies lyriques de Gluck – peut s’observer plus tôt dans l’opera seria et surtout dans les genres récents du ballet-pantomime et du mélodrame. Le phénomène comprend notamment la représentation (ou présentification) de fantômes, suivant deux orientations, traditionnelles d’ailleurs : pathos de l’apostrophe rhétorique (avec processus hallucinatoire le cas échéant) ou apparition sur scène (le spectre étant incarné par un acteur). On se propose d’examiner ces modes de représentation et leur économie théâtrale à partir d’un corpus qui procède en majeure partie d’adaptations des tragédies de Voltaire Sémiramis et Oreste, lesquelles intégraient à leur dramaturgie l’ombre du roi-père. On s’interrogera en particulier sur l’extension du domaine du spectre de Ninus et sur le rapport structurant entre représentation des spectres et modernité des formes du théâtre musical. The quest for a renewed terribilità in European musical drama in the second half of the 18th century, which culminates in Gluck’s major lyrical tragedies, may be observed earlier in the opera seria and especially in the recent genres of mime ballet and melodrama. This phenomenon includes the representation (or presentification) of ghosts, in what are in fact two traditional directions: the pathos of rhetorical address (eventually with a hallucinatory process) or the onstage apparition (the ghost being embodied by an actor). This article proposes to study these modes of representation and their dramatic economy on the basis of a corpus which consists mainly of adaptations of Voltaire’s Sémiramis and Oreste, which integrated the ghost of the father-king in their dramaturgy. I shall investigate the extension of the space of Ninus’ ghost and the structuring relationship between the representation of ghosts and the modernity of musical drama in its various forms.

Inspiré par le spectre d’Hamlet, Voltaire veut lui aussi créer une pièce où apparaîtrait une figure surnaturelle : c’est ainsi qu’il écrit Ériphyle, tragédie dans laquelle le personnage éponyme est une reine qui a précipité́ la mort de son mari et qui se voit pressée d’épouser Hermogide, l’assassin de feu son époux. La pièce, qui est un succès en société, réussit pourtant « passablement » sur la scène de la Comédie-Française. Plus tard, Voltaire écrit Sémiramis, qui est d’abord un semi-échec sur la scène officielle avant de devenir plus tard une pièce à succès. La question des spectres dans le théâtre voltairien se place donc au croisement de différents enjeux : dramatiques (quelle fonction le spectre a-t-il au sein de l’action ?), symboliques (que représentent ces apparitions ?) et esthétiques (pourquoi ces scènes de fantômes ne réussissent-elles pas à la Comédie-Française ?). Inspired by the ghost of Hamlet, Voltaire also wanted to create a play in which a supernatural figure would appear: so he wrote Ériphyle, a tragedy in which the eponymous character is a queen who has hastened the death of her husband and is pressured to marry Hermogides, the murderer of her late husband. The play, which was a success in society, was nevertheless ‘fairly successful’ on the stage of the Comédie-Française. Later, Voltaire wrote Sémiramis, which was initially a semi-failure on the official stage before later becoming a successful play. The question of spectres in Voltaire's theatre is thus at the crossroads of different issues: dramatic (what function does the spectre have within the action?), symbolic (what do these apparitions represent?) and aesthetic (why do these ghost scenes not succeed at the Comédie-Française?).

Pièces séduisantes par leur nature énigmatique liée à leur sauvegarde incomplète et à leurs origines mixtes réunissant la Grèce et l’Italie, les drames de la Renaissance crétoise ont animé plusieurs débats. Pourtant, les personnages ombres que l’on y trouve sont souvent exclus de ces débats, du moins en ce qui concerne les études comparatistes spécialisées sur les apparitions spectrales. En effet, bien que ces textes fournissent un lien entre la littérature grecque antique et néohellénique, mais aussi entre deux cultures différentes, les ombres crétoises sont très souvent absentes des volumes dédiés à la littérature fantomatique ; en marge des spectres grecs antiques toujours présents au sein des études fantomatiques comparées. De ce fait, ce travail propose une analyse des tragédies crétoises Erophili et Zénon, dans l’objectif de remettre en lumière ses ombres, et mieux comprendre leur nécessité dramatique pour la pièce, ainsi que leur place dans le panthéon des ombres du théâtre occidental. Seductive plays by their enigmatic nature linked to their incomplete preservation and their Veneto-Cretan origins, these dramatic productions from the Cretan Renaissance have stimulated several debates. Yet, their ghosts, meaning the dead characters that appear on stage, are often excluded from these debates, at least within the framework of comparative spectral studies. Indeed, although these texts provide a link between ancient Greek and neo-Hellenic literature, but also between two different cultures, the Cretan ghosts are very often absent from the volumes dedicated to comparative ghost studies; marginalized by the ghosts of Ancient Greek literature. This article offers an analysis of the Cretan tragedies Erophili and Zeno, with the aim of bringing to light their ghosts, and better understanding their dramatic necessity for the play as well as their place in spectral literature.

Les prologues des tragédies de Louis des Masures et de Théodore de Bèze présentent une singularité, qui reste sans équivalent dans la production tragique française du XVIe siècle : au moment de demander au public le silence, les deux Prologues feignent d’être interrompus par une femme à laquelle ils s’adressent alors directement. Ces prologues doivent-ils être pris au sérieux ou ne relèvent-ils que du topos comique ? Nous étudions d’abord le texte de ces prologues : au-delà du fait qu’ils confirment la présence de femmes dans le public, ils révèlent une certaine ambivalence sur le rôle spécifique du public féminin. Dans un second temps, nous revenons sur leurs sources possibles : ces prologues s’inscrivent potentiellement dans plusieurs traditions, théâtrales, mais aussi religieuses voire bibliques, ce qui révèle la particularité esthétique et idéologique des pièces. Enfin, nous revenons sur les échos de ces propos sur le féminin dans les pièces : finalement celles-ci nous semblent présenter une ambivalence semblable quant à leur représentation du féminin, puisque, tout comme les prologues, elles rappellent les lieux communs sur les femmes sans y conformer l’image qui en est donnée par les personnages féminins. Dès lors, les spectatrices pourraient observer des modèles positifs de femmes sur scène, et se sentir mieux encore concernées par une leçon qu’elles peuvent saisir et transmettre à leur tour : au-delà du topos, les spectatrices ont donc toute leur place dans le projet théâtral de Bèze et des Masures. The prologues of the tragedies by Louis des Masures and Théodore de Bèze present a singularity, which remains unique in the French tragic production of the 16th century: when asking the public for silence, both Prologues pretend to be interrupted by a woman to whom they then speak directly. Should these prologues be taken seriously or do they only come under the comic topos? This study first examines the text of these prologues: beyond the fact that these prologues confirm the presence of women in the audience, they can in themselves reveal a certain ambivalence on the specific role of the female audience. Then, it returns to their possible sources: these types of prologues potentially fall under two traditions, that of comic prologues and that of mystery prologues, which shows the aesthetic peculiarity of these biblical tragedies. Finally, the article looks at the echoes of these comments on the feminine in the plays: they seem to present a similar ambivalence as to their representation of the feminine, since, like the prologues, they recall commonplaces on women but then do not model the female characters on the stage according to these commonplaces. From then on, the spectators could observe positive models of women on stage, and feel even more concerned by a lesson that they could in turn understand and transmit: beyond the topos, the female spectators therefore have their place in the theatrical project of Bèze and des Masures.

This article examines The Wire (HBO, 2002–8) and The Shield (FX, 2002–8) and the extent to which they employ particular attributes of new television in order to engage with notions of determined behaviour familiar from literary naturalism (and, through them, important contemporary political ideologies). The Wire and The Shield are part of a growing body of neo-naturalist works in contemporary American culture. Like Dexter and Breaking Bad, they portray the actions of their protagonists as heavily determined by outside forces. But while The Shield’s deterministic naturalism tends to lend tacit support for more authoritarian social control, The Wire’s use of similar architecture is a means to advocate for urgent institutional reform. Cet article examine les séries télévisées The Wire (HBO, 2002-2008) et The Shield (FX, 2002-2008) et la manière dont elles utilisent des caractéristiques particulières de la nouvelle télévision pour entamer un dialogue avec des notions de comportement déterminé, lesquelles sont connues du naturalisme littéraire (et, par leur entremise, des idéologies politiques contemporaines importantes). The Wire et The Shield font partie du corpus croissant d’œuvres néonaturalistes dans la culture américaine contemporaine. Tout comme Dexter et Breaking Bad, elles montrent les actions de leurs protagonistes comme étant lourdement déterminées par des forces externes. Mais, tandis que le naturalisme déterministe de The Shield a tendance à soutenir tacitement un plus grand contrôle social autoritaire, l’utilisation d’une architecture similaire dans The Wire sert à défendre une réforme institutionnelle urgente.

Les deux pièces Jouer le Paradis et Let Them Eat Money sont des fictions qui se confrontent à la catastrophe climatique. Toutes deux sont narratives, ancrées dans le présent et anticipent les désastres social et individuel à venir. Bien qu’elles se rangent ainsi parmi les rares climate-fictions dramatiques, leurs stratégies dramaturgiques divergent. Les écritures déploient ce faisant une autre vision de la catastrophe et deux éthiques différentes, peut-être complémentaires. Let Them Eat Money est située dix ans après l’écriture de la pièce, en 2028, dans un environnement européen qui se situe dans le prolongement du nôtre. Les protagonistes sont des justiciers cherchant à venger les fautes des dirigeants depuis 2018. Jouer le Paradis procède de manière métaphorique : les divers axes narratifs semblent contemporains, mais ils dérivent vers une situation catastrophique insituée. Alors que l’extrême richesse de matériaux et la confrontation permanente aux choix passés et présents font de Let Them Eat Money une pièce post-brechtienne, l’analyse ne permet guère d’échapper à l’impression de déterminisme et semble confronter les spectateurs à une série d’erreurs ou hamartias. La pièce montre les impasses de l’éthique traditionnelle (Jonas). Jouer le Paradis brouille au contraire les cartes et les situations, en sorte à ce que la catastrophe contamine le présent et précipite le narrateur dans le deuil. Par son écriture poétique, elle invite aussi le spectateur au désarroi et au deuil. The two plays Play the Paradise and Let Them Eat Money are fictions focussing on the coming climate catastrophe. Both are structured along clear narratives : they are anchored in the present et anticipate future disasters on a social and individual level. Though they range among the rare climate-fictions in drama, their dramaturgical strategies diverge. So does their vision of catastrophe, related to two different, maybe complementary ethics. Let Them Eat Money takes place in the fictive year 2028, ten years after the production of the performance. It is situated in an European environment derived from the present one. The protagonists pretend to do justice and to avenge the faults of the rulers since 2018. Play the Paradise proceeds metaphorically. The different narrations seem to be contemporary but they drift in an unsituated catastrophe. The plots result in a very different confrontation to catastrophe. Let Them Eat Money may seem post-Brechtian because of its very rich material as well as its concentration on past and present choices. But it paves the way to a strong determinism and the spectators are confronted to an array of errors or hamartias. The play shows the stalemate of traditional ethics (Jonas). Play the Paradise conversely blurs the situations, so that the catastrophes contaminate the present. The narrator is plunged into grief. By its poetic writing the play also invites the spectators to deal with sorrow and grieving.

How to write and say Africa in the twenty-first century, in an era called "world literature"? This question refers to the critical attention given to African writers of the diaspora, particularly those of the post-independence period, who belong to two opposing trends, namely for some to the "children of the post-colony" and for others to that of which Patrice Nganang is a part. This questioning highlights the difficulties of an African literature still perceived as an otherness of Western literature and struggling to make a place for itself in the "world republic of letters". Several specialists and academics believe in the possibility of a renewal of African literatures in areas that they had so far ignored or very little mapped. Patrice Nganang postulates in his first fictions for a writing of Africa in a language reinvented and enunciated from the street. This process of putting into narrative the stories of everyday African life seems to be in line with the needs of a continent whose history is closely linked to tragedy. A sociological, poetic, sociocritical and linguistic approach to the Cameroonian author's fictions underlines the importance of commitment in his eyes: through its misfortunes and disasters, contemporary Africa invites writers to stop writing to tell stories but to opt for a pre-emptive writing, which implies thinking against tragedy. The narratives, fables, tales, and discourses of the sub-cities in which the author is interested are understood as aesthetic markers from which he makes his way, even if he later apparently abandons this project for a more sustained and expected writing. Recently, however, he seems to be returning to these early poetic and aesthetic positions.; Comment écrire et dire l’Afrique au XXIe siècle, à une époque dite de « la littérature-monde » ? Cette interrogation renvoie à l’attention critique dont font l’objet les écrivains africains de la diaspora, notamment ceux de la période de la postindépendance, lesquels appartiennent à deux tendances opposées, à savoir pour les uns aux « enfants de la postcolonie » et pour les autres à celle dont relève Patrice Nganang. Ce questionnement met en évidence les difficultés d’une littérature africaine toujours perçue comme altérité de la littérature occidentale et peinant à se faire une place au sein de la « république mondiale des lettres ». Plusieurs spécialistes et universitaires croient en la possibilité d’un renouvellement des littératures africaines dans des domaines qu’elles avaient jusqu’ici ignorés ou très peu cartographiés. Patrice Nganang postule dans ses premières fictions pour une écriture de l’Afrique dans une langue ré-inventée et énoncée à partir de la rue. Ce procès de mise en narration des histoires du quotidien africain semble être en adéquation avec les besoins d’un continent dont l’histoire est étroitement liée à la tragédie. Une approche à la fois sociologique, poétique, sociocritique et linguistique des fictions de l’auteur camerounais souligne l’importance à ses yeux de l’engagement : par ses malheurs et ses désastres l’Afrique contemporaine invite les écrivains à ne plus écrire pour raconter des histoires mais à opter pour une écriture préemptive, ce qui suppose de penser contre la tragédie. Les récits, fables, contes et discours des sous-quartiers auxquels s’intéresse l’auteur s’appréhendent comme des marqueurs esthétiques à partir desquels il se trace un chemin, même si plus tard il délaisse apparemment ce projet pour une écriture à la fois plus soutenue et plus attendue. Or, tout récemment, il semble revenir à ces premières positions poétiques et esthétiques.

L’annonce de la mort est un motif récurrent dans la tragédie antique ainsi que dans la dramaturgie moderne et contemporaine. Le présent article met en lumière la fonction dramaturgique du personnage du Messager dans le système de représentation tragique. Privilégiant une approche historique et sociocritique, l’analyse se prolonge dans l’examen des avatars de la figure du Messager dans le théâtre moderne. Repris par l’auteur symboliste Maurice Maeterlinck dans la pièce Intérieur (1894), le thème de l’annonce de la mort se déploie à la faveur d’un intertexte antique explicite tout en opérant la transition vers son expression moderne. Un coup d’oeil sur une production récente de ce texte par le metteur en scène québécois Denis Marleau clôt cette étude en suggérant que le théâtre serait peut-être l’un des derniers lieux où la mort s’élève aux dimensions d’une parole collective et symbolique., Foreshadowing death is a recurrent theme in classical tragedy as in modern and contemporary drama. This article sheds light on the dramatic function of the Messenger within the tragedy portrayal system. Favoring a historical and sociocritical approach, the analysis delves into the examination of the vicissitudes of the Messenger figure in modern theatre. Revived by the symbolist author Maurice Maeterlinck in the play Interior (1894), the theme of heralding death unfolds with the aid of an explicit classical intertext all the while bringing about the transition towards modern expression. A glance into a recent production of this text, from Québec director Denis Marleau, wraps up this study by suggesting that theatre may be one of the last places in which death rises to the dimensions of collective and symbolic speech.

Quoique le terme « tragédie » figure sur la page de titre des éditions originales d’Esther (1689) et d’Athalie (1691), il est commun d’opposer les deux pièces en discernant dans la première tout au plus « une espèce de Poème » de facture dramatique et dans la seconde une authentique tragédie. Présentant Esther, Georges Forestier affirme ainsi : « En écrivant Esther, Racine ne revenait […] pas au théâtre, ni à la tragédie, pas plus qu’il ne se mettait à l’opéra ». Le critique utilise un témoig...

Cette contribution vise à examiner la relation entre la politique et le corps du héros dans la scène du théâtre tragique au ve siècle. L’idée que la polis peut être conçue comme organisme vivant et, en tant que tel, sujet à une condition de santé ou de maladie, crée une analogie symbolique avec le corps humain, en particulier avec le corps du héros tragique. Il s’agit, tout d’abord, d’analyser la façon dont le rapport entre la santé du gouvernant et le bien-être de la cité a été développé en différents contextes littéraires. Dans cette perspective, on fait rapidement référence au corpus platonicien, dans lequel l’assimilation métaphorique entre la cité et l’organisme humain est très fréquent, dans la mesure où au microcosme de la santé physique correspond le macrocosme de l’ordre de l’état. La deuxième partie aborde le lien entre le corps du héros et la polis à travers l’analyse de l’Œdipe roi de Sophocle : dans cette tragédie, la maladie du héros n’est plus entendue seulement comme une infirmité physique, mais elle est vue selon une dimension morale et politique. This contribution aims at examining the relationship between politics and the hero’s body in the tragic corpus of the 5th century BC. The idea that the polis can be conceived as a living organism and, as such, subject to a condition of health or disease creates a symbolic analogy with the human body, in particular with the body of the tragic hero. In the first part of the paper the author analyzes the way in which the relationship between the health of the ruler and the well-being of the city has been developed in several literary contexts. In this perspective, reference is quickly made to Plato’s corpus, in which metaphorical assimilations between the city and the human organism is frequent since the microcosm of physical health echoes to the macrocosm of the order of state. The second part of the paper studies the link between the hero's body and the polis organism through the analysis of Sophocles' Oedipus king: in this tragedy, hero's illness is no longer understood as a physical infirmity, but in its moral and political dimension.

I paratesti, che qui analizziamo, comprendono: titoli, privilegio, un breve discorso definitorio concernente il genere tragico, un prologo che illustra le finalità e le modalità del volgarizzamento, l’argomento della tragedia, una dedica al lettore in dieci ottosillabi a rima alternata.

Hierdie artikel doen verslag oor 'n filosofiese gesprek oor die dood en die sin van die lewe. Dit fokus in Deel 1 op 'n gesprek wat die outeur van hierdie artikel met Anton van Niekerk gevoer het nadat laasgenoemde se boek Die dood en die sin van die lewe in 2017 verskyn het. Omdat Van Niekerk diep spore in die filosofie getrap het, nie net in Suid-Afrika nie, maar wêreldwyd, en omdat daardie boek waarskynlik die belangrikste is wat nog in Afrikaans oor die onderwerp verskyn het, word die tema van die dood en die sin van die lewe in hierdie artikel verder ontgin. Ná die aanvanklike uitgebreide gesprek met Van Niekerk oor sy boek, word daar in Deel 2 stilgestaan by Vincent Brümmer se godsdiensfilosofiese gedagtes oor Van Niekerk se boek. Brümmer, 'n befaamde godsdiensfilosoof, vroeër verbonde aan die Universiteit Utrecht, het sy aantekeninge kort voor sy dood aan Van Niekerk gestuur. Dit word breedvoerig aan die orde gestel, waarna Van Niekerk toeligtende repliek lewer. This article gives an account of a philosophical discussion of death and the meaning of life. In Part 1 the focus is on a conversation between the author of this article and Anton van Niekerk after the publication of the latter's book Die dood en die sin van die lewe (Death and the meaning of life) in 2017. Because of Van Niekerk's huge influence in the discipline of philosophy, not only in South Africa but also internationally, and because this book is probably the most important one on the subject that has yet appeared in Afrikaans, this article further explores the theme of death and the meaning of life. In the conversation referred to above the following questions were put to Van Niekerk, who responded as comprehensively as time allowed: (i) What is life? Meaning: Before one can talk about death, should one try to define life? (ii) Is death the most decisive, or the most real, attribute of life? (iii) Isn t death a very morbid subject to research? How should we think about death with the current knowledge at our disposal (after all, we do not know everything)? (iv) Some people say: Religion is necessary to live meaningfully; others claim that death takes away the meaning of life. What is your view? (v) Is there an instinctive, evolving need to (want to) experience meaning in life? (vi) What was the inspiration for your writing this book? The question of the meaning of life is probably one of the most important questions in philosophy, but did other matters inspire you as well? (vii) How does one deal with death, especially once it has crossed the threshold of one s home? (viii) Every one of us probably fears and rebels against death. Why, and does it make any sense to fear death? (ix) How should we think about life after death? Where does this idea come from? How would people offaith know they were dealing with a Deity if there were life after death? Is eternal life really such an attractive option? (x) Will the day come when human beings will overcome death (not in the spiritual sense of the word)? (xi) What are your thoughts on assisted dying? (xii) Death remains a mystery, but how do you see it? (xii) As death remains a tragic event, is there anything worse than death that can happen to a human being? (xiv) When would one be able to say one's life has meaning? All these questions relate to the content of Van Niekerk's book. Part 2 of the article focuses on VincentBrümmer 's religio-philosophic thoughts on Van Niekerk's book. Shortly before his death, Brümmer sent Van Niekerk those thoughts, and in the correspondence he touched upon, among other things, our human limitations, our temporality and mortality, and the problems associated with the limitations of our human existence. He argued that many people try to deny the finitude of their earthly existence by assuming that death involves only the body and not the so-called "immortal soul". This view posed a problem for him, and he acknowledged that, in this respect and in the absence of any clarity on the matter, he was agnostic. Furthermore, not only a human being's earthly life ends at some point, but also the earth itself-and our solar system and all the others. He described the four phases one's life normally goes through from birth to death and joined Jean-Paul Sartre in distinguishing between the body one is and the body one has. For Brümmer the transition to the proverbial autumn of one's life (the last of the four phases) is radically different from the transition between the other phases. He emphasised the difficulty of the detachment process brought on by death and stressed that one does not think about (one 's) death enough because one often is too busy. He also struggled with Van Niekerk's argument that life is a tragedy in the face of death, but shared Van Niekerk's distinction between problems and mysteries, even though he found it difficult to understand Van Niekerk's explanation of mysteries. In the last section of Part 2 ofthe article, Van Niekerk, in his reply to Brümmer, appreciates Brümmer's grasping the fact that life was as essential a part of the book's content as death. Although the title of the book might give the impression that it is about death, it actually is about life, but then life outlined against the background of the ever-present death. He finds Brümmer 's analysis of the four phases of life both illuminative and problematic. Yet this four-phase model expresses something of what Van Niekerk means by a meaningful life. Upon rereading Brümmer 's correspondence, it struck Van Niekerk again that the theme of corporeality is very important for any reflection on the meaning of life and death, and that one of the mysteries of human existence lies in the fact that one can say of oneself that one is a body and one has a body. He points out how important detachment (highlighted by Brümmer), brought about by one's approaching death, in the last phase of life is. Van Niekerk concludes his reply by maintaining his claim that life ending in death is indeed a tragedy - a claim not supported by Brümmer - but a tragedy that has the potential to mediate meaning.

Il existe peu d’opéras ou de tragédies traitant du mythe d’Orphée en France à l’époque classique. Les deux oeuvres étudiées (Orphée de Louis Lully et Michel Du Boullay, Orphée de François-Joseph de Lagrange-Chancel) s’inscrivent résolument dans le moule du théâtre racinien et font appel aussi aux canons esthétiques en vigueur dans la tragédie lyrique telle que l’a créée Lully. Il s’agit de montrer combien ces deux oeuvres portent un éclairage nouveau sur le mythe en y intégrant une réflexion sur la notion de tragique ainsi que sur le Mal. Il faudra aussi interroger le positionnement par rapport à la tradition, italienne notamment., There are few operas or tragedies dealing with the myth of Orpheus in France during the classical era. The two works studied in this article (Orphée by Louis Lully and Michel Du Boullay, Orphée by François-Joseph de Lagrange-Chancel) belong to the Racinian tragedy’s tradition and use the aesthetic canons of the lyric tragedy as created by Lully. The aim here is to show how these works put the myth into a new perspective by integrating a reflection on the notion of tragic as well as on Evil. Moreover, we will question their position in relation to tradition, especially Italian.

This essay is a critical reflection on the significance of female breasts in the Greek binary system of sex and gender. The study is built on references to breasts in epic poetry, tragedy, and the decorative scenery of Attic pottery. These documentary sources reveal the active role played by women in the Greek funeral rituals, in which women express pain and suffering for the loss of a loved one by means of a lament and body language in which the breasts turned on a special meaning as symbols of gender identity., Cet essai est une réflexion critique sur la signification des seins féminins dans le système binaire grec du sexe et du genre. L'étude est réalisée à partir de références aux seins dans la poésie épique et la tragédie, ainsi que de scènes décoratives dans la céramique attique. Ces sources documentaires mettent en lumière le rôle actif féminin dans les rituels funéraires grecs où les femmes expriment la douleur et la souffrance de la perte d’un être cher par des pleurs et un langage corporel où les seins acquièrent une signification particulière comme marque d’identité sexuelle., Este ensayo es una reflexión crítica del significado de los pechos femeninos en el sistema binario sexo-género griego. El estudio se lleva a cabo a partir de las referencias a los senos en la poesía épica y la tragedia, y las escenas decorativas de las cerámicas áticas. Estas fuentes documentales ponen de manifiesto el protagonismo femenino en los rituales funerarios griegos en los cuales las mujeres expresan el dolor y el sufrimiento por la pérdida de una persona querida mediante los lamentos y el lenguaje corporal en el que los pechos adquieren un significado especial como marca de identidad de género., Molas Font Maria Dolors. Senos que alimentan la vida y acompañan en la muerte. Cuerpo y feminidad en la Grecia antigua. In: Dialogues d'histoire ancienne. Supplément n°19, 2019. Visiones sobre la lactancia en la Antigüedad. Permanencias, cambios y rupturas. pp. 95-112.

After a quick study of the rare tragedies that borrow their subject from history, S. Saïd analyzes the complex relationship between tragedy and history in contemporary criticism. After criticising the “ historical method”, illustrated by the works of E. Delebecque, R. Goossens and A. Podlecki, which deal with punctual allusions to political events and their actors, the paper accounts for more recent studies attempting to define more broadly the “ historic moment of tragedy” and highlight a political message allowing, thanks to the distance which the myth creates, for an exploration of the relationships between the elite and the masses, as well as a “ negociation” between their respective fields of interest., Après une étude rapide des rares tragédies qui empruntent leur sujet à l’histoire, S. Saïd propose une analyse des rapports complexes ente la tragédie et l’histoire dans la critique contemporaine. Après une critique de la « méthode historique » illustrée par les travaux d’ E. Delebecque, R. Goossens et A. Podlecki qui s’attachent aux allusions ponctuelles à l’actualité politique et à ses acteurs, elle rend compte des travaux plus récents qui tentent de définir plus largement « le moment historique de la tragédie » et mettent l’accent sur un message politique qui permet, grâce à la distance instaurée par le mythe, une exploration des relations entre l’élite et la masse et une « négociation » entre leurs intérêts respectifs., Saïd Suzanne. La tragédie grecque et l’histoire. In: Dialogues d'histoire ancienne, vol. 45, n°2, 2019. pp. 47-79.

International audience; Contribution to an edited volume published as a special issue of the peer-review journal Kernos (deriving from a conference held in Lyon in 2015). My article focuses on a subject that has been little dealt with until now: the fact that certain hymnic addresses, inserted into various poetic genres (comedy, tragedy, Greek and Latin lyric poetry, epigrams), are dedicated not to gods but to material objects (jugs, musical instruments, tree branches, lamps, etc.). The approach developed is situated at the crossroads of literary, dramaturgical and anthropological studies. I demonstrate that through its own stylistic features, the hymnic speech both acknowledges and confers on the object a capacity for action, which in turn is likely to transform the initial performance of the lyric performer or scenic actor. This investigation then opens up avenues of research at the intersection of poetics and the history of religions: the fluidity of the ontological status of the divine object in these poetic texts echoes ancient religious practices in which statues, relics, or other non-anthropomorphic material objects (stones, posts, or pillars) were honored as possible anchors of the divine presence.; L’article s’intéresse à un sujet jusqu’ici peu traité : le fait que certaines adresses de style hymnique, insérées dans des genres poétiques variés (comédie, poésie lyrique grecque et latine, épigrammes), ont pour dédicataires non pas des dieux mais des objets matériels. L’approche développée se situe au croisement des études littéraires, dramaturgiques et anthropologiques. Je démontre que par ses traits stylistiques propres, la parole hymnique reconnaît et confère tout à la fois à l’objet une capacité d’action, susceptible de transformer à son tour la performance initiale du chanteur ou de l’acteur. Cette enquête ouvre donc des pistes de recherche au croisement de la poétique et de l’histoire des religions : la fluidité du statut ontologique de l’objet divin dans ces textes poétiques fait écho aux pratiques religieuses antiques dans lesquelles les statues, les reliques, ou encore d’autres objets matériels non-anthropomorphes (pierres, poteaux ou piliers), étaient honorés comme points d’ancrage possible de la présence divine.

Dans la première moitié du XVIIe siècle, deux tragédies prennent pour sujet la mort de Marie Stuart, à près de quarante ans d’écart. Antoine de Montchrestien, dans L’Escossaise (1601), et Charles Regnault, dans Marie Stuard (1639), mettent en scène le conflit entre les couronnes d’Angleterre et d’Écosse, à travers la confrontation des deux reines. Pour qu’un tel sujet d’histoire immédiate soit transposé sur la scène tragique française, il fallait y intégrer le motif dramatique qui accompagne l’histoire et l’évolution du genre. La fureur tragique devient ainsi le miroir dans lequel se reflète la chute tragique de Marie Stuart, permettant d’en souligner la pluralité des enjeux : d’abord sa face politique, les Grands restant toujours sur la menace d’une sédition populaire ; ensuite sa dimension passionnelle, les deux reines étant prises dans un conflit personnel où se mêlent rivalité et jalousie ; enfin son caractère hagiographique, puisque Marie Stuart, reine catholique, est célébrée par les auteurs français comme victime innocente du bourreau que devient Élizabeth d’Angleterre. During the first half of the XVIIth century, two tragedies focus on the death of Mary Stuart, nearly 40 years apart. Antoine de Montchrestien’s L’Ecossaise (1601) and Charles Regnault’s Marie Stuard (1639) stage the conflict between the crowns of England and Scotland, through the confrontation of the two queens. This article studies the transposition of a contemporary event into a French corpus of tragedies through the integration, in the writing of both plays, of the dramatic motive that goes together with the story as well as with the genre as it evolved in the XVIth and XVIIth centuries: tragic fury. Fury becomes the mirror in which Mary Stuart’s tragic downfall is reflected, thus bringing to light the three-faceted nature of the issues at stake. They are first political, since the ruling class will always be under the threat of popular uprising. The plays are also about passion, for the two queens are entangled in a personal conflict in which ambition, and political and romantic rivalry are entwined. Lastly, the issues at stake are of a hagiographic nature, as French playwrights celebrated the Catholic Queen as the innocent victim of the executioner that Elizabeth I had become.

Author of various theatre plays, French-speaking writer of Togolese origin Kossi Efoui transfers in his texts, relying on the puppet’s medium, his experience of political exile from his native country and statelessness, as well as search for an identity, in his adoptive country, France. In the texts "Io (tragédie)" (2006) and "En Guise de divertissement" (2013), the basic themes of Efoui’s writings find their best concretization in the staging carried out with puppets. This research has been funded by the European Union’s Horizon 2020 Research and Innovation Programme under Grant Agreement 835193., Auteur de diverses pièces de théâtre, l'écrivain francophone d'origine togolaise Kossi Efoui transfère dans ses textes, en s'appuyant sur le médium de la marionnette, son expérience de l'exil politique de son pays natal, ainsi que de la recherche d'une identité dans son pays d'adoption, la France. Dans les textes « Io (tragédie) » (2006) et En « Guise de divertissement » (2013), les thèmes fondamentaux de l'écriture d'Efoui trouvent leur meilleure concrétisation dans la mise en scène réalisée avec des marionnettes. This research has been funded by the European Union’s Horizon 2020 Research and Innovation Programme under Grant Agreement 835193.

Alors que l’acteur néerlandais Johannes Jelgerhuis (1770–1836) est surtout connu pour son traité sur le jeu de l’acteur Theoretische Lessen (1827), ses écrits privés peu étudiés révèlent l’acteur passionné au-delà de la théorie. Particulièrement détaillé, son manuscrit Toneel Studien de 1811, met en lumière les pensées et les préparatifs de Jelgerhuis relatifs à la création et l’interprétation de six rôles., While Dutch actor Johannes Jelgerhuis (1770–1836) is best known for his acting treatise Theoretische Lessen (1827), his lesser-known private writings reveal the passionate actor behind the theory. Particularly detailed, his manuscript Toneel Studien of 1811, casts light on Jelgerhuis’s thoughts and preparations behind the creation and performance of six roles.

Héritier de l’énergumène sénéquien du théâtre humaniste, le tyran des tragédies de Tristan L’Hermite incarne certaines formes extraordinaires du pouvoir judiciaire moderne. Sa représentation est servie par une dramaturgie du soupçon qui rend sensibles aux spectateurs les effets de la persécution judiciaire. La déchéance du tyran ne donne plus lieu à une déploration exemplaire, mais à une interrogation critique, qui passe parfois, dans Osman, par une héroïsation paradoxale., Heir to the Senecan maniac of humanist theater, the tyrant in the tragedies of Tristan L’Hermite embodies certain extraordinary forms of modern judicial power. His representation is served by a dramaturgy of suspicion which makes the effects of judicial persecution palpable to the spectators. The tyrant’s fall from grace no longer gives rise to exemplary laments, but to a critical investigation, which sometimes, in Osman, entails a paradoxical heroization.

Si la tragédie semble être définie comme un genre non-naturel à la Renaissance, la nature peut avoir une certaine importance dans les pièces. Dans Hippolyte de Garnier, Phèdre cherche son modèle d’union dans la nature, tandis qu’Hippolyte, chasseur, refuse la ville et choisit de vivre en forêt. Ces deux rapports à la nature peuvent être interrogés au prisme de textes théoriques de l’époque, de la pièce dans son ensemble ou encore à la lueur du texte politique de Garnier, L’Hymne de la Monarchie., While tragedy seems to be defined as an unnatural genre in the Renaissance, nature may still have some importance in the plays. In Garnier’s Hippolyte, Phèdre seeks her model of union in nature, whereas Hippolyte, as a hunter, rejects the city and chooses to live in the woods. These two ways of relating to nature can be examined through the lens of theoretical texts of the time, of the tragedy as a whole, or even in the light of Garnier's political work, L'Hymne de la Monarchie.

Pendue en 1755 pour crime de complicité dans l’assassinat de son mari, Marie-Catherine Lescombat était l’une des criminelles les plus célèbres de son époque. La tragédie anonyme La Mort de Lescombat peint sa passion adultérine avec Jean-Louis de Mongeot et leur crime qui dépasse les limites de la poétique traditionnelle. Tissue de vers tirés de Corneille, Molière et Quinault, cette pièce est bien plus qu’un simple jeu littéraire : c’est un drame à l’état embryonnaire.

Au xviiie siècle, les discours sur les genres dramatiques convoquent un imaginaire genré, la référence au masculin et au féminin permettant de penser les mutations en cours. S’opposent les promoteurs d’une évolution du système, qui prônent la régénération de formes inopérantes, et les tenants de la tradition, qui font de la référence genrée l’étendard d’une angoisse face à la contestation des grilles d’intelligibilité taxinomiques du monde et des arts, qu’elles soient esthétiques, politiques ou sociales.

Traduction française de l'ouvrage de Giorgio Agamben, "La Follia di Hölderlin. Cronaca di una vita abitante" (Einaudi, 2020)

Un manuscrit de la Tragédie de Jehanne d’Arc, attribuée à Jean Virey (ou à François Berthrand), se trouve à la Bibliothèque nationale de Vienne. Le texte présente des variantes considérables par rapport à l’impression de 1600. Ce manuscrit correspond sans doute à une représentation donnée à Orléans pour les fêtes de la sainte en 1600 ; il témoigne de l’intérêt des jeunes Carl et Joannes Fugger, membres de l’illustre famille, présents alors à Orléans, pour notre théâtre et surtout pour la sainte.