Né avec le siècle dernier, Verrier Elwin occupe une place à part dans l’anthropologie de l’Inde. Fils d’évêque et jeune clergyman éduqué à Oxford, il part convertir les âmes, et c’est lui qui se retrouve conquis par les tribus aborigènes de la jungle après un long séjour dans l’ashram de Gandhi et l’abandon définitif de l’Église. Il vit parmi les tribaux et étudie leurs mœurs, se situant spontanément entre une anthropologie romantique et un idéal proto-humanitaire. Auteur du célèbre Maison des jeunes chez les Muria, il fait figure de pionnier dans le contact intime et de longue durée qu’il sait nouer avec les tribus mais reste en dehors du milieu académique sauf exception, reconnaissant d’emblée la valeur ethnologique de son travail, tel Fürer-Haimendorf. Il devient le porte-parole de vingt millions d’aborigènes et Conseiller aux affaires tribales, grâce à Nehru, auquel il se lie d’amitié. Il prend la citoyenneté indienne en 1954, mais n’est pas « gone native », contrairement à ce qu’on a dit de lui, gardant toujours de très profonds liens avec l’Angleterre, avec sa mère en particulier, fidèle membre du Rotary Club, et vivant ses dernières années à Shillong en véritable sahib, entouré de sa famille, de ses livres et de son musée d’art tribal, laissant le souvenir d’un « éminent excentrique ». L’étude de sa correspondance, de son autobiographie (1964) et de sa toute récente biographie écrite par Ramachandra Guha (1999) contribuent à éclairer son apport de philanthropologue et à faire ressortir l’actualité des thèmes qui sont les siens (autonomie des ādivāsī, écologie). Son œuvre, un corpus considérable sous l’angle du folklore, a suscité des vocations de chercheurs permettant, par la critique ou l’empathie eu égard à ses positions, d’observer, dans les revendications actuelles des tribaux, les intuitions devancières d’Elwin ou ses aveuglements, en repérant les permanences anthropologiques et les points de rupture et de transformation qui président aujourd’hui à la vie des ādivāsī et qu’ils expriment lors de prises de parole nationales ou transnationales. Born with the last century, Verrier Elwin has a special place in the anthropology of India. A son of a bishop, the young Oxford-educated clergyman goes abroad to convert the heathen but finds himself conquered by the aboriginals of the jungle, after a long stay at Gandhi’s ashram and definitely giving up the Church. He lives among the tribes, studying their customs, spontaneously situating himself between a romantic and a protohumanitarian ideal. Author of the celebrated Muria and their Ghotul, Elwin is a pioneer by his close and enduring relationship to the tribals. He stays apart from academic circles, Indian as well as British or American, but the ethnological value of his work is soon recognized by a few scholars, such as Fürer-Haimendorf. Through his friendship with Nehru, Elwin becomes the spokesman of twenty million tribals. In 1954 he takes Indian citizenship, but contrary to what is often said, he does not ‘go native’ and keeps strong links with England, notably to his mother. A member of the Rotary Club, he spends his last years in Shillong as a pakka saheb, surrounded by his family, his books, and his private museum of tribal art. The study of his correspondence, his autobiography (1964), and the biography that Ramachandra Guha (1999) has devoted to him, highlights his philanthropological contribution and the continuing relevance of the subjects he dealt with (autonomy of Ādivāsīs, ecology). The considerable corpus of folklore he produced, still inspires researchers criticizing or adopting his positions, while identifying the anthropological continuities, ruptures and transformations which govern the life of ādivāsīs and which they express in many voices, nationally and transnationally.