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« On avait ce spectacle étrange de deux cités rivales dans les mêmes défenses, l’une peuplée de petits bourgeois, de marins et d’aubergistes vivant à l’ombre des voiles stationnées dans le port, l’autre vouée entièrement à la grande industrie et dominée par une forêt sans cesse croissante de hautes cheminées d’usines ». La séparation spatiale de Calais et Saint-Pierre est jugée responsable par les urbanistes des problèmes de l’agglomération calaisienne. Dès 1883, Ardouin Dumazet la dénonce,...

C’est à la suite du colloque de Boulogne-sur-Mer consacré en 1984 aux hommes et à la mer en Europe du Nord-ouest que nous avons décidé d’étudier l’histoire du port de Calais entre 1814 et 1914. Lors de cette rencontre, les communications consacrées aux ports furent, somme toute, assez réduites en proportion. Calais, présent dans les discussions des historiens médiévistes n’était pas évoqué pas plus que ses marins pour l’époque contemporaine tandis que les contributions concernant la politique...

Les expositions de 1844 et de 1851 consacrent les premiers succès nationaux et internationaux de la tuilerie calaisienne. La voici sortie définitivement d’une clandestinité que le Conseil des Prud’hommes regrettait encore en 1844. Avec l’affirmation du faubourg saint-pierrois comme centre manufacturier, s’impose également le transfert des hommes et des activités maritimes. Même si Calais perd une partie de sa population, le port semble bénéficier de l’essor de la banlieue pour ses trafics pon...

Encore peu étudiée, la période du retour à la paix recèle bien des obscurités, en raison de l’inexistence de sources privées et des mystères qui entourent le commerce interlope ou l’introduction des métiers à tulle. En l’état actuel de la recherche, il est bien difficile de mesurer à Calais l’ampleur du traumatisme de la Révolution et les conséquences des guerres qui la suivirent sur une économie maritime déjà frappée d’atonie à la fin du XVIIIe siècle. Seule une étude de la « petite course »...

L’évolution générale La physionomie du trafic des voyageurs du port de Calais et celle de son voisin Boulogne sont complètement différentes suivant que l’on considère l’ensemble du trafic ou seulement celui des voyageurs internationaux. Ces écarts d’appréciation déterminent la place de Calais dans le trafic transmanche également concurrencé par la ligne d’Ostende à Douvres. Calais contre Boulogne dans le trafic transmanche Comme nous le savons déjà, les passagers internationaux, c’est-à-dire ...

A partir du moment où un réseau cohérent de liaisons ferroviaires est achevé en Europe, les compagnies de chemin de fer cherchent tout naturellement à s’emparer des liaisons maritimes, c’est toute la thèse développée par RJ. Croft. Le port de Calais redevient le nœud fondamental de tous les réseaux et sa position géographique est un atout naturel comme au temps des diligences. Les prétentions des compagnies de chemin de fer s’opposent, en principe, aux entreprises purement maritimes qui en de...

Outre la concurrence à laquelle se livrent ses deux voisins, trois obstacles semblent s’opposer au développement portuaire de Calais : d’abord, l’obstacle spatial et administratif des fortifications que nous venons d’évoquer, ensuite, le puissant dérivatif représenté par les activités qui détournent les marins calaisiens de la pêche et des armements au commerce, un mode de pilotage plus rémunérateur que la pêche et l’abandon des armements par les négociants. Enfin, un climat de fraude général...

Les constructeurs de navires, les artisans voiliers ou cordiers, les rouleurs et les maîtres d’hôtels ne sont pas des gens de mer. Cependant, ils établissent le lien économique et social entre le port et la ville. Ce lien devient de plus en plus ténu au fur et à mesure que le passage décline et que l’industrie se développe. La construction navale, réduite à Calais à une poignée de chantiers artisanaux, est très fortement liée à la pêche locale qu’elle finance en partie. Mais cette activité, r...

Les rythmes concurrentiels du passage transmanche Entre 1814 et 1914, le port de Calais pouvait apparaître avantagé par ses conditions nautiques. L’acharnement des instances boulonnaises à dénigrer les qualités de leur rival suffirait à prouver cet avantage, non seulement pour les besoins de la navigation à voile, mais également en regard des conditions techniques imposées par l’utilisation des navires à vapeur. L’examen de la courbe du trafic des voyageurs révèle pourtant que l’hégémonie du ...

Avant l’achèvement des travaux du programme Freycinet en 1898, les installations du port de Calais restent menacées par les éléments comme le montre cet extrait de la description de la grande marée de février 1876 : « Nous avons vu la mer couvrir la voie ferrée qui conduit au quai de marée et l’endommager, envahir le plancher de la jetée à hauteur de l’abri de la Société Humaine et retomber dans le chenal, entamer la digue de la crique, détruire deux fois le brise-lames en pierre de taille fo...

Les travaux d’histoire urbaine montrent le rôle majeur de l’activité administrative dans la différentiation de la croissance des villes. Celle de la ville de Calais apparaît ainsi contrecarrée par un soutien insuffisant des institutions, mais, paradoxalement, c’est la faiblesse de l’armature institutionnelle qui rend possible aux négociants calaisiens la fixation définitive des tullistes britanniques. Elle favorise la croissance d’une industrie basée sur la contrebande des filés de cotons et ...

Incontestée dans les deux décennies précédentes, la place du port et de ses activités dans l’agglomération calaisienne devient problématique, entre 1835 et 1855, en raison de la croissance urbaine et industrielle de Saint-Pierre-lès-Calais. Le faubourg du port et de la ville de Calais est devenu une banlieue de 11.524 habitants, représentant plus de la moitié de la population de l’agglomération Calais-Courgain-Saint-Pierre. La crise générale de 1846-1848 touche très brièvement l’économie port...

A la veille de la réunion des deux communes de Calais et Saint-Pierre, certains contemporains soulignent que le développement du port de Calais a été réalisé au dépens de celui de la ville industrielle de Saint-Pierre. Il aurait été également sacrifié aux intérêts de ceux du port rival, Boulogne-sur-Mer, discours particulièrement chauvin dont voici un échantillon : « Boulogne et Calais ont été de tout temps des voisins malcommodes. Calais leur a toujours été sacrifié : quand on lui accordait ...

L’activité portuaire Qualifié « d’outil national », Calais reste aux yeux de l’Etat, et comme en 1814, un port important, mais pour d’autres raisons. Au début du siècle, on invoquait ses qualités de port de refuge, en 1913, c’est son rôle commercial qui est mis en avant. Notre port est alors considéré comme « un des centres les plus importants de nos échanges avec l’étranger surtout en ce qui concerne les marchandises d’encombrement ». Les espoirs caressés par les courtiers et consignataires ...

Les recherches récentes ont confirmé l’idée – presque devenue lieu commun – que, dans son œuvre historique autant qu’hagiographique, Grégoire de Tours avait des préoccupations essentiellement religieuses, et qu’il n’était guère intéressé aux choses de l’économie en tant que telles. Cependant on ne saurait oublier : d’une part que Georgius Florentius Gregorius était un aristocrate gallo-romain, resté obnubilé par le souvenir de la grandeur de Rome et par tout ce qui, dans la Gaule de la fin du...

Aelfric, Colloquium. Comment, dans un dialogue didactique écrit vers 1003 et destiné à perfectionner les jeunes moines dans leur connaissance pratique du latin en donnant à chacun les attributs d’un métier particulier, le maître des novices de l’abbaye de Cernel (Dorset) donne l’occasion au marchand, mis en cause par un questionnaire parfois insidieux, de définir et de justifier son activité. Le Maître : Et toi, marchand, qu’as-tu à dire ?Le Marchand : Je dis que je suis utile au roi, et aux ...

À l’instar de la province de Bretagne, l’extrême nord de la Gaule a été relativement peu urbanisé par Rome : le réseau des cités y est très peu dense, et, de Bononia/Gesoriacum aux forts et colonies du limes bas-rhénan en passant par le Castellum Menapiorum, il a gardé un caractère militaire marqué, qui n’a été que partiellement rajeuni entre la fin du IIIe et le début du Ve siècle par les nouvelles installations défensives intégrées, ainsi sans doute à Oudenburg, dans le dispositif du litus ...

Comme j’ai eu l’occasion de le montrer dans un article paru en 1991, tout invite à l’étude croisée des ports de Quentovic et Dorestad, à commencer par les sources narratives, notamment hagiographiques. Quand, suivant sa Vita écrite au début du VIIIe siècle par le moine Stéphane de Ripon, l’évêque Wilfrid d’York prit la route de Rome en 678, il voulut prendre un bateau pour Quentovic, par où passait la « voie la plus directe » (via rectissima) pour tout Anglais désireux de se rendre à Rome. Ma...

Ad Bononiam civitatem maritimam, ubi eadem naves congregatae erant, accessit, farumque ibi ad navigantium cursus dirigendos antiquitus constitutum restauravit et in summitate ejus nocturnum ignem accendit. Voici comment, à l’année 811, les Annales regni Francorum évoquent la visite que Charlemagne rendit à la cité maritime de Boulogne pour y inspecter sa flotte de guerre, et surtout pour y restaurer l’activité du phare antique. Cela faisait semble-t-il plusieurs siècles qu’aucun feu n’avait é...

Voici, pour la première fois réunis, les principaux articles que l’auteur a publiés entre 1984 et 2010. Qu’ils s’intéressent aux rituels funéraires et au processus de christianisation des sociétés barbares, au paysage des contrées littorales ou au devenir des vieilles cités, à l’émergence d’une nouvelle économie portuaire ou à la floraison monastique, aux communications terrestres ou aux mouvements de bateaux, c’est toute l’histoire des mers du nord de l’Europe et de leurs régions riveraines qui est ici brassée, entre le déclin de l’Empire romain dont elles n’étaient qu’un horizon lointain et l’émergence de l’Occident médiéval dont elles sont devenues le centre. Dans le premier volume Peuples, cultures, territoires, on trouvera les études relatives aux contacts ethniques et culturels entre les peuples barbares du Nord, en particulier à leur christianisation, et à l’histoire des paysages et des sociétés littorales ; et dans le second volume Centres, communications, échanges, on trouvera les études relatives aux « places centrales » héritées des temps anciens (les cités) et aux nouveaux pôles de vie et d’activités humaines (les monastères, les emporia), à la logistique des communications maritimes, fluviales et terrestres, et à toutes les formes d’échanges (de l’échange primitif à l’échange commercial) qu’elles ont rendues possibles.

En 1865 a été retrouvé à Glisy, sur la rive gauche de la Somme à six kilomètres en amont d’Amiens et à une dizaine de kilomètres en aval de Corbie, un trésor de 559 deniers d’argent, principalement frappés au nom de Charles le Chauve (840-877). La présence assurée de deniers de Louis III (879-882), qui paraissait fournir un terminus ante quo fiable, a d’abord persuadé les chercheurs, à la suite de Fernand Vercauteren, de mettre l’enfouissement du trésor sur le compte des effets du grand raid ...

En 839, le moine et diacre Wandalbert de Prüm, alors âgé de vingt-six ans, remania à la demande de son abbé Markward la Vie de saint Goar, dont une première et anonyme version avait été écrite vers 750, et lui ajouta le récit des miracles accomplis entre 765 et 839 sur ou à proximité de la tombe du saint, qui était située au lieu désormais appelé Saint-Goar, dans la moyenne vallée du Rhin, à peu près en face du fameux rocher de la Lorelei. C’est là, en effet, à proximité de l’endroit où Goar ...

On convient généralement que le premier raid viking dûment enregistré par l’histoire est celui qui, d’après la Chronique Anglo-Saxonne à l’année 793, jeta une « bande de païens sur l’église de Dieu dans l’île de Lindisfarne », c’est-à-dire sur le monastère le plus fameux de la côte nord-est de l’Angleterre. Mais on sait moins que la même chronique évoque à l’année 787 (en fait 789) un événement annonciateur : suivant son plus ancien manuscrit, il est dit en effet qu’à cette époque, pendant le...

Dans l’histoire monastique des royaumes francs, le VIIIe siècle fait un peu pâle figure : c’est au VIIe siècle que se sont multipliées, en grande partie sous l’impulsion de Colomban et de ses disciples, les fondations monastiques et les transformations d’églises anciennes en monastères, et c’est au IXe siècle que s’imposeraient, sous l’autorité de Benoît d’Aniane, la réforme et l’uniformisation bénédictines. Il en va à peu près de même pour la documentation et sa contribution à l’histoire éco...

Faut-il parler de l’an mil – c’est-à-dire d’une date et/ou d’un concept historiographique qui n’ont de sens que dans un monde fortement christianisé et encadré par des structures de pouvoir qui étaient alors celles de l’Europe occidentale, singulièrement franque – à propos du versant du continent européen qui borde la mer du Nord ? A priori, rien n’est moins sûr, car, à la fin du premier millénaire, cette vaste région était encore en voie d’intégration dans la chrétienté ; et si certaines de ...

Cartula, perge cito pelagi trans aequora cursu,Ostia piscosi flabris pete fortia Rheni,Ingrediens rapidis pontum qua volvitur undis (…)« Message, dirige-toi par une course rapide à travers les plaines de la mer, gagne à l’aide du vent les bouches puissantes du Rhin poissonneux, et pénètre dans les rouleaux de l’onde tumultueuse… » S’adressant au support de son poème – cartula –, Alcuin l’invite à faire un voyage sur le Rhin. Qu’il remonte celui-ci et s’arrête successivement à Utrecht, à Dores...

Suivant leurs hagiographes respectifs Alcuin et Eigil, les missionnaires Willibrord et Sturm firent preuve d’un courage exceptionnel quand ils s’aventurèrent dans les loca maritima ou dans les aquosa arva qui caractérisaient la Frise des VIIe-VIIIe siècles. Encore au XIe siècle, l’auteur des Gesta des évêques de Cambrai parlerait des Aquatici Frisones et le chanoine Adam de Brême lâcherait cette définition lapidaire : Fresia regio est maritima. Assurément, peu de régions de l’ancienne Europe ...

Questions de définition C’est sans doute au cours du Xe siècle, à une époque où les Slaves du Sud et de l’Ouest approvisionnaient les principaux marchés d’esclaves de l’Europe occidentale, que le mot sclavus, qui avait originellement le sens ethnique de slave, apparut dans les textes latins pour désigner les individus qui, suivant une tradition antique perpétuée jusque dans les premiers siècles médiévaux, avaient jusqu’alors été appelés servi, mancipia, ou, au féminin, ancillae, c’est-à-dire ...

Quand, vers 642, Jonas de Bobbio relate la fondation du monastère d’Annegray par Colomban, il évoque « le vaste désert (heremus) appelé Vosges dans lequel se trouvait un castrum ruiné depuis longtemps (dirutum olim) auquel une ancienne tradition (antiquorum traditio) donnait le nom d’Anagrates ». Et l’hagiographe continue : « quand le saint homme parvint en ce lieu, il s’y installa avec les siens, en dépit de l’immensité sauvage de la solitude et de l’encombrement des rochers ». Quand, en 753...

« Disparition de la vie urbaine au VIIIe siècle » : tel est le titre de la première subdivision de l’important chapitre sur « Les Villes » qu’Henri Pirenne donna au tome VIII de L’Histoire du Moyen Âge de la collection Glotz, paru en 1933. Son lecteur aurait donc été autorisé à ne voir que provocation dans la tenue à Londres, en 1986, d’un colloque sur « the rebirth of Towns in the West (700-1050) » : c’est au moment précis où le vieux maître situait l’étiage absolu de la vie urbaine en Occid...

Introduction Pierre Riché s’est à plus d’une reprise intéressé aux années de formation de Liudger (v. 740/745-809), telles qu’elles sont rapportées par Altfrid dans la Vita prima du premier saint frison de l’histoire : l’usage d’écorces d’arbres pour l’apprentissage de l’écriture, et aussi les liens, marqués par le transport de livres, entre les écoles cathédrales d’York et d’Utrecht ont en particulier retenu son attention. C’est pourquoi je me propose de revenir, en en donnant une traduction...

Prétendre évoquer le devenir économique de la cité gauloise entre le Ve et le IXe siècle, c’est poser une multitude de questions, et pour commencer s’interroger sur le rôle de la cité dans la production, la distribution, la transformation et la consommation des biens ; sur l’évolution de ce rôle dans une société en totale mutation ; sur ses éventuelles modifications structurelles – en particulier sur ses transformations quantitatives, qualitatives, voire géographiques. Et puisque je m’attache...

Plusieurs de nos plus illustres prédécesseurs qui ont fréquenté avec assiduité les premières Settimane di studio, ont parlé, ici même ou ailleurs, du passage du système de communications antique au système de communications médiéval. Ainsi Robert Latouche : « le défaut d’entretien des routes romaines depuis la chute de l’Empire d’Occident rendait dans nombre de cas les voyages par eau nécessaires ». Ainsi Fernand Vercauteren : « il semble qu’à partir du VIIe et surtout du VIIIe siècle, la cir...

Introduction Vers le milieu du IXe siècle, la communauté chrétienne de Birka « ne comptait plus que trois membres quand y arriva l’ermite Ardgar, envoyé par Ansgar pour la diriger. Quand le dernier de ses fidèles, une pieuse et riche dame, eut émigré à Dorestad, Ardgar réintégra son ermitage : tout était fini ». C’est en ces termes que Lucien Musset évoquait en 1966 la lente agonie de la première église de Suède, celle que le missionnaire Ansgar était allé fonder en 829 dans l’île du lac Mäla...

Dans les nombreux travaux qu’il a consacrés, surtout dans les années 1980, au développement urbain de l’Europe du Nord au cours du très haut Moyen Âge, Adriaan Verhulst a toujours accordé une attention particulière, parmi les emporia apparus dans les milieux littoraux au cours des VIe -VIIIe siècles, à celui de Domburg sur l’île de Walcheren, connu seulement par des découvertes archéologiques le plus souvent fortuites. Mais, préciset-il après beaucoup d’autres, si Domburg tire son nom – qui, ...

« His ita gestis, mortuo Childerico, regnavit Chlodovechus, filius ejus, pro eo » : « Après ces événements, quand Childéric mourut, son fils Clovis régna à sa place » [GdT, DHL, II 27, vol. 1, p. 110]. Quand il relate la mort de Childéric survenue vers 481, Grégoire de Tours est très laconique. Mais, lorsqu’il évoque la mort de Clovis ou celle de ses successeurs, il se fait un peu plus disert, sans doute parce qu’à la différence de Childéric, ses successeurs les rois mérovingiens étaient chré...

Prolégomènes Je m’abstiendrai de parler dans cet exposé des negociantes ipsius sancti loci (à savoir Saint-Germain-des-Prés), des homines memoratae ecclesiae (à savoir l’église cathédrale de Strasbourg) et des autres marchands d’églises, dont Jean-Pierre Devroey a abondamment parlé au printemps 1992, à Spolète d’une part, dans le cadre de la Settimana sur Mercati e Mercanti, et ici-même d’autre part, dans le cadre du colloque sur Le monachisme. Je ne parlerai que des marchands indépendants, e...

En 1969, dans un important article de la Revue Historique, Michel de Boüard, alors doyen de la Faculté des Lettres de l’Université de Caen et pionnier de l’archéologie médiévale en France, déplorait que le site de Quentovic n’eût encore fait l’objet d’aucune fouille systématique, à la différence des autres grands wiks des mers du nord de l’Europe du très haut Moyen Âge. Après Haithabu, Birka, Kaupang, Dorestad, voici que, plus récemment, Ribe, Hamwich, Ipswich ont commencé de livrer leurs sec...

« Le mai le joli mai en barque sur le Rhin »Guillaume Apollinaire Un fleuve unit plus qu’il sépare : c’est un lieu commun de le dire. Il n’est pas seulement un trait d’union entre son cours amont et son cours aval, mais aussi entre sa rive gauche et sa rive droite, appelant l’agglomération des populations autour de chaque tête de pont, de chaque passage, de chaque gué. Même le Rhin, frontière séculaire entre deux mondes différents, parfois hostiles, a joué ce rôle au temps de la Paix romaine,...

(…) Dumque aliquanto tempore apud comitem teneretur, animadverterunt qui eum diligentius considerabant ex vultu et habitu et sermonibus eius quia non erat de paupere vulgo, ut dixerat, sed de nobilibus (…)Bède le Vénérable, Historia ecclesiastica gentis Anglorum, IV 20 (ou 22). Dans les chapitres 19 et 20 (ou 21 et 22) du livre IV de l’Historia ecclesiastica gentis Anglorum qu’il écrivit entre 725 et 731, Bède le Vénérable (c. 673-735) évoque la bataille dite de la Trent (sans doute quelque p...

Je voudrais, dans cet exposé, tenter de répondre à trois questions. La première, qui m’est suggérée par les développements récents de l’historiographie, consiste à se demander s’il est légitime de parler d’un grand commerce frison aux VIIe -IXe siècles. Comme je pense que oui, je me demanderai ensuite si, l’apogée de ce grand commerce se situant vers 800, c’est-à-dire à un moment où la Frise est passée tout entière sous le joug des Carolingiens, il ne vaudrait pas mieux parler, à l’instar d’H...

Mon propos ne sera pas tant d’apporter une réponse – qui, nécessairement nuancée, n’aurait rien d’original – à la question on ne peut plus convenue de la fiabilité historique des récits hagiographiques, que de présenter un petit échantillonnage d’extraits de Vies de saints anglo-saxons ; de souligner, après un rapide décapage, ce que leur originalité doit à l’expérience et à la qualité d’observation de leurs auteurs ; et de montrer en quoi elles peuvent constituer une source de première valeu...

Vue du Danemark, la Frise est une voisine presque immédiate. Non seulement il y a la proximité géographique, mais il y a aussi une identité morphologique et paysagère entre les deux contrées, qui ont en commun le même chapelet d’îles littorales, les mêmes cordons de dunes, les mêmes lagunes, la même plaine côtière. Seules les glaciations ont imprimé des différences, laissant au Danemark, qu’elles ont davantage marqué de leur empreinte, ces croupes morainiques qui donnent à l’intérieur du Jutl...

L’histoire de l’évangélisation de la Frise est, dans ses grandes lignes, assez bien connue, en particulier aux Pays-Bas, en Allemagne et dans les îles Britanniques, tout simplement parce que la plupart des grands missionnaires du premier Moyen Age, Anglo-Saxons au premier chef, y ont contribué. Quand on sait qu’aux VIIe-VIIIe siècles les Anglais prirent le relais des Irlandais dans la peregrinatio pro Deo à des fins missionnaires, et que la Germanie continentale, demeurée longtemps païenne, f...

Dans ce codex se trouve la vie de Vulfran, prêtre du Seigneur, dont le monastère de Fontenelle possède le corps sacré. Ici commence la préface. Au très révérend et très saint évêque de Thérouanne et abbé du monastère de Fontenelle Bainus, Jonas dernier serviteur des serviteurs du Christ. Votre haute dignité apostolique (apostolatus vestri celsitudo) exige que je veuille bien confier à ma plume la vie du saint père Vulfran archevêque de Sens. Au temps où le monastère de Fontenelle était dirigé...

Chacun sait que le roi Childéric était un Franc et un païen, donc qu’il était un authentique barbare. Pourtant, même après un simple survol des sources et de la bibliographie, on constate qu’il a pu acquérir un véritable ius civitatis tant aux yeux de ses contemporains qu’aux yeux des historiens modernes, et cela pour une double raison : d’une part parce qu’il a combattu pour le service de Rome ; d’autre part parce qu’il a engendré Clovis, et que le prestige que le premier roi barbare et chré...