Search

Le rôle et l’image des femmes en milieu rural dans les pays du Sud oscillent aujourd’hui entre les figures d’« actrices » engagées dans la recherche de solutions face aux crises environnementales, de « prédatrices » de la nature et de « victimes » de la dégradation de l’environnement. Or, peu de travaux interrogent les liens entre logiques et normes de genre et changements environnementaux, que ce soit dans le monde académique, politique ou militant. Pourtant, les pratiques des hommes et femmes comme leurs savoirs associés dans la préservation et la conservation des ressources naturelles diffèrent. Les ressources économiques, les pouvoirs politiques et les valorisations sociales sont distribués de manière inégale, avec des modalités et une intensité variables selon les sociétés et les milieux. En mettant en avant des recherches originales d’auteur-e-s du Sud et du Nord, cet ouvrage contribue à nourrir le débat sur le rapport des hommes et des femmes à l’environnement dans les sociétés rurales au Sud. Il met en lumière les évolutions en cours sur des enjeux de développement majeurs : agrobiodiversité, alimentation, accès aux organisations collectives, adaptation aux changements environnementaux... Il s’adresse particulièrement aux chercheur-e-s, étudiant-e-s, militant-e-s et représentant-e-s des pouvoirs publics au Nord et au Sud.

Partant du rapport entre chercheur·e·s et terrain et des épreuves auxquelles il·elle est soumis·e, l’objectif de cet article est de proposer une interprétation du travail de recherche qui se démarque de la vision classique d’une recherche prise en tension entre « engagement » et « détachement ». L’idée qui est défendue ici est que le travail de recherche effectué auprès des organisations d’ESS est un observatoire privilégié du rapport entre chercheur·e·s et acteur·trice·s de terrain qui, plus qu’ailleurs, peut prendre la forme d’une « alliance » dont l’enjeu est –entre autre- la connaissance co-produite. Les cadres de la théorie féministe du savoir situé, ou standpoint theory (ST), qui ont particulièrement contribué à clarifier ces enjeux de connaissance co-produite, nous aideront à examiner de façon critique cette alliance et sa plus-value cognitive. Ce faisant, l’objectif de cet article est d’ouvrir la boite noire de la « fabrique du savoir » en ESS.

The aim of this paper is to assess the literature dealing with feminist and third sector issues from the perspective of its added-value to a feminist socio-economics of thought. The paper identifies some milestones and suggests further developments. The fundamental but limited contribution of Feminist Economics (FE) FE addressing the economic science has left non-orthodox models of economy for a long time outside their critical approach. In the 80’s and 90’s, feminists started to deconstruct the classical economic paradigm (CEP). This led to an heterogeneous ensemble, inclusive of both an anti- and a pro- perspective. The latter, reformist from within, considers that « economic agents can be male or female, and they interact in families as well as in firms and in markets. (…) » (Jacobson, 2007 :3). The more radical perspective is preoccupied by the measure of the « real value » of things (time, work, care ) and wants to « change the system » (Schonpflug, 2008 : 120). There is still no consensus on what is FE but it can be said that it 1) puts women’s emancipation from family at the center of questioning 2) highlights the masculine bias of CEP (dominated by white bourgeois men and their sole experience) (Folbre 1986, 2009 ; Elson, 1991, Ferber and Nelson 1993 ; Beneria 1995) 3) examines how capitalism operates specifically on women (Waring 1988 ; Sassen, 1991, Picchio 1992) with particular attention to the State-Market nexus. It is only in the 2000’s that FE started to consider TSO seriously. Until the 1990’s, they were still considered by reformist feminists as neither State nor Market with no interest to women and, by radicals, as « little fingers » operating for the State (Nyland 1993). A stunning evidence : the over-representation of women in TSO The first move towards cross-fertilisation of women and third sector issues happened through the debate on the over-representation of women in TSO (Teasdale et al, 2010) but not necessarily in a feminist perspective. Rea

The hypothesis explored in this article is that initiating a SE can be seen as an act of resistance to the hostile effects of gender in the labor market in a context of globalization. It adds to the literature that seeks to understand the reasons for the over-representation of women in SE by reflecting on how SE initiators articulate the social mission of their organisation with women’s emancipation, be it as workers or users. From qualitative surveys carried out in SE delivering care or environmental services, the paper accounts for emancipation issues as formulated by SE initiators. In many respects SE initiators see their places as offering limited assets to grant financial autonomy or to resist unsatisfying working conditions for women, issues on which initiators have hardly any influence. If initiators show genuine concern about emancipation, it is merely connected with fuzzy contents, like "repairing" livelihoods or "resistance", without necessarily identifying against who this resistance is organized.

L’objectif de cet article n’est pas de mesurer l’égalité des sexes au sein de l’ESS ni d’apporter une interprétation à la surreprésentation des femmes. Ce travail essentiel a déjà commencé à être mené au sein de la littérature féministe. Il s’agit plutôt de proposer une réflexion sur les enjeux d’émancipation multiples qui traversent indéniablement les OESS et en particulier émancipation par rapport à l’hégémonie du marché et à l’oppression patriarcale. Nous partirons du paradoxe évoqué ci-dessus : le genre joue à rebours de l’égalité des sexes au sein des OESS mais ces dernières constituent bien des lieux de résistance –et d’émancipation ?- au genre global hostile. Dans une premier temps, l’idée est de positionner le débat au croisement du féminisme et de la socio-économie. Il s’agira de relire la théorie féministe à partir de sa réflexion sur la capacité de l’Etat et du marché à émanciper les femmes (section 1) et d’en imaginer le prolongement à travers l’ESS (section 2). Nous mettrons ensuite le terrain de l’ESS à l’épreuve en tentant de comprendre comment ces enjeux sont formulés et s’ils structurent les pratiques des acteurs·trices. Nous verrons comment les OESS, à bien des égards, sont considérées comme étant des lieux qui offrent des perspectives –limitées et genrées- de sécurité et de reconnaissance que le secteur capitaliste n’offre pas ou plus (section 3) et d’où il est possible de « résister », sans que soit nécessairement identifié l’« ennemi principal » à l’émancipation (section 4).

A partir d'exemples de terrains issus de la littérature anthropologique et de nos propres recherches sur les organisations qui s'autodésignent comme relevant de l'économie sociale et solidaire, l'idée développée dans cet article est de (ré)ouvrir la boite noire de la "fabrique du chercheur" pour montrer que certains terrains mieux que d'autres mettent d'emblée le chercheur dans une perspective critique et le placent dans un non-choix par rapport à l'engagement. Cet engagement du chercheur vient donc heurter les règles d'éthique pensées comme neutres, transparentes et objectives.

L’action collective des femmes dans les pays du Sud n’a probablement jamais été autant mise en avant par les protagonistes intervenant dans le monde du développement. Elle n’est pourtant pas nouvelle, et au Maroc, elle prend des formes singulières que l’ouvrage d’Aurélie Damamme intitulé « Genre, action collective et développement », s’attache à décrire avec finesse.

Depuis 2000, le gouvernement burkinabé a adopté une réforme du système de gestion des infrastructures hydrauliques d’alimentation en eau potable en milieux rural et semi-urbain. Les nouveaux cadres prescrits dans ce contexte visent notamment à institutionnaliser la responsabilisation des usager-e-s à travers des AUE (Associations d’usagers de l’eau). Le modèle de mixité dans la composition des AUE et, plus encore, la règle paritaire sont présentés comme des principes qui limiteraient l’exclusion des femmes de ce nouvel espace social et politique et leur permettraient d’accéder légitimement à des fonctions de décision. Cet article montre que ces principes se heurtent aux normes de genre, les femmes restant cantonnées à des rôles subalternes.

L’objectif de cet exposé est de (ré)ouvrir la boite noire de la « fabrique du savoir ». Nous nous placerons pour cela au cœur du triangle formé par le-la chercheur-e, son dispositif méthodologique et le terrain d’enquête, ce que nous appelons également « contexte ». Comme l’explique la première partie, il sera d’emblée pris distance par rapport à la vision classique du-de la chercheur-e pris-e en tension entre « engagement » et « détachement » à partir de laquelle est généralement pensée la problématique du positionnement, au profit d’une vision du travail scientifique « situé » ou en « contexte », emprunté à la théorie du standpoint (ST). Celle-ci a pour caractéristique de reposer la question de l’objectivité du savoir à partir du triangle évoqué plus haut, ce qui la rend davantage à même d’interpréter ce qui se joue dans le domaine du positionnement sur un terrain d’ESS. La deuxième partie explicite plus précisément la notion de contexte, notamment à partir des « épreuves » vécues par le-la chercheur-e dans le processus de production du savoir. Si ces épreuves sont communes à de nombreux terrains, nous mettrons néanmoins en avant la particularité de l’étude du genre et de l’ESS. Cela nous conduira, dans un troisième temps, à re-situer le processus de production du savoir dans l’ESS et d’examiner l’alliance que ses chercheur-e-s font avec leur terrain, alliance qui constitue une qualité additionnelle incontournable à la fabrique du savoir en ESS.

Cet article s’inscrit dans le débat déjà ancien sur la critique de la notion de « vrai·e chercheur·e » ou de « bonne science » et tente de questionner, à partir des théories féministes sur le point de vue situé, les critères de détachement ou d’objectivité généralement retenus pour identifier les « savoirs qui comptent ». Nous proposons de re-situer le processus de production du savoir dans l’ESS et d’examiner l’alliance entre ses chercheur·e·s et les acteurs et actrices de terrain, alliance qui constitue une qualité additionnelle incontournable à la fabrique du savoir en ESS.

Cette notice de dictionnaire propose dans un premier temps de retracer la manière dont les recherches féministes ont progressivement conceptualisé les rapports entres femmes/genre et développement; ensuite il est question des critiques que les féministes portent sur les usages du genre dans les discours dominants sur le développement et/ou ceux émanant des acteurs du développement.

Fair trade has garnered the interest of western consumers seeking ‘ethical’ products. Inherent to the movement’s success are narratives that foster an attachment between reflexive consumers and the distantly situated producers of their goods. These narratives entice consumers to purchase higher priced, quality fair trade products. Drawing on empirical evidence from a case-study of fair trade shea butter produced by women in Burkina Faso and consumed by European and North American women, this article considers the extent to which these narratives reflect producer experiences. Fair trade shea butter is depicted as an exotic, traditional, authentic, and ethical product that promotes global female solidarity. Yet, the international commodity differs significantly from the traditional and authentic product that is locally produced and traded. Moreover, the low returns butter producers earn for their product cast doubts on the ‘fairness’ and solidarity aspects of the movement. Hence, we argue that rather than unveiling the conditions of commodity production, fair trade discourses repackage these to appeal to ethically minded consumers likely to purchase fair trade goods.

A l’aube du XXIe siècle, marqué par la financiarisation du capitalisme, la notion de dette a acquis un rayonnement remarquable, enchaînant les Etats insécurisés et livrant les individus à une précarité totale, lorsqu’ils ont eu le malheur de bâtir leur existence sur un endettement auparavant fortement encouragé. Omniprésente, la dette semble s’imposer comme un mode de gouvernance globale et son remboursement paraît l’unique objectif et programme politiques de bien des gouvernements nationaux. Déclinée selon toutes les catégories statutaires, hiérarchiques et d’appartenance, la dette dans sa perspective individualisante se donne à voir comme aussi sexuée avec des argumentaires qui, le plus souvent, renforcent la victimisation des femmes, sur lesquelles la crise pèse de tout son poids. Ces constats entrent en résonnance avec d’autres élaborations qui, avec la tradition psychanalytique, renvoient les femmes à une dette symbolique originaire, nourrie par leurs qualifications d’engendrement et la castration.

Du 31 octobre au 2 novembre 2012, un atelier de travail à Ouagadougou (Burkina Faso) a permis de discuter des résultats à mi-parcours de l’ANR SudsII, APPI (Une Action Publique éclatée. Production et Institutionnalisation de l’action publique dans les secteurs de l’Eau potable et du Foncier au Bénin, Burkina Faso, Niger). L’équipe, coordonnée par Catherine Baron (LEREPS, Université de Toulouse 1), est composée de 17 chercheur-e-s français et africains, et d’une organisation non gouvernementale (GRET) permettant de réfléchir aux liens entre recherche et action.

La production du beurre de karité est une ressource stratégique dans les objectifs de développement du Burkina Faso. L'arbre à karité (Vitellaria paradoxa C.F. Gaertn.) est la base d'une activité gérée par les femmes, détentrices de savoir-faire spécifiques, qui utilisent le beurre pour la consommation et la vente locale. Convoité sur les marchés occidentaux des produits cosmétiques " naturels ", le beurre de karité constitue un produit à haute valeur ajoutée dont la fabrication et la commercialisation sont aujourd'hui soutenues par les bailleurs de fonds. Les groupements féminins, condition sine qua non pour obtenir une aide financière, doivent professionnaliser les productrices dans le domaine technique et réglementaire et leur permettre d'accéder aux marchés internationaux perçus comme une voie nécessaire pour l'amélioration de leurs conditions de vie. Cet article montre que si ces collectifs sont promus pour répondre à des impératifs marchands et monétaires, les logiques qui s'y déploient sont aussi liées à des normes sociales d'échanges et de reconnaissance qui freinent l'ambition politique d'une amélioration de la condition des femmes par une meilleure insertion aux marchés.