L’intérêt pour le « lait » en tant que sujet de recherche est issu, ici, de questionnements autour de l’allaitement en tant que facteur de transmission du VIH. En effet, la transmission du VIH par l’allaitement représente un important problème de santé publique dans les pays du Sud. La mise en place des programmes de prévention reste un problème complexe qui touche divers domaines dont une partie concerne directement notre discipline, étant d’ordre social et culturel. Les perceptions qui valorisent l’allaitement maternel sont très ancrées dans la plupart des cultures « traditionnelles », mettant en valeur celles du lait. Le lait prend en effet dans la société peule une valeur qui va au-delà de la simple question de l’allaitement, étant présent au cœur même de la structure socio-économique. C’est cet aspect qui constituera le propos de cet article.Le terme Kossam, qui désigne le lait, signifie « ce qui est meilleur ». A la base de l’organisation socio-économique peule, son exploitation révèle une originalité particulière concernant les femmes : c’est le lait qui donne aux femmes la possibilité d’une émancipation sociale et économique. En effet, tel que cela sera développé dans cet article, le lait de vache est la propriété de la femme dès l’instant où elle est mariée ; elle peut alors en disposer selon ses intérêts pour la consommation et/ou la commercialisation. Elle peut donc avoir une certaine marge de liberté dans ses actions sans être sous la tutelle complète de son époux. Le fait même qu’elle en soit propriétaire fait référence à un fonctionnement et à une représentation sociale spécifiques.Le lait et sa productrice, la vache, sont au cœur du fonctionnement socio-économique peul. Le lait est considéré comme étant à la base de l’alimentation ; même si dans les faits l’alimentation est aussi organisée autour du mil. Aussi, envisager le rendement de lait implique nécessairement une référence à sa productrice : la vache. Ici déjà, la question de genre est introduite. L’entretien du troupeau est la fonction de l’homme, tandis que l’exploitation du lait revient à la femme. Or cette fonction d’exploitation du lait assoit dans le même temps une liberté économique de la femme qui en est la propriétaire. Enfin cet article montre le pouvoir symbolique et social donné à la femme, affirmé par le lait maternel. Celui-ci est le vecteur des plus grandes qualités nécessaires à un « bon peul », mais peut aussi devenir la voie de transmission de pouvoirs maléfiques. Maîtresse du pouvoir lacté, la femme en hérite d’un statut particulier propre à la société peule.When milk becomes a social issue: the FulBe case in Burkina FasoThe question of breastfeeding as a factor of HIV transmission is a reason for interest in milk as a subject of research. Mother-child transmission of HIV is an important public health issue in the South. The successful implementation of preventive programmes requires different approaches, such as those of the social sciences. The perceptions which valorize breastfeeding are deeply rooted in the majority of ‘traditional’ societies, and these perceptions valorize in turn local perceptions of milk. In effect, in FulBe society, milk has a value which goes beyond the simple question of breastfeeding, being present at the very heart of the socio-economic structure. It is this aspect which constitutes the focus of this article.The FulBe’s word of milk also means ‘that which is the best’. Milk and its producers, cows, are the fundament of local socio-economic organization. Men are in charge of the care of the herd while women are concerned with the exploitation of milk. In this particular ethnographic case, milk provides women with the possibility of economic and social emancipation, because milk becomes the property of women as soon as they are married and they can use it for their own interests, of consumption and/or commercialization.This article also shows that breastmilk is at one and the same time both the vector of the greatest qualities necessary to a ‘good Fulani’ and the means of transmission of evil powers. Mistresses of milk’s power, women have thus inherited a particular status peculiar to Fulani society.