The conflict of 14-18, which we will describe as butchery, traces in the construction of Europe a caesura, a "red scar", borrowed from the historian Annette Becker who designates the traumatic mark of this war, left in minds and on bodies. Paul Volsik evokes this century of conflicts as being “the blackest ulcer”, in the history of our time. Thus, images relating to the sick, damaged, vulnerable body symbolize the unleashing that descended on men from summer 1914. These metaphors translate the degraded physicality associated with the war episode, and consequently, inevitably, bring out the imprint of death. Thereby, the project we propose concerns the study of literary characters rejected, repressed, banished from the society they belonged because of their condition, which is seen as modified: a new dissimilarity, sometimes monstrous, linked to an irremediable injury. We will highlight four journeys by authors of different languages and cultural eras: Gabriele D'Annunzio, Notturno (1916), Blaise Cendrars, J'ai saigné (1938), Dalton Trumbo, Johnny Got His Gun (1939), and finally, Marc Dugain, La Chambre des Officiers (1998). This corpus, crossing the 20th century, has the particularity of approaching the nothingness suggested by the violence of loss, the resistance to annihilation, by staging protagonists whose existence will find itself to be rebuilt, losing all or part of what defined them. This thesis is about to study men who have lost their senses, their limbs, faculties, in the war, which they have taken for granted until now, forming an integral part of themselves. They must therefore begin from the moment of the injury, a long journey towards resilience which will be punctuated by difficulties, including, and perhaps above all, confronting themselves with the gaze of others, to transcend themselves into men kintsugi, and refound on the ashes of the past a man patched up, certainly, but whose wounds are sublimated enough to lead him to a definitive reconquest of his existence. This work will focus on the analysis of this writing difference, as a true eulogy to survival, going beyond fiction and involving often autobiographical elements, but however always placing in the foreground a philosophical question of identity, and even surpassing it: who am I, me, among the others? The challenge here will be to succeed in formulating an updated definition of "individuality", such as it imposes itself – especially in a time of the collective like war – when one ends up leaving the original framework to which one has always belonged, and its meaning in an extremely standardized world., La boucherie de 14-18 trace dans la construction européenne, une césure, une « cicatrice rouge », en emprunt à l’historienne Annette Becker qui désigne la marque traumatisante de cette guerre, laissée dans les esprits et sur les corps. Paul Volsik, quant à lui, évoque ce siècle de conflits comme étant « the blackest ulcer », « l’ulcer le plus noir », de l’histoire de notre temps. Ainsi, les images relatives au corps malade, abîmé, vulnérable, symbolisent à elles seules le déchainement qui s’abat sur les hommes dès l’été 1914. Ces métaphores traduisent la corporalité, souvent dégradée, associée à l’épisode guerrier, et par conséquent font surgir l’empreinte de la mort. Ainsi, le projet que nous proposons porte sur l'étude de personnages littéraires rejetés, refoulés, bannis de la société à laquelle ils ont appartenu à cause de leur condition qui se voit modifiée : une dissemblance nouvelle, parfois monstrueuse, liée à une blessure irrémédiable. Nous mettrons en lumière dans une perspective comparatiste quatre récits : Gabriele D’Annunzio, Notturno (1916), Blaise Cendrars, J’ai saigné (1938), Dalton Trumbo, Johnny Got His Gun (1939), et enfin, Marc Dugain, La Chambre des Officiers (1998). Ce corpus hétéroclite, couvrant le XXe siècle, a pour particularité d'aborder le néant suggéré par la violence de la perte, la résistance à l'anéantissement, en mettant en scène des protagonistes dont l'existence se trouve à rebâtir, perdant tout ou partie de ce qui les définissait jadis. Ces œuvres laissent entrevoir des hommes ayant perdu à la guerre leurs sens, leurs membres, des facultés, qu’ils prenaient jusqu’ici pour acquis, faisant partie intégrante d’eux-mêmes. Ils doivent donc entamer à partir du moment de la blessure, un long cheminement vers la résilience qui sera ponctué de difficultés, y compris, et peut-être surtout, celle de se confronter au regard d’autrui, pour se transcender en hommes kintsugi, et reconstruire sur les cendres du passé un homme rafistolé, certes, mais dont les blessures sont sublimées pour le mener à une reconquête définitive de son existence. Ce travail a pour vocation de mettre l’accent sur l'analyse de cette écriture de la différence, comme un véritable éloge à la survie, allant au-delà de la fiction et faisant intervenir des éléments souvent autobiographiques, mais plaçant toujours au premier plan une question philosophique identitaire intemporelle, et même la dépassant : qui suis-je, moi, parmi les autres ? L'enjeu sera de parvenir à formuler une définition réactualisée de « l'individualité », telle qu'elle s'impose – dans un temps du collectif comme la guerre – lorsqu'on finit par sortir du cadre originel auquel on a toujours appartenu, et de sa signification dans un monde extrêmement normé.