Il y a 12 000 ans, un village, parmi les premiers de l’humanité, s’installe sur les rives de l’Euphrate syrien. Découvert en 1989, le site archéologique de Jerf el Ahmar est devenu l’un des jalons majeurs de la « révolution néolithique ». Vers 9500 av. J.-C., l’art de bâtir y atteint un niveau inédit. Ici s’inventent les premières formes de maisons rectangulaires, chaînages d’angle, escaliers, toitures complexes et autres énigmatiques « bâtiments collectifs ». Des quartiers se forment et s’organisent savamment. Des places se dégagent. Les constructions témoignent d’une créativité intense alors même qu’apparaissent timidement les formes d’une première agriculture. Danielle Stordeur, qui a dirigé la fouille jusqu’à la disparition du site sous les eaux d’un barrage en 1999, analyse dans ces pages toutes les métamorphoses architecturales de Jerf. Dans un premier temps, l’ensemble des constructions est décrit selon trois éclairages : techniques, formes, usage. Puis l’archéologue nous présente le village et précise ses transformations. En passant d’un épisode à l’autre, elle montre comment la préparation du terrain se fait plus collective, les espaces communs se multiplient, des bâtiments communautaires sont édifiés. Et comment une différenciation sociale apparaît. Dans ce site, où l’occupation a été continue, même lorsqu’un incendie détruit tout, on décèle les signes clairs des mécanismes de transmission et de mémoire. Dans cet ouvrage accessible, écrit de manière didactique, Danielle Stordeur ne livre pas seulement les résultats de ses fouilles. Elle mène l’enquête en passant d’une pièce à l’autre, du grenier à la cave, en nous frayant un chemin à travers le labyrinthe des piliers et des murs. Elle accumule les indices pour éclairer des savoir-faire, pour nous révéler les dynamiques de l’espace villageois et les transformations de l’organisation sociale. Dans une période sans écriture, l’architecture de Jerf se mue en un miroir fragile et précieux de la société néolithique. À la Syrie. À mes amis syriens. En qui je crois, en qui j'espère. À la lumière d’automne. À Théo. À Lucas.