International audience; Si on considère souvent le film Godzilla (1954) de Honda comme la première occurrence du genre du film de monstre (kaiju eiga) dans le cinéma japonais, il n’en va pas de même pour les effets spéciaux utilisés dans le film, qui relèvent pour leur part d’une histoire plus ancienne. En effet, le superviseur des trucages, Eiji Tsuburaya (1901-1970), qui est entré dans l’industrie dès 1919 comme opérateur assistant, connaît son premier poste important lorsqu’il accède, en 1938, à la direction du département des effets spéciaux de la Toho. À ce titre, il participe à des projets de grande ampleur et à valeur propagandiste, en particulier La Guerre du pacifique de Hawaï à la Malaisie, réalisé en 1942 par Kajirô Yamamoto, qui reproduit les combats navals du Pacifique de façon si réaliste que la légende veut que les autorités américaines, s’emparant d’une copie du film après la défaite japonaise, le prendront pour des images d’archives.Après le succès de Godzilla, aussi bien au Japon qu’à l’étranger, Tsuburaya développe, à travers sa société Tsuburaya Productions créée en 1963, une suite de séries « tokusatsu » (à effets spéciaux) qui donneront naissance au genre populaire du sentai, centré sur des personnages de super héros aux pouvoirs variés. La première, Ultra Q, est produite pour TBS en 1966, et s’avère révolutionnaire pour son coût et son ampleur dans le contexte de la télévision japonaise de l’époque, qui importe encore une grande partie de ses programmes aux Etats-Unis. A sa suite, Ultraman (TBS, 1966-67) amorce également la transformation du genre qui, même si les monstres en constitue encore l’élément premier d’attraction – à travers la performance de l’acteur de Godzilla Haruo Nakajima (1929-) –, va s’orienter dans les décennies suivantes vers une forme de plus en plus composite, centrée sur les effets de transformation (« henshin ») des héros. Ainsi, les trucages de Tsuburaya, largement inspirés du travail sur les décors miniatures et les figurines animées en stop-motion de Willis O’Brien (1886-1962) pour King Kong (1933), évoluent au cours des années 1970 pour se cristalliser autour des effets de métamorphose. Cette évolution correspond également à l’arrivée, sur les chaînes de télévision japonaises, des premières séries animées « mecha », qui jouent pleinement sur les potentialités de la transformation des armures, de même que le genre naissant des « magical girls », qui se fonde lui aussi sur la métamorphose. S’éloignant de leur origine cinématographique, les séries tokusatsu prennent alors une autre dimension, et influencent à leur tour les productions du cinéma japonais, comme l’a montré récemment le court métrage Giant God Warrior (2012) de Hideaki Anno pour l’exposition Tokusatsu du Musée d’Art Contemporain de Tokyo (MOT).