En dépit de nombreuses recherches et d’un nombre considérable de publications qui traitent de la complexité de la question du voile musulman et de sa versatilité, en Occident, le discours public et les interventions étatiques qui ont visé à l’interdire continuent pour une large part d’associer le port du voile aux représentations remontant à l’époque coloniale qui en faisaient un outil d’oppression et d’asservissement. Le sous-texte qui accompagne ce phénomène est que la visibilité corporelle des femmes dans les modes occidentales « modernes » constitue une étape nécessaire de l’émancipation des femmes des liens du patriarcat, afin qu’elles puissent affirmer leur agentivité. D’une manière quelque peu similaire, les islamistes politiques, qu’ils occupent des fonctions officielles ou qu’ils soient des acteurs non étatiques, tiennent à l’idée que le voile est un instrument essentiel de la préservation de la culture et de l’identité musulmanes, et que sa seule présence représente une contestation de l’impérialisme culturel. Considérant que les interventions étatiques, tant en contextes musulmans qu’occidentaux, ont rouvert les débats entourant l’habillement des femmes musulmanes, cet article, en passant en revue un certain nombre de discours et de publications, cherche à approfondir deux questions essentielles : 1) la perception du public occidental, qui associe le port du voile à l’oppression et qui méconnaît, et par conséquent nie, l’agentivité des musulmanes ; et 2) le rôle que joue le vêtement, en tant qu’institution politique en contextes nationalistes musulmans et non musulmans, dans l’inclusion ou l’exclusion des membres du corps civique. En examinant certaines modes alternatives qui se développent en Iran, en Turquie, en Europe et en Amérique du Nord, cet article souligne les diverses façons par lesquelles les femmes ont utilisé et remodelé le voile et les styles vestimentaires musulmans pour gagner du terrain et étendre leur sphère de pouvoir tout en résistant aux institutions patriarcales au sein des espaces musulmans ou laïcs, voire en les subvertissant. De fait, au moyen de la mode et du vêtement, les femmes élargissent leur rôle public tout en élaborant de nouvelles formes de féminité. Ce faisant, elles affirment leur agentivité, tout ayant accès à de nouvelles opportunités. Cet article suggère que le souci de réglementer l’habillement des femmes et les codes vestimentaires, à la fois en contextes musulmans et laïcs, provient du désir de présenter une démocratie unifiée plutôt que pluraliste, et une identité nationale qui se traduit souvent par des pratiques d’exclusion., Despite much research and a considerable number of publications indicating the complexities of the Muslim veil and its versatility, Western public discourse and state interventions that have aimed to ban the veil continue to associate veiling largely with its colonial representation as a tool of oppression and subordination. The embedded subtext is that women’s bodily visibility in « modern », Western fashions is a necessary step to emancipate women from the bonds of patriarchy and to declare their agency. In a not unsimilar manner, political Islamists, regardless of whether they occupy state power or are non-state actors, insist that the veil is a major tool to preserve Muslim culture and identity, and by its very presence, represents an anti-cultural imperialism. Given that state intervention in both Muslim and Western contexts have re-opened the discussion on Muslim women’s dressed bodies, this article, through a review of existing research publications and discourses, aims to delve into two critical issues : 1) the Western public perception of equating veiling with oppression, which ignores, and subsequently denies, the agency of Muslim women ; and 2) the role that clothing, as a political institution, plays in Muslim and non-Muslim nationalistic contexts to include or exclude members from its civic body. Through the examination of some developments of alternative fashions from across Iran, Turkey, Europe and North America, this paper outlines the different ways that women have utilized and refashioned the veil and Muslim clothing styles to gain and expand their sphere of power while resisting and subverting patriarchal institutions within Muslim and secular spaces. Indeed, through fashion and dress, women are expanding their public role while constructing new forms of femininities. In doing this, they are asserting their agency while simultaneously expanding their options. This paper suggests that the preoccupation with the regulation of Muslim women’s clothing and dress codes in both Muslim and secular contexts stem from a desire to depict a unified, rather than pluralistic democracy and national identity, which is often translated into exclusionary practices., A pesar de la numerosas investigaciones y de la cantidad considerable de publicaciones que evidencian la complejidad de la cuestión del velo musulmán y de su versatilidad, en Occidente, el discurso público y las intervenciones del Estado que han tratado de prohibirlo aún continúan asociando el porte del velo a las representaciones que datan de la época colonial que lo convertían en un mecanismo de opresión y servidumbre. El sub-texto que acompaña a este fenómeno es que la visibilidad corporal de las mujeres en las modas occidentales « modernas » constituye una etapa necesaria para la emancipación de las mujeres de los lazos con el patriarcado, para que puedan afirmar su agenceidad. De una manera un poco similar, los islamistas políticos, que ocupen funciones oficiales o que sean actores no estatales, tienen la idea que el velo es un instrumento esencial en la preservación de la cultura y la identidad musulmanas y que su simple presencia representa una protesta contra el imperialismo cultural. Considerando que las intervenciones del Estado, tanto en contextos musulmanes que occidentales, han abierto el debate en torno a la manera de vestir de las mujeres musulmanas, este artículo, a través de la recensión de los discursos y de la literatura, trata de profundizar dos cuestiones esenciales : 1) la percepción del público occidental, que asocia el porte del velo con la opresión y que desconoce y por consecuencia niega, la agenceidad de las musulmanas, y 2) el rol que juega la vestimenta, en tanto que institución política en contextos nacionalistas musulmanes y no musulmanes, en la inclusión o exclusión de los miembros del cuerpo civil. Al examinar ciertas modas alternativas que se desarrollan en Irán, Turquía, Europa y América del Norte, este artículo subraya las diversas maneras que las mujeres han utilizado y remodelado el velo y los estilos vestimentarios musulmanes para ganar terreno y ampliar su esfera de poder y resistir a las institución patriarcales en el seno de los espacios musulmanes o laicos, incluso subvirtiéndolos. De hecho, a través de la moda y del vestido, las mujeres amplían su rol público, elaborando al mismo tiempo nuevas formas de femineidad. Al hacer esto, afirman su agenceidad y desarrollan nuevas oportunidades. El presente artículo sugiere que el deseo de reglamentar la vestimenta de las mujeres y de los códigos vestimentarios, tanto en contextos musulmanes y laicos, proviene del deseo de presentar una democracia unificada más que pluralista, y una identidad nacional que con frecuencia se traduce en prácticas de exclusión.