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This essay aims to bring into dialogue the encounters between humans and non-human animals that feature prominently in Hardy’s novels with Deleuze and Guattari’s concept of becoming-animal. It demonstrates that the close proximity of Hardy’s characters to non-human animals sometimes initiates the process of becoming-animal, albeit with varying degrees of success. This possibility of affective becoming challenges the notion of human auto-affection and provides us with an unusual vantage point from which to examine Hardy’s subversion of the human/animal dualism. This becoming-animal not only functions as an aesthetic device, creating a destabilising lyricism in Hardy’s text, but also provides a new lens through which to explore Hardy’s political and ethical concerns with reference to what Deleuze and Guattari call “minoritarian groups”. The article argues that the ontological continuity between humans and animals does not necessarily exclude an ethic of care. If Hardy’s fictional portrayal of animals runs the risk of anthropomorphism, then this possibility of becoming-animal in his novels revivifies human animality and builds up an alliance between humans and non-human beings. Cet essai vise à faire dialoguer les rencontres entre humains et animaux non humains qui figurent en bonne place dans les romans de Hardy avec le concept du devenir-animal forgé par Deleuze et Guattari. Il démontre que la proximité des personnages de Hardy avec les animaux non humains lance parfois un processus de devenir animal, bien qu’avec des degrés de réussite variables. Cette possibilité de transformation affective remet en question la notion d’auto-affection humaine et nous offre un point de vue inhabituel d’où examiner la subversion du dualisme humain/animal chez Hardy. Ce devenir-animal fonctionne non seulement comme un dispositif esthétique créant un lyrisme déstabilisant dans le texte de Hardy, mais fournit également un nouvel angle d’où explorer les préoccupations politiques et éthiques de Hardy, en référence à ce que Deleuze et Guattari appellent « groupes minoritaires ». L’article démontre que la continuité ontologique entre les humains et les animaux n’exclut pas nécessairement une éthique du care. Si la représentation fictionnelle des animaux par Hardy court le risque de l’anthropomorphisme, alors cette possibilité de devenir-animal dans ses romans revivifie l’animalité humaine et construit une alliance entre humains et non-humains.

Dans cet entretien, la sociologue Jocelyne Porcher revient sur la construction d’un nouveau champ de recherche en sciences sociales, le travail animal, situé au croisement de la sociologie du travail et des études animales. Revenant sur son cheminement intellectuel, qui s’enracine dans les apports de la psychodynamique du travail et plus largement dans la pensée de Marx, elle expose la genèse du travail animal en tant que question de recherche. Le travail animal invite à repenser historiquement la domestication animale. Il s’agit également d’une proposition éthique et politique qui réhabilite le travail en tant que modalité de vivre ensemble entre humains et animaux dans nos sociétés contemporaines, face à l’abolitionnisme des mouvements animalitaires et la permanence des productions animales. Jocelyne Porcher invite ainsi à voir le travail comme manière de réinventer nos relations aux animaux domestiques. In this conversation, sociologist Jocelyne Porcher discusses the construction of a new field of research in the social sciences, animal work, situated at the crossroads of the sociology of work and animal studies. Drawing on her own intellectual path, rooted in the contributions of the psychodynamics of work and more broadly in the thought of Marx, she explains the genesis of animal work as a research topic. Animal work is a scientific proposal that invites to rethink animal domestication historically. It is also an ethical and political proposal that rehabilitates work as a way of living together between humans and animals in our contemporary societies, in the face of animal abolitionist movements and the permanence of animal production. Jocelyne Porcher thus invites to see work as a way of reinventing our relationship with domestic animals. En ésta entrevista, la socióloga Jocelyne Porcher nos propone la creación de un nuevo campo de investigación en ciencias sociales, el trabajo animal, situado entre la sociología del trabajo y la de los estudios animales. Sobre sus propio camino intelectual, basado en la psicodinámica del trabajo y más ampliamente en la obra de Marx, ella expone la génesis del trabajo animal como pregunta de investigación. El trabajo animal invita a repensar historicamente la domesticación animal. Se trata también de una proposición ética y política que rehabilita el trabajo como modo de vida juntos entre humanos y animales, en nuestras sociedades contemporáneas, frente al abolicionismo de los movimientos animalistas y la permanencia de la producción animal. Jocelyne Porcher nos invita a entender el trabajo como una forma de reinventar nuestra relación a los animales domésticos.

Laetitia Coussement-Boillot : Depuis une dizaine d’années, avec Le Sang des amis (réécriture de Jules César et Antoine et Cléopâtre, 2009), puis avec Rien d’officiel, (cinq textes courts inspirés de cinq pièces de Shakespeare, 2011) et actuellement avec Rêves d’occident (d’après La Tempête, 2019), vous développez un rapport privilégié avec l’œuvre de Shakespeare. Qu’est-ce qui vous a amené à réécrire cette œuvre, ou du moins à en tirer des matériaux de réécriture qui se retrouvent dans certai...

Tim Crouch est souvent présenté comme l’un des dramaturges les plus novateurs de la scène contemporaine britannique. Si le monde universitaire s’est presque exclusivement intéressé à ses pièces pour adultes, l’auteur a également écrit de nombreuses pièces destinées au jeune public : La Course aux chaussures (Shopping for Shoes – 2003), Kaspar the Wild (2006), Beginners (2018) et sa série de réécritures de pièces de Shakespeare sous forme de seuls-en-scène : Moi, Caliban (I, Caliban – 2003), M...

La fantasy est un genre relativement récent. Des auteurs du xixe siècle comme William Morris, Lewis Carroll ou George MacDonald sont considérés comme ses précurseurs mais c’est avec la publication de nouvelles, notamment dans les pulps américains, qu’elle s’affirme en tant que genre après la première guerre mondiale. D’innombrables genres fictionnels l’ont précédée et nourrie, qu’il s’agisse des mythes et des contes de fées en premier lieu, mais aussi des romans de chevalerie, des romans goth...

Dans la tradition théâtrale britannique, Mac Beth est une pièce maudite et, pour éviter de prononcer ce nom, les acteurs la désignent fréquemment par l’expression « The Scottish play », tout comme les acteurs et actrices évitent, sur un plateau de théâtre français, de prononcer le mot « corde ». Et pourtant les adaptations et réécritures de Mac Beth, au théâtre, à l’opéra et au cinéma sont pléthore, du grand classique cinématographique d’Orson Welles à cette transposition évanescente de l’œuv...

La postérité de La Tempête de William Shakespeare est marquée par des réécritures en tout genre et cette popularité s’explique sans doute par l’aspect allégorique du texte initial. À l’instar du sous-genre des Robinsonnades qui démarra au siècle suivant, et dont La Tempête peut être considérée comme un opus précurseur, cette œuvre de Shakespeare a conduit de nombreux écrivains à méditer sur les rapports sociaux, sur l’isolement et sur le pouvoir. Parmi les nombreuses réécritures de La Tempête...

Moi, BanquoMoi, CalibanMoi, Fleur des Pois Traduits par Jean-Marc Lanteri Les droits de représentation de ces trois pièces sont soumis à l’autorisation de United Agents LLP : nstoddart@unitedagents.co.uk Tim Crouch est représenté dans les pays de langue française par MCR, en accord avec United Agents, Londres. I, Shakespeare copyright © Tim Crouch 2011 I, Caliban copyright © Tim Crouch 2003 I, Peaseblossom copyright © Tim Crouch 2004 I, Banquo copyright © Tim Crouch 2005 Les pièces de Tim...

À la fin des chemins actuels de la critique, Georges Poulet résumait, en une équation simple et perpétuelle, les relations entre le lecteur et le critique, l’amateur de littérature et l’universitaire, moins éloignées l’une de l’autre qu’on ne le pense face à l’œuvre littéraire : « Critiquer, c’est lire […] » qu’il convient de compléter par la formule qui la renverse et l’achève : Lire, c’est critiquer. Et cette équation en appelle immédiatement une autre, à lui homologuer, et qui unit cette f...

International audience; Dans cet entretien, la sociologue Jocelyne Porcher revient sur la construction d’un nouveau champ de recherche en sciences sociales, le travail animal, situé au croisement de la sociologie du travail et des études animales. Revenant sur son cheminement intellectuel, qui s’enracine dans les apports de la psychodynamique du travail et plus largement dans la pensée de Marx, elle expose la genèse du travail animal en tant que question de recherche. Le travail animal invite à repenser historiquement la domestication animale. Il s’agit également d’une proposition éthique et politique qui réhabilite le travail en tant que modalité de vivre ensemble entre humains et animaux dans nos sociétés contemporaines, face à l’abolitionnisme des mouvements animalitaires et la permanence des productions animales. Jocelyne Porcher invite ainsi à voir le travail comme manière de réinventer nos relations aux animaux domestiques.

L’éthique de l’intelligence artificielle renvoie à la volonté d’évaluer l’activité des systèmes d’algorithmes. Or, pour qu’une telle entreprise soit possible, une analyse en termes de pouvoir est nécessaire. Ce dossier d’articles se donne pour objectif d’identifier les formes de pouvoir liées à l’IA, en les pensant à partir des dispositifs qui la soutiennent, et en prenant également en compte ceux qu’elle engendre par elle-même, depuis sa conception jusqu’à ses implémentations., The ethics of artificial intelligence refers to the will to evaluate the activity of algorithmic systems. However, for such an undertaking to be possible, an analysis in terms of power is necessary. This dossier of articles aims to identify the forms of power linked to AI, by thinking about them from the point of view of the devices that support it, and by also taking into account those that it generates by itself, from its conception to its implementation.

Le présent volume entend contribuer à l’exploration des rapports entre le poète et la cité entendue dans son sens antique, chez Platon puis du xvie siècle à nos jours. Comment le poète peut-il défendre une cause, occuper une place face au pouvoir politique, mais aussi créer une forme de lien ?, The present volume aims to contribute to the exploration of the relationship between the poet and the city, in the ancient sense of the word, in the work of Plato and from the sixteenth century to the present day. How can a poet defend a cause and take a stance against the political power, while also forging a link with it?

En 1734, désireux de présenter Shakespeare aux Français, Voltaire choisissait de traduire dans la dix-huitième de ses Lettres philosophiques « le monologue de la tragédie d’Hamlet, qui est su de tout le monde et qui commence par ce vers : To be or not to be, that is the question ». Ce monologue, discours autocentré, qui thématise le déchirement du personnage entre réflexion et action, est indissociable de la figure mythique qu’est devenu Hamlet, plus encore peut-être que de ce scénario où un ...

Co-écrit par le metteur en scène Antoine Laubin et l’écrivain-dramaturge Thomas Depryck dans le cadre d'un spectacle éponyme, "L.E.A.R." est un objet étrange et complexe. La pièce du "Roi Lear" de Shakespeare y est modernisée et fait l’objet d’une véritable réécriture. Mise en relation avec d’autres textes, elle est retravaillée au moyen de procédés dramaturgiques spécifiques et voit ses enjeux initiaux déplacés. Pour Laubin et Depryck, s’emparer du Roi Lear, c’est en effet assumer d’écrire après Shakespeare et de mettre en œuvre toutes les composantes de la dramaturgie contemporaine afin d’interroger notre présent malaisé.

Le projet de la sociologie comme science du social semble marginalisé aujourd’hui. Plutôt que d’appréhender une crise de la sociologie, cet article vise à explorer les modalités d’une coopération élargie entre les sociologues, coopération nécessitant de clarifier les rapports à l’éthique et à la politique propres à cette forme de connaissance qu’est la sociologie. Pour ce faire, il s’agit d’abord de revenir sur une proposition antérieure d’orienter la sociologie vers un travail qui se définirait collectivement comme « un pluralisme sous contraintes » (Berthelot, 2003 : 35). À partir de l’étude des fondements et des limites de cette approche du travail collectif des sociologues, il est proposé de mieux tenir compte à la fois des conditions générales de l’état des savoirs sociaux et des conditions nécessaires pour constituer une dialectique interne à la sociologie, afin de permettre l’autogestion par les chercheurs d’un projet circonscrit à l’explication de l’irréductibilité sociale de la vie humaine., The concept of sociology as a social science seems to be increasingly marginalized. Rather than address whatever crisis may be affecting sociology as a field of study, this article explores different modalities and various possibilities for enhancing collaboration among sociologists. It posits that more extensive cooperation requires a more precise definition of the unique relationships between both ethics and politics and sociology. To advance our understanding of these ethical and political relationships, the author reconsiders an existing proposal that positions sociology, in its broadest sense, as a collective inquiry of “pluralism with constraints” (Berthelot, 2003 : 35). Beginning with an examination of the foundations and limits of this approach as it is understood by sociologists, the author argues that it is necessary to appraise the overall state of social cognition, as well as the requisite conditions for promoting dialectics among sociologists, in order for researchers to conduct projects specifically designed to explore the social irreducibility or complexity of human life., El proyecto de la sociología como ciencia social parece marginado hoy en día. Más que comprender una crisis de la sociología, este artículo busca explorar las modalidades de una cooperación más amplia entre los sociólogos, cooperación que requiere aclarar las relaciones con la ética y la política propias de esta forma de conocimiento que constituye la sociología. Para ello, el primer paso es revisar una propuesta anterior para orientar la sociología hacia un trabajo que se definiría colectivamente como “un pluralismo restringido” (Berthelot, 2003 : 35). A partir del estudio de los fundamentos y las limitaciones de este enfoque del trabajo colectivo de los sociólogos, se propone tener mejor en cuenta tanto las condiciones generales del estado de los saberes sociales como de las condiciones necesarias para constituir una dialéctica interna de la sociología, con el fin de permitir la autogestión por parte de los investigadores de un proyecto circunscrito a la explicación de la irreducibilidad social de la vida humana.

La question éthique du « triage » des malades, en situation de pénurie, quand il s’agit de choisir lequel pourra accéder à un lit de réanimation et lequel sera privé d’accès, comporte des dimensions qui ne sont pas toutes ou pas exclusivement éthiques. Elle s’inscrit au carrefour de préoccupations qui touchent aussi à la justice, à la politique, à l’économie, et peut être lourde d’enjeux sociaux, en l’occurrence générationnels. Elle est aussi susceptible d’alimenter de façon quelque peu forcée des débats médiatiques qui, dans certains cas, peuvent tourner à la panique morale. The ethical question of the “sorting” of patients, in a situation of scarcity, when it comes to choosing which will be able to access a resuscitation bed and which will be deprived of access, has dimensions that are not all or not exclusively ethical. It is at the crossroads of concerns that also affect justice, politics, the economy, and can be fraught with social issues, in this case generational. It is also likely to fuel somewhat forced media debates which, in some cases, can turn into a moral panic.

1. Il existe plusieurs façons de faire en sorte qu’une pensée nouvelle et marquante naisse de la mise en perspective de deux grands auteurs comme Foucault et Wittgenstein. Pour ma part, je proposerai quelques analyses centrées sur les notions de subjectivité et d’éthique. Ce qui m’intéresse est une question corrélative de l’immense problème de l’émergence de la notion moderne de morale. Cette question est articulée à une notion spécifique de l’obligation morale (quelle qu’en soit l’explicatio...

Dans un passage de 1931 tiré des Remarques mêlées, Wittgenstein trace un parallélisme entre philosophie et architecture, dont le travail de soi sur soi constitue l’élément charnière : « Le travail en philosophie – comme, à beaucoup d’égards, le travail en architecture – est avant tout un travail sur soi–même. C’est travailler à une conception propre. À la façon dont on voit les choses ». Comme l’a remarqué Jean–Pierre Cometti, le philosophe autrichien renvoie par ce biais à une esthétique du ...

Introduction Dans un paragraphe assez célèbre de la Crise des sciences européennes, Husserl affirme que l’accès à la philosophie ne peut avoir lieu qu’« à partir de la psychologie », à laquelle reviendrait donc d’être le « champ des décisions » pour l’élaboration d’une philosophie en général. Nous avons choisi d’interpréter et d’utiliser ce passage de Husserl à nos propres fins de manière provocatrice, puisqu’en effet Husserl, dans son texte, vise à montrer que c’est précisément au moyen du d...

« Le philosophe est celui qui doit soigner en lui de multiples maladies de l’entendement avant de pouvoir parvenir aux notions du sain entendement humain. Tout comme dans la vie la mort nous environne, de même l’entendement sain est–il entouré de folie »Wittgenstein, 1942 La confrontation des démarches de Wittgenstein et de Foucault est loin d’aller de soi. Et ce serait sans aucun doute rendre un mauvais service à l’un et à l’autre que d’estomper ou même d’aplanir leurs divergences. Pourtant,...

Mon point de départ sera celui d’une certaine résonance, remarquable, entre deux traditions : d’une part, celle d’un externalisme représenté par Frege et Wittgenstein dans le champ de la philosophie analytique, caractérisée par le refus de la définition des processus mentaux comme processus privés, par le rejet d’une conception représentationaliste de la pensée ; d’autre part, la tradition, en France, de la « philosophie du concept » opposée à une « philosophie de la conscience », suivant une...

Les œuvres de Foucault et de Wittgenstein, qui relèvent de traditions philosophiques fort éloignées, peuvent toutefois entrer en résonance et se relancer mutuellement : cette mise en perspective permet alors de cerner les points aveugles comme l’insistance contemporaine du questionnement philosophique propres à chacune d’elles. Ces deux auteurs ont en effet proposé une critique radicale de la notion classique d’une subjectivité souveraine, contre une compréhension traditionnelle d’un sujet de l’action et du savoir transparent à soi-même. Quelles sont dès lors les conséquences éthiques et politiques d’une telle conception – non psychologique et non métaphysique – de la subjectivité ? En explorant, hors de tout clivage institué, des thèmes tels que le « rapport à soi », la conscience et ses illusions, l’identité subjective dans sa dimension institutionnelle et politique, les rapports entre le Je et le Nous, il s’agit de faire émerger de la confrontation Foucault/Wittgenstein un « style de pensée » qui nous pousse à repenser radicalement la forme de nos intérêts et de nos préoccupations éthiques et politiques.

Parmi les airs de famille entre Foucault et Wittgenstein, il en est un qui est particulièrement frappant : c’est le retour de chacun des deux philosophes, sur la fin de son œuvre et de sa vie, au thème dont il avait constamment fait la critique la plus radicale et dévastatrice auparavant : le sujet. Foucault comme Wittgenstein ont chacun à leur façon renversé et ridiculisé l’idée de sujet transcendantal, celle de sujet souverain, possesseur de lui–même et de ses pensées, enfin ce que, d’un vo...

Le rapprochement entre la pensée de Michel Foucault et celle de Ludwig Wittgenstein, qui constitue le cœur de cet ouvrage, n’est pas inédit. En juin 2007, une journée d’études avait déjà été consacrée, à l’École normale supérieure de la rue d’Ulm, à l’exploration de plusieurs pistes de croisement et de confrontation entre ces deux auteurs. Le présent ouvrage, lui–même fruit d’un colloque international organisé en juin 2013 à l’Université Paris 1 Panthéon–Sorbonne, s’inscrit explicitement dans...

« Une bonne parabole [Gleichnis] rafraîchit l’entendement »L. Wittgenstein, Remarques mêlées, 51 (1929) « Le Je, le Je, voilà le profond mystère ! »L. Wittgenstein, Carnets 1914-1916 (7 août 1916) Wittgenstein et Foucault ont subi un curieux destin commun : leurs philosophies ont été fragmentées en diverses phases, les phases ultérieures ayant souvent été jugées comme des négations ou comme des corrections progressives des précédentes. Si l’on prend pour acquise cette interprétation discontin...

Notre point de départ réside dans ce titre, qu’on peut trouver étrange, donné par Foucault à ses deux derniers cours au Collège de France : Le gouvernement de soi et des autres (le tout dernier est en réalité sous–titré Le gouvernement de soi et des autres II). Nous examinerons d’abord et principalement cette idée d’un « gouvernement de soi », puis le rapport entre le soi et les autres, et, dans les deux cas, nous ferons appel à Wittgenstein, ou mieux à deux usages qui en ont été faits : celu...

Dans un passage de ses Remarques sur la philosophie de la psychologie, Wittgenstein introduit une singulière réflexion sur un cas de figure imaginaire où un ensemble de personnes (une « tribu », un groupe social) serait décrété « sans âme » par « le gouvernement et les savants », c’est–à–dire par les détenteurs du pouvoir établi, à la fois politique et scientifique. Je citerai ici le § 96 du premier volume des Remarques sur la philosophie de la psychologie : Une tribu que nous voulons réduire...

Comme Arnold I. Davidson l’a montré de manière convaincante, la philosophie « analytique » a été pour Foucault une source d’inspiration non négligeable, même s’il en a parlé très peu et d’une façon toujours ponctuelle. En 1967 déjà, dans une lettre adressée à Daniel Defert, Foucault affirme que les philosophes anglo–américains lui ont permis de comprendre comment traiter les énoncés dans leur fonctionnement concret. La même année, lors de la conférence « Structuralisme et analyse littéraire »...

Si l’on veut explorer le rapport du « je » au « nous » que Wittgenstein et Foucault établissent dans leurs ouvrages – par exemple, en lisant en parallèle la seconde partie des Recherches philosophiques et certains passages des deux derniers cours de Foucault au Collège de France, qui tournent autour de l’articulation du gouvernement de soi et du gouvernement des autres –, il faut au préalable poser le problème des formes de vie et/ou des modes de subjectivation, à la fois singuliers et partag...

Le messianisme a souvent été, dans l’histoire du judaïsme, le nom de moments de crise et de renversement de la tradition. Au sein de la modernité juive, il revient particulièrement à Levinas et à Benjamin de retravailler la notion de messianisme pour tenter d’en actualiser la portée éthique et politique dans une optique offensive vis-à-vis du politique. On se propose ici d’approfondir le dialogue entre ces deux auteurs sur la question du messianisme éthique afin d’y trouver un possible renouvellement de la pensée révolutionnaire, mais aussi pour questionner la violence propre de la révolution et pour signaler les premiers jalons d’une pensée de la communauté éthique et messianique. In the history of Judaism, Messianism has often been the name for moments of crisis and overthrow of tradition. Within Jewish modernity, Levinas and Benjamin can be credited with reworking the notion of messianism in an attempt to actualize its political and ethical significance, in an offensive perspective vis‑à-vis the political. The aim here is to deepen the dialogue between these two authors on the question of ethical messianism to find a possible renewal of revolutionary thought, but also to question revolutionary violence and to sketch out a reflection on the idea of ethical and messianic community.