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Working on a concept branded by Willem van Schendel, James Scott proposed in a 2009 essay a new and provocative view of the isolated societies that survived for a long time in the fringes of Himalayan and Southeast Asia, which could have formed a distinct region named Zomia. According to him, those populations were not the remnants of uncivilized tribes, as they have often been viewed in history, but peoples who had deliberately chosen to flee the domination of central states. But, for Scott, the conditions that made their independence and resilience possible vanished during the 1950ies, when technology made access to their regions easier. In this text, I argue that if we are seeing today an apparent domination of central states, which now cover the world continuously, geographical marginality engrained in the concept of Zomia remains hidden within their borders, often in the form of sparsely populated areas. These potentially constitute contemporary Zomias, which may have been internalized within the states, but still respond to a number of Scott’s postulates. Le concept de Zomia a été proposé par Willem van Schendel pour désigner une région montagneuse située en périphérie de l’Asie du Sud-Est et de l’Himalaya, restée à l’écart des grands empires. Reprenant cette idée, James Scott a proposé une théorie selon laquelle ces populations ne correspondraient pas à des tribus sans civilisation mais à des peuples qui auraient délibérément cherché à maintenir leur indépendance vis-à-vis des États centraux. Pour lui, les conditions de cette indépendance auraient disparu dans les années 1950, quand la technologie a rendu l’accès à ces zones plus facile. Dans cet article, je propose l’idée que si les États centraux couvrent aujourd’hui l’ensemble de la planète sans espaces entre eux, la marginalité géographique que désigne le concept de Zomia n’a pas disparu. Elle se maintient à l’intérieur de leurs frontières, souvent sous la forme de régions faiblement peuplées qui constituent autant de Zomias de l’intérieur, conservant un grand nombre des caractéristiques proposées par Scott.

Les grands espaces, ou régions faiblement peuplées, se distinguent par une série de caractéristiques spécifiques et notamment par un contrôle incomplet de la part des États. Cela ouvre des brèches pour l’exercice de pratiques qui, si elles sont ou illégales ou à la limite de la légalité, apportent des ressources économiques, des connaissances sur les territoires concernés et participent finalement à la domination, voire à la conquête des zones concernées par les États. Bien qu’invisibles ou réprimées, ces activités informelles influencent donc, directement ou indirectement, la construction officielle, symbolique et matérielle du territoire. Cet article analyse la pratique de l’orpaillage en Guyane selon cette perspective. En analysant le jeu dialectique entre contrôle formel du territoire et exploitation informelle des ressources, il met en relief la contribution des activités informelles à l’exploration, à la formation des frontières et à la gouvernance de l’intérieur de ce territoire français d’Amérique du sud. Sparsely populated areas are often characterized by incomplete territorial control by governments. This creates opportunities for informal and/or illegal activities, which can lead to the economic exploitation of the territories, paving the way for political domination or territorial conquest. Although these activities may not be officially recognized or accepted, they play a significant role in the symbolic, material, and economic construction of sparsely populated territories. This paper examines the case of informal gold mining in the interior of French Guiana, an overseas territory of France, through this perspective. Based on a detailed analysis of the interplay between formal territorial control by the government and informal exploration of natural resources by wildcat actors, it highlights the ways in which informal activities can shape the development and governance of these territories. Los grandes espacios, o regiones escasamente pobladas, se distinguen por una serie de especificidades y en particular por un control parcial por parte de los Estados. Lo anterior permite el ejercicio de prácticas ilegales o que bordean el límite. Además, tales actividades generan recursos económicos, conocimientos en los territorios donde se emplazan y propician la dominación, o incluso conquista de las áreas que deberían estar bajo el alero del Estado. Invisibles o reprimidas, estas actividades informales influyen, directa o indirectamente, en la construcción oficial, simbólica y material del territorio. En tal línea, este artículo analiza la práctica de la explotación de oro en la Guyana desde esta perspectiva. Analizando el juego dialéctico entre el control formal del territorio y la explotación informal de los recursos, se pone en manifiesto la contribución de las actividades informales en la exploración, una formación de fronteras y la gobernanza en este territorio francés de Sudamérica.

International audience; Sparsely populated areas are often characterized by incomplete territorial control by governments. This creates opportunities for informal and/or illegal activities, which can lead to the economic exploitation of the territories, paving the way for political domination or territorial conquest. Although these activities may not be officially recognized or accepted, they play a significant role in the symbolic, material, and economic construction of sparsely populated territories. This paper examines the case of informal gold mining in the interior of French Guiana, an overseas territory of France, through this perspective. Based on a detailed analysis of the interplay between formal territorial control by the government and informal exploration of natural resources by wildcat actors, it highlights the ways in which informal activities can shape the development and governance of these territories.; Les grands espaces, ou régions faiblement peuplées, se distinguent par une série de caractéristiques spécifiques et notamment par un contrôle incomplet de la part des États. Cela ouvre des brèches pour l’exercice de pratiques qui, si elles sont ou illégales ou à la limite de la légalité, apportent des ressources économiques, des connaissances sur les territoires concernés et participent finalement à la domination, voire à la conquête des zones concernées par les États. Bien qu’invisibles ou réprimées, ces activités informelles influencent donc, directement ou indirectement, la construction officielle, symbolique et matérielle du territoire. Cet article analyse la pratique de l’orpaillage en Guyane selon cette perspective. En analysant le jeu dialectique entre contrôle formel du territoire et exploitation informelle des ressources, il met en relief la contribution des activités informelles à l’exploration, à la formation des frontières et à la gouvernance de l’intérieur de ce territoire français d’Amérique du sud.

Il peut paraître paradoxal de s’intéresser aux espaces faiblement peuplés quand la planète a largement dépassé les sept milliards d’êtres humains et quand les diverses projections annoncent neuf milliards entre 2050 et 2100. Pourtant, la croissance démographique se double d’un phénomène de concentration dans les villes et les métropoles. Dès lors, même si le monde compte de plus en plus d’habitantes et d’habitants, les espaces faiblement peuplés restent extrêmement vastes. Mieux, dans de nomb...

Philosophie, sociologie, anthropologie, études littéraires, linguistique, histoire, géographie, psychologie, musicologie, esthétique, histoire de l’art, économie, sciences politiques, droit, archéologie… : les disciplines couvertes par les sciences humaines et sociales sont vastes et variées. À toutes incombent d’analyser, comprendre, décrire le monde et la façon dont les hommes, les femmes et plus largement le vivant l’ont habité, l’habitent et l’habiteront. Toutes partagent une réflexion sur un sujet rendu majeur par la crise environnementale, les bouleversements numériques, les inégalités sociales et les conflits : comment faire « monde commun », pour reprendre la formule de Hannah Arendt ? L’ouvrage propose une centaine de contributions portant sur des questions contemporaines, qui font écho aux objectifs de développement durable identifiés par l’Organisation des Nations unies (la réduction de la pauvreté, des inégalités éducatives, la protection de la planète, etc.) et explorent la manière dont la recherche actuelle en sciences humaines et sociales y répond. Méthodes, hypothèses et théorisations, mesures et approches ethnographiques, analyses et exégèses constituent autant d’outils permettant aux lecteurs de penser, d’habiter, de réparer ou de transformer nos univers communs. Un ouvrage richement illustré qui incarne une communauté de recherche dans toute sa diversité.

La pandémie de Covid-19 a bouleversé les Amériques qui étaient, à l’automne 2021, le continent le plus touché au monde. Pourquoi ? Rétrospectivement, le continent américain présente plusieurs vulnérabilités : des inégalités économiques abyssales, un travail informel très important, une grande ouverture économique et culturelle sur les autres continents qui impliquent des mouvements intenses, notamment de personnes, ou encore la présence au pouvoir de régimes populistes peu enclins à prendre des mesures draconiennes. Les conséquences de la pandémie sur les sociétés américaines sont, elles aussi, profondes, parce qu’elles réactivent des lignes de fractures anciennes ou parce qu’elles font émerger de nouvelles configurations politiques ou sociales. Analyser un phénomène alors qu’il est encore en train de se dérouler, sans le recul dont on peut disposer une fois qu’on en connaît toutes les conséquences, est un exercice périlleux, mais néanmoins indispensable et attendu, en période de crise, de la part des praticiens des sciences sociales. C’est à cet exercice que se sont risqués les auteurs des douze contributions de cet ouvrage. Celui-ci ne cherche pas à tracer un tableau exhaustif de la pandémie sur le continent américain, mais à montrer comment certaines situations ou certaines thématiques se sont trouvées affectées par une réalité qui a pris tout le monde à l’improviste. Cet exercice de sciences sociales « à chaud » propose des éclairages importants à l’heure où tous les pays du monde cherchent à évaluer comment et combien la pandémie les a transformés.