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The Justice and Development Party [Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP], which emerged from the Turkish political Islam in 2002, has aroused the interest of international observers through an active foreign policy. While this seems to be consistent, it also underwent many changes between 2002 and 2016. The AKP's strategic and diplomatic vision derives from past government experiences, the conservative ideologies that marked the country in the 20th century and the thoughts of several intellectuals, with Ahmet Davutoğlu, advisor to the Prime Minister and later Minister of Foreign Affairs (2009-2014) being the most influential of them. The first mandate of the AKP (2002-2007) witnessed a series of strategic options being explored within the party. This was followed by the establishment of a doctrine based on a few major principles, such as the pacification of neighbourly relations, pro-active diplomacy and the use of all the tools at hand to influence the regional and subsequently the global level. The objective was to put Turkey at the heart of local trade, using its growing influence in the Middle East to influence its international partners. The Arab revolutions of 2011 pushed the AKP to rethink its doctrine. The country yearns now for being an example within which traditional values and conservative democracy can coexist, as well as support from the Muslim Brotherhood, which brings this vision to the Arab world. But in 2013, several crises weakened this vision and forced Turkey to renounce the doctrine developed by the AKP., Issu de l’islam politique turc, le Parti de la Justice et du Développement [Adalet ve Kalkınma Partisi, AKP], arrivé au pouvoir en 2002, a suscité l’intérêt des observateurs internationaux par une politique étrangère active. Si celle-ci semble répondre à une certaine cohérence, elle a aussi connu, entre 2002 et 2016, de nombreuses évolutions. L’AKP tire sa vision stratégique et diplomatique des expériences de gouvernement antérieures, des idéologies conservatrices qui ont marqué le pays au XXe siècle et de la pensée de plusieurs intellectuels, dont le plus influent est Ahmet Davutoğlu, conseiller du Premier ministre puis ministre des Affaires étrangères (2009-2014). Le premier mandat de l’AKP (2002-2007) voit ce parti explorer différentes options stratégiques. Puis se met en place une doctrine qui s’appuie sur quelques grands principes, comme la pacification des relations de voisinage, une diplomatie pro-active et l’utilisation de tous les outils à disposition pour rayonner à l’échelle régionale puis globale. L’objectif est de mettre la Turquie au cœur des échanges commerciaux locaux, en s’appuyant sur son influence grandissante au Moyen-Orient pour peser auprès de ses partenaires internationaux. Les révolutions arabes de 2011 poussent l’AKP à repenser sa doctrine. Le pays se veut désormais un exemple au sein duquel valeurs traditionnelles et démocratie conservatrice peuvent cohabiter, ainsi qu’un soutien des Frères Musulmans, qui portent cette vision dans le monde arabe. Mais en 2013, plusieurs crises fragilisent cette vision et poussent la Turquie à renoncer à la doctrine élaborée par l’AKP.

International audience

International audience

It is widely acknowledged that over the past decade, Turkey's foreign policy has undergone profound transformations, so that a lot of people use to talk about the "new Turkish foreign policy." The coming to power of the AKP has resulted in profound foreign policy changes, but these changes were probably miscalculated. In 2010, one of the most popular themes of international experts conferences on Turkey could be summarized by the famous controversy: " Is the Turkish foreign policy changing its axis and turning East? " Today, since Ankara facing the Syrian crisis argues its NATO membership and is found on close positions to those of its Western allies, similar debates wonder whether Turkey is back to the West? Time and the "Arab Spring" have not yet cleared the substantive changes experienced by the Turkish foreign policy, they simply allowed us to understand that they were not quite those we originally thought..., Tout le monde reconnaît qu'au cours de la décennie écoulée, la politique étrangère de la Turquie a connu de profondes transformations, au point qu'on a pris l'habitude de parler de " nouvelle politique étrangère turque ". L'arrivée au pouvoir de l'AKP a bien entrainé de profonds changements en matière de politique étrangère, mais ces changements ont probablement été mal évalués. En 2010, l'un des thèmes les plus prisées des conférences d'experts internationaux sur la Turquie pouvait être résumé par la question devenue célèbre : " La politique étrangère turque n'est-elle pas en train de changer d'axe et de se tourner vers l'Est ? " Aujourd'hui, alors qu'Ankara aux prises avec la crise syrienne, fait valoir sa qualité de membre de l'OTAN et se retrouve sur des positions voisines de celles de ses alliés occidentaux, des débats similaires se demandent si la Turquie n'est pas de retour à l'Ouest ? Le temps et les " printemps arabes " n'ont pourtant pas effacé les changements de fond vécus par la politique étrangère turque, ils nous ont simplement permis de comprendre que ces derniers n'étaient pas tout à fait ceux que l'on pensait initialement...

The rupture between Turkey and the Arab world has been the most obvious during the Cold War. The AKP government, in power since 2002, has pursued in the Arab world an active policy of economic openness, political mediation and soft power. Especially after 2007, in 2009-2010, the policy of "zero problems with neighbors" is deployed toward Iraq, but especially Syria. The "Arab Springs" brutally questioned this policy, and strongly reduced the ability of regional influence of Turkey. The Syrian crisis, the return of the Egyptian diplomacy, the activism of Qatar, tensions with Iran, Russia and Israel: all of which forced Ankara to follow more than to control the movement. The outcome of the Syrian crisis will obviously be decisive for the need to redefine the regional Arab policy of Ankara., Résumé: C'est pendant la Guerre froide que la rupture entre la Turquie et le monde arabe aura été la plus évidente. Le gouvernement de l'AKP, au pouvoir depuis 2002, a mené une politique d'ouverture économique, de médiation politique et de soft power active en direction du monde arabe. C'est surtout après 2007, en 2009-2010, que la politique de " Zéro problème avec les voisins " s'est déployée en direction de l'Irak, mais surtout de la Syrie. Les " printemps arabes " ont brutalement remis en cause cette politique, et fortement réduit la capacité d'influence régionale de la Turquie. La crise syrienne, le retour de la diplomatie égyptienne, l'activisme du Qatar, les tensions avec l'Iran, la Russie et Israël: autant d'éléments qui contraignent Ankara à subir le mouvement plus qu'à le maîtriser. L'issue de la crise syrienne sera évidemment décisive pour la nécessaire redéfinition de la politique régionale arabe d'Ankara.

L'un des aspects les plus significatifs de ce que l'on se plait désormais à appeler la "nouvelle politique étrangère turque" concerne sans aucun doute le développement des relations de la Turquie avec les pays arabes. Cette orientation ne s'est pleinement affirmée qu' au cours de la seconde législature de l'AKP et s'est surtout accentuée après l'arrivée d'Ahmet Davutoğlu à la tête du ministère turc des affaires étrangères, en mai 2009. Ce réinvestissement turc du monde arabe est apparu à bien des observateurs comme la conséquence logique de l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement issu de la mouvance islamiste. Pourtant, si des liens existent indubitablement entre les orientations idéologiques de l'AKP et les priorités de sa diplomatie, on ne saurait y voir l'unique explication de l'intérêt que manifeste ce pays à l'égard du monde arabe. Au cours des deux dernières décennies, la fin du monde bipolaire a provoqué un changement des rapports de force au Proche-Orient, tandis que la Turquie connaissait une profonde transformation de son économie et de sa société. Ces éléments entrent aussi en ligne de compte, lorsqu'on cherche à expliquer les évolutions diplomatiques turques contemporaines. Cet article examine quelle place la nouvelle politique étrangère turque accorde au monde arabe avant et après le printemps arabe.

International audience

National audience; Les relations inédites que la Turquie s'est attachée à développer avec ses voisins au cours des dernières années constituent une dimension très révélatrice de la nouvelle politique étrangère turque. En effet, pendant toute la période de la guerre froide et jusqu'à très récemment, ce pays, qui a des liens privilégiés avec l'Europe et les Etats-Unis, paraissait en froid avec son voisinage immédiat. Rival de la Grèce du fait d'un différend avivé après la Seconde guerre mondiale par la situation chypriote, coupé des Balkans, de la Russie et du Caucase dans le contexte de la Guerre froide, il entretenait également des rapports difficiles voire exécrables avec ses voisins musulmans (Iran, Irak, Syrie). Cette situation tendait à l'isoler de son environnement régional, et lui valait la méfiance de ses voisins qui le soupçonnaient même, on s'en souvient, d'être le cheval de Troie de Washington au Moyen-Orient. Or, c'est aujourd'hui dans son étranger proche que la Turquie de l'AKP entend donner corps à ses nouvelles orientations diplomatiques. Sous l'impulsion d'Ahmet Davutoğlu, dont l'arrivée à la tête du ministère des affaires étrangères en 2009 a confirmé l'influence, ce pays estime désormais qu'il doit s'employer à accroître sa "profondeur stratégique", en favorisant l'établissement d'une stabilité régionale lui permettant de tirer parti de sa position géographique privilégiée, au carrefour du Caucase, des Balkans, et du Moyen-Orient. Cette doctrine du " zéro problème avec nos voisins " se veut ainsi le soubassement d'une diplomatie nouvelle qui ne prétend pas renier pour autant ses engagements à l'égard de ses alliés occidentaux.