Si l’on s’en tient aux chiffres de la vaccination contre la COVID-19 dans les pays du G7, la campagne apparaît comme un véritable succès tant au niveau global qu’au niveau national. En effet, à ce jour, 79,4 % de la population totale des pays du G7 a reçu une première dose, 72,9 % une seconde, et 45,4 % une dose de rappel (données du 28 avril 2022) 1 En France, c’est 80,6 % de la population totale qui a reçu une première dose, 78,2 % qui a reçu deux doses, et 55,4 % qui a reçu un rappel (données du 28 avril 2022).2 Au Royaume-Uni, 79,3 % de la population totale a reçu une première dose, 74,1 % une seconde, et 58,5 % un rappel.1 Enfin, en Italie, 85,2 % de la population totale a reçu une première dose, 80,4 % a reçu deux doses et 66,5 % a reçu leurs rappels (données du 28 avril 2022). Ces taux de vaccination élevés masquent pourtant des disparités importantes à l’intérieur de chaque pays. Ainsi, à Marseille, deuxième ville de France, moins de 50 % des habitants des quartiers nord de la ville étaient vaccinés à la fin de l’année 2021, alors que plus de 70 % des habitants des quartiers sud l’étaient au même moment.3 Dans le quartier populaire de Ealing, situé au nord-ouest de Londres, 70 % de la population admissible avait reçu une première dose, soit près de 10 % de moins que la moyenne nationale. 4 (Données du 4 avril 2022). Des disparités similaires ont été observées dans d’autres métropoles urbaines des pays du G7. Ce document examine ces disparités au prisme de la notion d’« (in)égalité vaccinale ». En s’appuyant sur des recherches qualitatives menées pendant la campagne de vaccination de la COVID-19 dans les quartiers nord de Marseille, le quartier de Ealing à Londres (Nord-ouest) et dans la région de l'Émilie-Romagne et à Rome, en Italie, il montre comment les autorités locales peuvent agir pour atténuer ces inégalités. Mieux comprendre les inégalités en matière de vaccins fut primordial lors de la pandémie de la COVID-19 en ce sens que les populations sous-vaccinées étaient la plupart du temps des minorités ethniques ou culturelles, vivant dans des zones défavorisées, ou sans-papiers, donc plus susceptibles de contracter la COVID-19, et d’en subir les conséquences les plus dramatiques. 5 6 7 8 Ainsi, à Ealing, quatre mois après la campagne de vaccination, seulement 57,6% des personnes dans le décile de pauvreté le plus bas avaient reçu une dose, contre 81% des personnes dans le décile le plus aisé. 9 En outre, 89,2 % des résidents britanniques blancs de Ealing étaient vaccinés, contre 64 % des Pakistanais et 49,3 % des habitants issus des Caraïbes.9 À Rome, comme c’est le cas dans d’autres métropoles urbaines des pays du G7, nos données révèlent des disparités particulières importantes entre le recours aux vaccins des populations sans papiers et celui des citoyens établis. Les facteurs d’inégalité vaccinale dans ces environnements urbains sont complexes et liés à l’interaction de nombreux phénomènes tels que les inégalités économiques, le racisme structurel, l'inégalité d'accès aux soins de santé, la méfiance envers les professionnels de santé, les représentants de l'État, et plus encore. Les collectivités locales tout comme les professionnels de la santé, les groupes communautaires et les résidents jouent un rôle clé dans la manière dont s’exprime l’(in)égalité vaccinale. Pour autant, peu de leçons ont été systématiquement tirées des efforts menés en matière d’ «engagement vaccinal » au niveau local. Dans ce document, nous proposons d’expliquer comment l’expérience des inégalités structurelles se recoupe avec celle des habitants, et comment ces expériences ont été prises en compte ou au contraire ignorées dans la promotion et l’administration des vaccins contre la COVID-19 par les collectivités locales. Nous adressons également un ensemble de recommandations qui s’appliquent aux programmes de « vaccination de rattrapage » contre la COVID-19 (visant à atteindre les personnes qui n’ont pas encore reçu leur schéma vaccinal complet), mais elles concernent également les programmes de vaccination d'urgence à venir. Ce document repose sur des recherches menées entre octobre et décembre 2021 à Marseille et sur des échanges réguliers avec les autorités du Borough de Ealing initiés dès mai 2021. Il identifie comment les gouvernements locaux, les acteurs de la santé, les groupes communautaires et les résidents jouent un rôle clé dans la production d’(in)égalités vaccinales. Ce document a été élaboré pour la SSHAP par Santiago Ripoll (IDS), Tavitha Hrynick (IDS), Ashley Ouvrier (LaSSA), Megan Schmidt-Sane (IDS), Federico Federici (UCL) et Elizabeth Storer (LSE). Il a été revu par Eloisa Franchi (Université de Pavie) et Ellen Schwartz (Conseil de santé publique de Hackney). La recherche a été financée par la British Academy COVID-19 Recovery : Fonds G7 (COVG7210038). Les recherches ont été menées à l’Institut d’études du développement (IDS), à l’Université de Sussex et au Laboratoire des sciences sociales appliquées (LaSSA). La SSHAP en assume la responsabilité.