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En 2019, le prix de la Sveriges Riksbank en sciences économiques en Mémoire d’Alfred Nobel était décerné à trois des principaux promoteurs des expérimentations aléatoires (Randomized Controlled Trials – RCT), pour leur contribution essentielle à la lutte contre la pauvreté. Utilisée de longue date en médecine, l’expérimentation devient aujourd’hui la référence dans le champ des politiques économiques et sociales. Cette suprématie est-elle scientifiquement légitime, éthiquement satisfaisante et politiquement désirable ? Les RCT ont-elles réellement « considérablement amélioré notre capacité à combattre la pauvreté », dont la pandémie de Covid-19 a encore accru l’urgence ? À quelles questions permettent-elles de répondre et quelles autres sont laissées de côté ? Cet ouvrage de référence réunit 26 spécialistes mondiaux sur ce thème (y compris deux éminents lauréats du prix Nobel d’économie), issus d’origines différentes et d’un large spectre de disciplines (économie, statistique, anthropologie, philosophie, santé publique, etc.). Il présente, dans un langage accessible à tous, les principales forces et faiblesses des RCT dans le champ du développement : comment elles fonctionnent, ce qu’on peut en attendre, pourquoi parfois elles échouent, comment elles pourraient être améliorées, et pourquoi d’autres méthodes sont à la fois utiles et nécessaires.

Ce chapitre présente les débats autour des expérimentations randomisées dans le secteur de l’eau, de l’assainissement et de l’hygiène (Water, Sanitation and Hygiene – WASH), et en tire des enseignements pour les politiques de développement en général. L’assainissement est un cas intéressant, d’une part parce que l’amélioration des systèmes sanitaires est largement reconnue comme un élément essentiel du processus de développement, d’autre part car les interventions dans le secteur WASH sont souvent moins adaptées aux expérimentations randomisées que d’autres sujets appartenant aux sciences de la santé ou à l’économie du développement. Le présent chapitre traite d’une série récente d’évaluations randomisées qui, loin de régler définitivement les questions importantes des politiques d’assainissement en milieu rural, ont ravivé la confusion et le débat dans ce domaine. En effet, même des interventions sanitaires parfaitement conçues et mises en œuvre peuvent produire des effets qui diffèrent de l’une à l’autre ou en fonction des différents contextes, et les faits et théories issus de sources autres que les RCT sont nécessaires (en complément de celles-ci) pour apporter des réponses complètes et opportunes aux problématiques des politiques d’assainissement. Enfin, nous argumentons en faveur d’un recours accru aux RCT dans le secteur WASH sur un point qu’elles pourraient permettre d’éclairer en particulier : répondre à des questions concernant les comportements, plutôt que la santé elle-même.