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Résumé : À partir d’une enquête ethnographique conduite auprès de partisans du Hezbollah dans un village du Liban-Sud, cet article questionne le travail de cadrage de la cause palestinienne par le Hezbollah libanais. Je montre que l’alignement de cadres autour de la sacralisation de la cause palestinienne a permis de désactiver les oppositions suscitées notamment par l’histoire de la présence palestinienne au Liban, avant d’interroger les transformations des imaginaires politiques suscitées dans la société partisane du Hezbollah par son engagement dans la guerre en Syrie. Building on an ethnographic study of Hizbullah’s activists in a village in South Lebanon, this article explores how Lebanese Hizbullah has framed its commitment to the Palestinian cause. I show how the sacralization of the cause was meant to defuse the hostility generated by the oftentimes tense relationship between Lebanese and Palestinian inhabitants of the South. I then question how Hizbullah’s military mobilization in the war in Syria disrupted this framing process.

Le communisme et l’islam politique chiite dans le monde arabe ne partagent pas les mêmes présupposés idéologiques, mais une série de greffes et d’empreintes successives, notamment en Irak et au Liban, leur donne parfois un air de famille. Trois séquences historiques distinctes se dessinent. À partir des années 1950, des partis communistes se greffent sur des communautés chiites marginalisées : l’appel révolutionnaire du marxisme et de la lutte des classes fait pratiquement écho au millénarisme chiite. Avec les effets de la révolution iranienne de 1979 sur le monde arabe, la dynamique s’inverse : la tonalité anti-impérialiste et eschatologique venue de Téhéran fascine les gauches marxisantes. Elle encourage des conversions à l’islam politique. La troisième séquence s’ouvre avec les années 1990 ; depuis, le communisme arabe a un usage politique du chiisme, mais qui n’est pas religieux. En se plaçant du côté de Téhéran et du Hezbollah libanais, les gauches marxisantes tentent de réenchanter une vision tiers-mondiste du politique. Mais, à l’instar de l’islam politique chiite, elles ont pour le moment abandonné tout horizon révolutionnaire. Communism and Shia political Islam in the Arab world do not share the same ideological assumptions ; however, they do bear family resemblances, due to their historical relationship – particularly in Iraq and Lebanon – which can be broken down to three time sequences. From the 1950s, communist parties are anchored in marginalized Shia communities : the revolutionary narrative of Marxism and class struggle echoes Shia messianism. In the aftermath of the 1979 Iranian revolution, the dynamic is reversed : the anti-imperialist and eschatological narrative coming from Teheran fascinates the Marxist lefts, and encourages conversions to political Islam. The third sequence opens in the nineties, with the end of the Cold War : since then, Arab communists have displayed a political use of Shiism, that is not religious. By supporting Teheran and the Lebanese Hezbollah, some Arab Marxist activists try to reactivate a neo-thirld-worldist political worldview. Nevertheless, as have the proponents of Shia political Islam, they have abandoned for the moment any revolutionary aspirations.

Cet article s’intéresse à la participation à la sphère publique du mouvement sadriste en Irak. Il expose la façon dont l’articulation entre la sphère publique comme espace particulier de l’activité sociale, et les pratiques sociales des sadristes « ordinaires » et de leurs leaders politiques et religieux, a façonné un processus de sécularisation des pratiques politiques du mouvement. Dans le même temps, ce processus de sécularisation continue d’être freiné par l’usage messianique que font les sadristes de l’autorité religieuse, et par leur manque de professionnalisation politique. La contestation de ce processus s’insère dans une lutte idéologique plus large entre les niveaux militant et clérical du mouvement. L’article lie cette lutte à une différenciation structurelle interne qui voit le mouvement sadriste partagé sur des lignes sectorielles de plus en plus clivantes. Cette division contribue à consolider l’hétérogénéité idéologique du mouvement, qui reflète une distinction dans les vocations des acteurs engagés dans diverses formes de militantisme politique et celles des acteurs dont les pratiques relèvent d’abord du champ religieux. This paper analyses the participation of Iraq’s Sadrist movement in the public sphere. It reveals how a secularisation of the movement’s political practices has been shaped by the interaction of the social practices of ordinary Sadrists and their political and religious leaders with Iraqi political public space as a particular context for social action. At the same time, this secularizing process is in tension with the Sadrists’ messianic mode of religious authority and the movement's distorted process of political professionalisation. The contestation of this secularising process is also linked to a wider ideological struggle between the political activist and clerical strata of the movement. This struggle relates to a factor of internal structural differentiation as the Sadrist movement became distributed across increasingly distinct sectoral boundaries. Consequently, greater ideological heterogeneity has emerged within the movement, reflecting the distinct vocations of those engaged in forms of political activism, and those whose practices belong primarily to the religious field.

Nadjaf, ville située à 160 km au sud de la capitale irakienne Bagdad, tient une place très importante comme ville de pèlerinage et lieu de départ de la principale procession chiite annuelle. En outre, sa fonction de pèlerinage dévotionnel se complète doublement, d’une part, par ce qu’il convient d’appeler de longs « pèlerinages théologiques » et, d’autre part, par un dernier pèlerinage post mortem de la dépouille des croyants. Najaf, a city located 160 km south of the Iraqi capital Baghdad, plays a very important role as a pilgrimage city and the starting point of the main annual Shiite procession. In addition, its function as a devotional pilgrimage is complemented doubly, on the one hand, by what is known as long "theological pilgrimages" and, on the other hand, by a final post-mortem pilgrimage of the remains of believers.

Installation audiovisuelle présentée sur trois écrans, Looking at Tazieh (2005, 80 mn), du cinéaste iranien Abbas Kiarostami, demeure avant toute chose une expérience spectatorielle qui interroge notre statut de spectateur à la faveur d’un dispositif complexe et dans le même temps très transparent. Avec malice et une pointe d’insubordination, le cinéaste parvient à décliner toute la richesse et la profondeur du drame de Hossein assassiné à Kerbala en 680. Rituel et cathartique, le Tazieh imaginé par Kiarostami ne saurait néanmoins se réduire à la seule dimension religieuse, malgré toute l’importance que celle-ci revêt. Plus qu’une simple tragédie, son Looking at Tazieh demeure en effet une réflexion exceptionnelle sur la question de la subjectivité en art, face à l’écran de l’Histoire pris dans le miroir des religions., Ragel Philippe. Looking at Tazieh : retour aux origines. In: Horizons Maghrébins - Le droit à la mémoire, N°58, 2008. Le théâtre arabe au miroir de lui-même - Œuvres de l’artiste marocain Hassan Bourkia et texte du romancier et critique d’art Edmond Amran El Maleh. pp. 166-174.

International audience; Research has been conducted on female activists of the suburbs of Beirut but nothing has been done on the women of South Lebanon, a rural region in direct contact with the Israeli occupation. The women I met introduce themselves as women, Muslims and from South Lebanon: these three parameters are equally important in their discourse. They use the 'talkin muslim' (le 'parler musul-man') in their daily life to build a position different from the one of their mothers'. They invoke characters of Shiite history as much as the contemporary leaders. In doing so, they elaborate an image of what they call their jihad, a complementary of men's articulation of that concept. They claim a certain independence in their professional life while subscribing to certain traditional practices concerning the division of roles at home.; Des travaux ont été menés sur des militantes de la banlieue de Beyrouth mais rien n'a été fait sur les femmes du Liban Sud, région rurale en contact direct avec l'occupation israélienne. Les femmes rencontrées se présentent à la fois comme femmes, musulmanes et du Liban Sud, ces trois niveaux d'appartenance étant aussi importants dans leurs discours. Elles emploient le « parler musulman » au quotidien pour se faire une place qui n'est pas celle de leurs mères, convoquant des personnages de l'histoire chiite comme les leaders contemporains. Elles élabo-rent ainsi une image de ce qu'elles appellent leur jihâd, complémentaire de celui des hommes. Elles revendiquent une certaine indépendance tout en adhérant à certains schémas traditionnels concernant le partage des rôles au sein du foyer.

International audience; Au-delà du mythe qui auréole ce personnage charismatique, l'itinéraire de Mûsâ Sadr est retracé, depuis sa double formation, en économie et en sciences religieuses, en Iran, jusqu'à sa disparition, en Libye, en 1978. Ce sont surtout son magistère religieux et sa carrière politique qui font l'objet de ce chapitre où l'on voit comment une situation politique et sociale exceptionnelle, au Liban, fit de lui un homme hors du commun, qui sut mobiliser les foules de manière novatrice.L'héritage de Mûsâ al-Sadr est aujourd'hui revendiqué par toutes les formations chiites et c'est une figure de l'histoire du Liban contemporain.

International audience; Ce livre est consacré au réformisme des clercs chiites du Jabal 'Âmil à la fin de l'Empire ottoman et pendant la formation de l'Etat libanais (1880-1943). La région constitue une pépinière de clercs imamites et les hommes dont ce livre retrace le magistère sont des ulama, mais aussi des lettrés. Par l'analyse de leurs oeuvres et de leurs actes, leur milieu est reconstitué avec les liens qui cimentent le groupe et ses relations avec d'autres acteurs sociaux. La toile de fond de ce livre est surtout celle du chaos provoqué par la fin de l'Empire ottoman, la confusion suscitée par la première guerre mondiale, le désarroi lors de l'établissement du mandat français puis la création de l'Etat libanais moderne. Les thématiques traitées, sous l'angle du réformisme, vont de l'éducation des enfants au nationalisme, en passant par la formation des clercs, la critique de certaines pratiques rituelles de Achoura, les efforts de rapprochement avec les autres branches de l'islam et les polémiques qu'ils induisirent, l'écriture de l'histoire. Au bout du compte, c'est la manière dont la communauté religieuse chiite fut imaginée, au sein du Liban, par ces oulémas et ces lettrés, qui se dessine.

Réédition mise à jour d'un article paru dans Studia Islamica, 81/1, 1995, pp. 165-185. http://www.jstor.org/stable/1596024; International audience; The article recalls the story of Najaf as a center of knowledge, retraces the history of great scholars who have marked the hawza. It describes the methods of transmission of knowledge, the religious sciences taught, the links that are woven between teachers and disciples, the studious atmosphere of the city. The teaching is divided into three cycles, the final objective being the mastery of ijtihâd. The list of the principal books studied is provided.; L'article rappelle l'histoire de Najaf comme foyer de savoir, retrace le parcours de grands savants qui ont marqué la hawza. Il décrit les modalités de transmission du savoir, les sciences religieuses enseignées, les liens qui se tissent entre les maîtres et les disciples, l'ambiance studieuse de la ville. L'enseignement se divise en trois cycles ayant pour objectif final la maîtrise de l'ijtihâd. La liste des principaux ouvrages étudiés est fournie.