L’Unesco, c’est-à-dire l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, mise notoirement sur le tourisme, depuis quelques années, pour promouvoir et soutenir le patrimoine. Sous cet angle, en effet, et bien que certains arguent maintenant que « le meilleur moyen d’éviter de transformer les églises en condos est de les ouvrir aux touristes » (Désiront, 2005 : F4), rien ne semble gagné. Tandis que de nombreux édifices ecclésiaux ont mérité une place de choix dans les corpus nationaux des biens culturels « protégés » – les seules églises catholiques comptent pour un peu plus de 10 % des monuments classés du Québec, par exemple –, il se trouve des citoyens pour prétendre que « le vrai patrimoine à sauver ce n’est pas tant des pierres à conserver mais des édifices qui servent à l’expression de la foi d’une communauté de croyants » (East, 2005 : A19). On comprend alors que le touriste n’est guère bienvenu dans ce « patrimoine » –, si, encore, patrimoine il y a. Pourtant, quelle que soit l’improbabilité de la sauvegarde, l’affirmation contient plus qu’il n’y paraît quant au destin des églises, pour peu qu’on y décode les implications interreliées du tourisme, du patrimoine et de la religion. Observons d’emblée qu’elle n’est pas dépourvue de raison. La proclamation de désuétude qui affleure dans l’intention patrimoniale s’impose d’autant plus dans le débat que la désaffectation de la fonction religieuse se révèle, partout et chaque jour, de plus en plus évidente. Au terme de notre réflexion sur les relations de la religion, du tourisme et du patrimoine, on entrevoit au moins dans cette désagrégation des caractéristiques historiques de ladite société des raisons pour lesquelles les musées cherchent à ne plus avoir ressemblé à des musées, les orchestres symphoniques à jouer des pièces populaires et les églises à ne plus avoir l’air religieux. Or, quel pourrait bien être, au titre de patrimoine, voire même de « patrimoine religieux », l’intérêt d’une église qui serait dépouillée de tels attributs et dont ceux de « gothique » ou de « Renaissance » qui abondaient jadis dans les guides touristiques (« l’architecture gothique perpendiculaire » [Gilbert Gérard, 1868 : 26] de Notre-Dame de Montréal, par exemple) ne résonnent plus d’aucune signification ? Le culte, c’est une « admiration mêlée de vénération que l’on voue à quelque chose » ; étymologiquement, le mot nous vient du latin cultus, participe passé de colère, c’est-à-dire adorer et, plus précisément, adoré. C’est le lieu ou l’objet qu’on adore, comme médiateur de la transcendance ; sans quelque sens partagé, sans capacité ou désir collectif de dépasser l’ordre des réalités déterminées, ou lorsque, dans le big bang patrimonial, par exemple, l’« hors du commun » devient, justement, ordinaire, le patrimoine, tout comme la religion à ce qu’il semble, s’éteint. Pour se déplacer, c’est-à-dire pour survivre, le tourisme devra trouver autre chose.