Résumé Objectifs Il s’agit de reprendre la question du diagnostic « démence type Alzheimer », et de mettre en lumière les limites de cette catégorisation nosographique, voire son inconsistance. L’objectif est de dévoiler le paradoxe existant de fait avec les recommandations des autorités de santé, notamment les mesures préventives et thérapeutiques, de type stimulation ou rééducation, qui y sont associées. Notre visée est de montrer la place que cela laisse à une clinique du sujet. Méthode Une revue de littérature d’une diversité scientifique – rassemblant les domaines de la sociologie, la psychiatrie, la neuropsychologie, ou les sciences politiques – nous sert à préciser ce que recouvre le concept « maladie d’Alzheimer », tant en ce qui concerne son historique, sa définition médicale, que sa transformation sociale. Résultats Nous relevons que cette dite maladie repose à l’origine non sur une véritable découverte scientifique mais sur une invention nosographique. Une observation de cas paraissant plutôt curieux, dont la spécificité pathologique était mise en doute, voire déniée par Aloïs Alzheimer lui-même, est devenue un siècle plus tard une maladie extrêmement fréquente, aussi perçue comme « la maladie du siècle ». Les incessants changements de définitions au fil des années et des nosographies – dont la distinction avec la démence dite « sénile » a été l’objet de questionnements – ainsi que les critiques de plus en plus nombreuses portant sur les hypothèses au sujet de l’étiologie neurobiologique, soutiennent le constat d’une création nosographique. Les recherches postulant que ce diagnostic est le résultat d’une construction sociale sous-tendue par des logiques économiques et politiques (celles qui désignent Alzheimer comme un « fléau à combattre »), ainsi que par le modèle biomédical de nos sociétés occidentales, vont également en ce sens. C’est par ailleurs dans ce contexte, et seulement depuis la dernière décennie, que l’on voit apparaître une distinction entre différents stades de cette dite maladie, dont le « stade préclinique », asymptomatique, qui étaye la visée de prévention et de dépistage des autorités de santé. Discussion Si la notion de « maladie d’Alzheimer », en tant qu’entité homogène causée par des facteurs moléculaires, commence à être remise en question, cela ouvre la possibilité d’étudier les états hétérogènes se manifestant dans le cadre large du vieillissement cérébral et cognitif. Cela implique également, par conséquent, de réinterroger la différence entre un vieillissement « normal » et « pathologique ». Conclusions « La maladie d’Alzheimer est un mythe ». Voilà ce que laissent transparaître diverses études. Le problème est que ce diagnostic tend à effacer les sujets dans leur singularité. Or, pour l’accompagnement des personnes âgées dans notre société, il s’agit d’un enjeu éthique et déontologique de prendre la mesure de l’incohérence de ces mesures préventives et thérapeutiques, et de pouvoir laisser une place à une clinique du sujet. Aims This paper sets out to review the issue of diagnosis of “Alzheimer-type dementia”, and to cast light on the limitations of this nosographic categorisation, and indeed its lack of substance. The aim is to show the paradoxical aspects of the recommendations of the health authorities, and in particular the preventive and therapeutic recommendations in the areas of stimulation or rehabilitation. The purpose is to show that this leaves room for a clinical approach centering on the subject. Method A broad review of the scientific literature ranging from sociology to psychiatry, neuropsychology and political science, enables a definition of what is covered by the concept “Alzheimer's disease”, at once with regard to its history, its medical definition, and its social history. Results We observe that this “pathology” was originally based not on a genuine scientific discovery, but on a nosographic invention. A rather curious case study, on the subject of which Alois Alzheimer himself expressed doubts as to its pathological specificity, one century later has become an extremely common condition, often viewed as the “disease of our time”. The constant changes in definition across the years and across nosographies – where the distinction with respect to so-called “senile” dementia has been questioned – and increasingly numerous criticisms of the hypotheses of a neurobiological aetiology, are all in favour of a nosographic invention. The research postulating that this diagnosis results from a social construction underpinned by economic and political logics (whereby Alzheimer's disease is seen as a “scourge” to be fought), and by the biomedical model of our Western societies is likewise in favour of this nosographic creation. It is in this setting, and only in the last decade, that we have seen the emergence of definitions of different stages in the disease, including a “pre-clinical”, asymptomatic stage, supporting the screening and prevention strategies of the health authorities. Discussion At a time when the notion of “Alzheimer's disease” as a homogeneous entity caused by molecular factors is beginning to be questioned, there is scope for research on the heterogeneous manifestations occurring in the broad setting of cerebral and cognitive ageing. This implies a reappraisal of what differentiates “normal” from “pathological” ageing. Conclusion “Alzheimer's disease is a myth” – as is suggested by various studies. The problem is that this diagnosis tends to obliterate the singularity of each subject. Yet for the accompaniment of the elderly in our society, the ethical and deontological challenge is to take the full measure of the inadequacy of existing preventive and therapeutic measures, so as to make way for a clinical approach centred on the subject. [ABSTRACT FROM AUTHOR]