Rendre l'universel possible

Poser la question des critères d’extension de l’Europe à un économiste ou à un politique est aisément compréhensible. Quel que soit le caractère controversé de leurs réponses, il s’agira pour eux de définir en opportunité, au regard d’un calcul d’optimisation ou d’utilité au regard des rapports de force existants, les limites d’extension souhaitables de la dynamique européenne. Mais quel est le sens d’une telle question d’un point de vue philosophique ? Une approche philosophique présente-elle un quelconque intérêt autre que purement réflexif ? En définitive, n’est-il pas largement admis que même si notre identité européenne, par la nature universaliste de son idéal humaniste, ne fournit aucun critère substantiel de délimitation de son extension autre que l’adhésion à cet idéal (et le respect des exigences humanistes qu’il implique), des limites, pour des raisons évidentes de réalisme, s’imposent au nom d’un calcul coût-bénéfice qui intègre ce qui est faisable ou acceptable dans le contexte empirique actuel de la construction européenne ? Sans doute, sur le plan du concept, ce ne serait que de façon paradoxale que l’on pourrait assigner des frontières à une Europe qui se veut porteuse d’un idéal universaliste. Mais, sur un plan pratique, ce paradoxe serait sans conséquence. Qui, en effet, pourrait contester que des critères de possibilités économiques et politiques doivent conditionner l’intégration des divers Etats sollicitant leur adhésion au nom de leur respect de cet idéal humaniste et universaliste. Et s’agissant de ces limites « empiriques », l’approche par le concept d’identité européenne serait sans apport spécifique. Sans doute, s’agit-il là d’une représentation largement partagée. Elle peut donc être qualifiée de « sens commun ». Dans cette intervention, je voudrais cependant développer deux idées : d’une part cette conception, aujourd’hui dominante, n’est pas sans poser question et, d’autre part, sa reformulation n’est pas sans conséquences concrètes sur