La longue traîne macroéconomique de la Grande Guerre

Ce texte examine l’impact macroéconomique à long terme de la Grande Guerre sur les grandes économies européennes, en particulier l’économie française. Après avoir montré que, selon plusieurs indicateurs majeurs, ce conflit a provoqué une rupture durable (la croissance, mais aussi les inégalités, l’inflation, le financement de l’économie, l’intégration internationale), voire pérennisée jusqu’à nos jours (les dépenses publiques), il présente un récit montrant comment ces ruptures présentent une logique d’ensemble compréhensible tant à court qu’à moyen terme. Le fait qu’on n’observe jamais de stabilisation durable dans le fonctionnement économique observé à l’échelle européenne amène à proposer d’identifier un régime politico-économique européen autodestructeur qui domine jusqu’à 1945, durant lequel même sans guerre ouverte, les tensions entre puissances dominent tous les agendas et déterminent les performances économiques. La période qui suit 1945 rompt avec ce régime au profit d’un nouveau régime politico-économique d’accumulation rapide qui n’est pas le simple « rattrapage » de la trajectoire de croissance « normale » qui émergerait spontanément de la paix, comme on le lit souvent. Nous montrons que ce nouveau régime, caractérisé par l’intervention macro comme micro-économique de l’État, trouve également un grand nombre de ses racines dans la Grande Guerre. Pour confirmer la rupture que représente ce conflit au plan économique, nous montrons également comment les graves tensions du régime politico-économique de la « Belle Époque » expliquent la profondeur et la durée de sa transformation et l’impossibilité d’une simple reprise après la guerre.