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Les dénommées « tribus criminelles » de l’Inde britannique

Authors :
Fourcade, Marie
Publication Year :
2022
Publisher :
Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales, 2022.

Abstract

Dans la seconde partie du XIXe siècle, les administrateurs britanniques de l’Inde coloniale ont mis en place un appareil législatif dans le souci de mener une politique plus interventionniste qu’au siècle précédent à la fois dans le domaine des mœurs, de l’éducation et de la justice. Le Criminal Tribes Act de 1871, instigateur de la catégorie « tribu criminelle », en est une des pierres angulaires. Soumises à un verdict de culpabilité collective, à l’aune d’une mésinterprétation du système des castes, des populations entières comme les Kuravar ou les Kallar ont été maintenues captives de cette mesure d’exception jusqu’à son entière abolition en 1952. La juxtaposition, la substitution ou la collusion des instances traditionnelles avec celles britanniques ont généré des formes de violence inédites en regard de celles que les Anglais avaient l’habitude d’observer à l’intérieur de la société indienne elle-même.Ainsi, le gardiennage corollaire du vol, qui caractérisait nombre de populations dénommées « tribus criminelles », offre un exemple de neutralisation de la violence en contrepartie d’une taxe de protection sans laquelle la sauvegarde des personnes et des biens n’aurait su fonctionner, d’où les écueils des innovations du régime colonial à cet égard et l’occasion pour l’observateur de pénétrer un système de légitimation et d’évitement de la violence efficace et original.D’« ex-tribus criminelles » demeurent encore aujourd’hui encloses dans un emprisonnement moral, marquées d’une estampille dépréciatrice impalpable mais réelle dans les esprits et dans les pratiques de violence exercées à leur encontre. Seule, une reconnaissance officielle, un recouvrement de leur histoire authentique peut les délivrer de cet état de stagnation préjudiciable à leur avenir et les aider à accéder à une dignité sans ombre. In the second part of the 19th century, British administrators of Colonial India set a legal apparatus in order to intervene further into Indian customs, education and justice. The 1871 Criminal Tribes Act which the “criminal tribe” stereotype stems from, is the cornerstone of the new policy. Under a verdict of collective guilt based on a misinterpretation of the castes system, entire tribes such as the Kuravar or Kallar, were held prisoners until its abolition in 1952. The juxtaposition or collusion of traditional authorities with the British ones entailed new forms of violence as compared to those observed previously by the British within Indian society.Thus, the position of watchmen corollary to robbers, which characterized many of those belonging to the so-called “Criminal Tribes”, is a good example of the neutralisation of violence through a counterpart of protective taxation without which the safeguard of people and goods could not be ensured. This explains many of the drawbacks of the colonial regime’s innovations in this respect and provides the observer with an opportunity to study a rather efficient and original system through which violence can be both legitimated and avoided.Today, “ex-criminal tribes” remain moral prisoners as they bear a depreciatory label, intangible though real in the minds of many and after the violences exerted on them. Only official recognition and recovery of their genuine history might unfetter them from this status of stagnation prejudicial to their future and help them to reach an unambiguous dignity.

Details

Language :
French
Database :
OpenAIRE
Accession number :
edsair.openedition...b2db0b965ff68c6c2707c06276d79c6e