L’espace rudéral : un cheminement poétique

Aux endroits non exploités par l’agriculture comme les bordures de chemin et les lisières de forêt ou bien sur les lieux d’abord occupés par l’homme, puis abandonnés, telles les friches industrielles, les amas de décombres et entassements de déchets et d’ordures se développe une végétation spécifique qualifiée de « rudérale ». Synonyme de dégradation, le topos est devenu au cours de l’histoire littéraire d’expression allemande une figure de réflexion poétologique, car l’herbe folle qui croît sur les ruines renvoie à un monde en déshérence, mais toujours sous-jacent et par sa prolifération anarchique, sa vigueur et sa fécondité, elle est promesse de voies nouvelles. En des époques de transition, comme l’entre-deux-guerres, au croisement de l’héritage romantique et de l’avant-garde ou encore la réunification allemande en 1989, à l’orée d’horizons poétiques nouveaux, cette hybridité qui s’incarne dans l’oxymore du réalisme magique trouve un regain de popularité parmi les écrivains.