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Travailler dans la violence : le sale boulot paramilitaire en Colombie

Authors :
Manrique Rueda, Gabriela
Tanner, Samuel
Publication Year :
2018
Publisher :
Université de Montréal, 2018.

Abstract

À partir de la deuxième moitié du XXème siècle, des millions de personnes ont été portées disparues, torturées et exécutées extra-judiciairement par des groupes paramilitaires, également impliqués dans l’élimination des petits délinquants et des populations en marge. En Colombie, des groupes paramilitaires ont été utilisés par l’État depuis les années 1970 pour la répression des mouvements sociaux civils, des partis d’extrême gauche et des guérillas, qui ont émergé depuis les années 1960 dans le pays. Dans les années 1980, les trafiquants de drogues ont commencé à financer des nouvelles organisations et à réprimer les luttes sociales et les déviances. Suite à une prolifération de ces organisations dans les années 1990, la fédération de groupes paramilitaires Autodéfenses unies de Colombie (AUC) a été créée en 1997, afin de récupérer les territoires contrôlés par les guérillas, en perpétuant des massacres, en déplaçant les populations civiles et en imposant un contrôle social forcé sur les communautés, incluant la commission d’agressions sexuelles envers les femmes, d’homicides sélectifs, de tortures et d’atrocités sur les corps des victimes. Notre thèse s’intéresse au contrôle social paramilitaire en Colombie, à partir d’une analyse des récits de vie de 30 anciens paramilitaires des AUC. À la différence de l’assimilation des paramilitaires à des acteurs rationnels, motivés par des intérêts économiques et illégaux, qui a une tendance à dominer l’interprétation de leurs conduites, notre analyse des représentations de nos interviewés soulève l’importance de la morale dans la compréhension des actions des paramilitaires. Dans le contexte de la transnationalisation de l’économie légale et illégale de la Colombie de la fin du XXème siècle, les violences paramilitaires aident à maintenir la structure normative conservatrice de la société, à partir de l’élimination des transgresseurs de l’ordre politique, économique et moral. Dans un tel contexte de changements économiques et sociaux, qui altère les activités économiques traditionnelles, la violence devient un travail pour les hommes issus des classes populaires, dont les actions doivent être interprétées à partir de leurs expériences de vie dans une réalité où la violence est une des seules opportunités de travail. En nous inspirant des recherches sur les agresseurs des violences (para) étatiques, des travaux sur les trajectoires en armes et de la sociologie du sale boulot, notre thèse propose d’appréhender la violence paramilitaire comme un sale boulot de contrôle social. À partir d’une étude du travail de la violence selon les expériences des interviewés, nous montrons que les paramilitaires se créent des représentations morales de leurs actions, ce qui permet de construire leur réalité, de diviser le travail en automatisant chacune des fonctions et de se bâtir une identité dans un sale boulot. Notre thèse soulève que l’identité morale des paramilitaires doit être saisie non seulement par rapport au contexte discursif conservateur à propos des criminels, mais aussi en relation à la position des paramilitaires dans une zone grise entre le secteur public légal et le secteur privé illégal, à qui est délégué le sale boulot de la répression des populations civiles et des guérillas. Les paramilitaires ont un rapport ambigu à la morale entre d’une part, l’idée selon laquelle ils aident l’État à défendre la sécurité des populations civiles et, de l’autre, le caractère illégal des organisations et des pratiques violentes. La violence est une expérience d’incarnation et de jouissance de l’adrénaline du pouvoir, mais aussi une expérience traumatique qui marque leur identité. Notre thèse propose aussi une analyse des trajectoires des carrières à partir des histoires de vie de nos interviewés, montrant l’existence de trajectoires différenciées selon la région, dans la temporalité de la participation et dans les degrés d’exposition à la violence, mais aussi les effets des changements économiques et sociaux et du conflit armé sur les carrières des hommes paysans.<br />Since the second half of the twentieth century, millions of people were reported missing, tortured and executed extrajudicially by paramilitary groups, also involved in the elimination of petty criminals and marginalized populations. In Colombia, paramilitary groups have been used by the state since the 1970s for the suppression of civil social movements, left-wing parties and guerrillas, which have emerged in the country since the 1960s. In the 1980s drug traffickers have begun to fund new organizations and suppress social struggles and deviance. Following a proliferation of these organizations in the 1990s, the federation of paramilitary groups United Self-Defense Forces of Colombia (AUC) was created in 1997 to recover the territories controlled by guerrillas, perpetrating massacres, displacing civilians and imposing forced social control on communities, including the commission of sexual violence against women, target killings, torture and atrocities on the bodies of the victims. Based on an analysis of the life stories of 30 former paramilitaries of the USDFC, my dissertation is interested on paramilitary social control in Colombia. Unlike the characterization of paramilitaries as rational actors, motivated by economic and illegal interests, which dominates the interpretation of their actions, my analysis of the representations of my interviewees raises the importance of morality in understanding paramilitary conducts. In the context of transnationalization of the legal and illegal economy of Colombia at the end of the twentieth century, paramilitary violence helps mantaining the conservative normative structure of society, through the elimination of transgressors of the political, economic and moral order. In such a context of economic and social changes, which transforms traditional economic activities, violence becomes a work for men from the lower classes, whose actions should be interpreted from their life experiences into a reality where violence is one of the few job opportunities. Inspired by research on the perpetrators of (para) state violence, by the work on armed trajectories and by the sociology of dirty work, my thesis invites to conceptualize paramilitary violence as a dirty work of social control. By studying the work of violence according to the experiences of the interviewees, I show that the paramilitaries create moral representations of their actions, which makes it possible to construct their reality, to divide the work by automating each of the functions and to build an identity in a dirty work. My thesis argues that the moral identity of the paramilitaries must be understood not only relative to the conservative discursive context about criminals, but also in relation to the position of paramilitaries in a gray zone between the legal public sector and the illegal private sphere, to whom is delegated the dirty work of repression of civil populations and guerillas. The paramilitaries have an ambiguous relationship to morality between, on the one hand, the idea that they help the state to defend the security of civilian populations and, on the other hand, the illegal nature of violent organizations and practices. Violence is an experience of embodyment and enjoyment of the adrenaline of power, but it is also a traumatic experience marking their identity. My thesis also analyses career trajectories based on the life stories of the interviewees, showing the existence of trajectories differentiated by region, in the temporality of participation and in the degrees of exposure to violence, but also shows the effects of economic and social changes and armed conflict on the careers of peasant men.<br />A partir de la segunda mitad del siglo XX, millones de personas han sido desaparecidas, torturadas y ejecutadas extrajudicialmente por grupos paramilitares, quienes también participan en la eliminación de los delincuentes y de las personas marginalizadas. En Colombia, los grupos paramilitares han sido utilizados por el Estado desde los años 1970 para reprimir a los movimientos sociales civiles, a las guerrillas y a los partidos de izquierda que surgieron en el país desde la década de 1960. En los años 1980, los narcotraficantes comenzaron a financiar nuevas organizaciones y a reprimir las luchas sociales y las transgresiones. Luego de ocurrir una proliferación de estas organizaciones en la década de 1990, la federación de grupos paramilitares Autodefensas Unidas de Colombia (AUC) fue creada en 1997 para recuperar los territorios controlados por las guerrillas, por medio de la perpetración de masacres, del desplazamiento forzado de la población civil y de la imposición de un control social forzado en las comunidades, incluyendo la comisión de agresiones sexuales contra las mujeres, de asesinatos selectivos, de torturas y de atrocidades en los cuerpos de las víctimas. Mi tesis se interesa por el control social paramilitar en Colombia, basándose en un análisis de las historias de vida de 30 antiguos paramilitares de las AUC. A diferencia de la caracterización de los paramilitares como actores racionales, motivados por intereses económicos e ilegales, que tiende a dominar la interpretación de sus conductas, mi análisis de las representaciones de mis entrevistados, plantea la importancia de la moral en el comprensión de las acciones de los paramilitares. En el contexto de la transnacionalización de la economía legal e ilegal de Colombia a finales del siglo XX, la violencia paramilitar ayuda a mantener la estructura normativa conservadora de la sociedad, por medio de la eliminación de los transgresores del orden político, económico y moral. En un contexto tal, de cambios económicos y sociales, que viene a transformar las actividades económicas tradicionales, la violencia se convierte en un trabajo para los hombres de las clases populares, cuyas acciones deben interpretarse desde sus experiencias de vida, en una realidad en la que la violencia es una de las únicas oportunidades de trabajo. Inspirándose en las investigaciones sobre los agresores de la violencia (para) estatal, en los trabajos sobre las trayectorias armadas y en la sociología del trabajo sucio, mi tesis propone aprehender la violencia paramilitar como un trabajo sucio de control social. Realizando un estudio del trabajo de la violencia según las experiencias de los entrevistados, muestro que los paramilitares crean representaciones morales de sus acciones, lo cual permite construir su realidad, dividir el trabajo, automatizando cada una de las funciones, y construir una identidad en un trabajo sucio. Mi tesis sostiene que la identidad moral de los paramilitares debe entenderse no sólo en relación al contexto discursivo conservador sobre los criminales, sino también a la posición de los paramilitares, que está situada en un área gris entre el sector público legal y el sector privado ilegal, a quien es delegado el trabajo sucio de la represión de las poblaciones civiles y de las guerrillas. Los paramilitares tienen una relación ambigua con la moral entre, por un lado, la idea según la cual le ayudan al Estado a defender la seguridad de las poblaciones civiles y, por otro lado, la naturaleza ilegal de las organizaciones y de las prácticas violentas. La violencia es una experiencia de encarnación y de disfrute de la adrenalina del poder, pero es también una experiencia traumática que marca sus identidades. Mi tesis también propone un análisis de las trayectorias profesionales, basado en las historias de vida de los entrevistados, mostrando la existencia de trayectorias diferenciadas por región, en la temporalidad de la participación y en los grados de exposición a la violencia, pero también muestra los efectos de los cambios económicos y sociales, y del conflicto armado, sobre las carreras de los hombres campesinos.

Details

Language :
French
Database :
OpenAIRE
Accession number :
edsair.od.......317..488b13f53f2a3b00207023b685333edf