Poétiques du vivant. Pascal Quignard et Édouard Glissant écrivains posthumanistes

[Extrait] Au premier abord, considérer qu'Édouard Glissant (1928-2011) et Pascal Quignard (1948) sont des écrivains posthumanistes peut sembler bizarre. Le terme posthumanisme ne figure pas dans leurs ouvrages, et la question du rôle majeur de la technologie dans l'avenir de l'humain n'y est pas assez développée pour constituer une topique ou problématique. Néanmoins il faut discerner deux acceptions majeures dans le terme posthumanisme. Dans un sens plus strict et technologique, le posthumanisme implique l'utopie technoscientifique transhumaniste. Il réfère au projet d'augmenter les capacités humaines moyennant une évolution artificielle, accélérée par la convergence NBIC, visant à émanciper l'homme des limitations biologiques et physiques propres à l'organisme. Surgissent alors les motifs du devenir-prothèse du corps, de la numérisation de l'esprit, de l'amortalité. Mécanique ou virtuel, le corps posthumain tend à se séparer de la chair. Dans un sens plus large, le posthumanisme est un courant voué à repenser critiquement l'humain dans ses connexions avec l'ensemble des vivants et des non-vivants (machines) de façon à redéfinir sa place sur la planète. Face à l'impact de la technoscience sur l'environnement et à l'artificialisation croissante de la nature qui en résulte, le posthumanisme pense l'humain avant tout comme vivant faisant partie, avec les autres vivants, de l'oikos, notre maison commune. […]