Conclusion

1ères lignes : Parvenus à l’issue de cet ouvrage, une question conclusive se pose : les Français sont-ils des Européens comme les autres ? Cette interrogation pourrait également être formulée pour tout autre pays européen, traduisant la tension de l’analyse comparative entre « universel » et « particulier », mais elle se pose dans ce cas avec une acuité particulière. Depuis Tocqueville, en effet, la question de « l’exception française » n’a cessé de nourrir une importante littérature comparative. Dans l’après-guerre, puis dans les années 1960, cette littérature connaît un incontestable regain dans la foulée des analyses de Michel Crozier sur le phénomène bureaucratique en France [Crozier 1963, 1971] et dans un contexte socio-économique d’importantes transformations de la société française. Ces analyses tentent de mettre la France en perspective [Hoffman, 1963] et croisent souvent, dans une tradition tocquevilienne, les regards français et américains sur ce pays. Elles concluent assez largement à la thèse d’une exception française, bien qu’elles décèlent dans l’Hexagone des traits communs aux sociétés industrielles occidentales : phénomène bureaucratique, rationalisation des mécanismes de la décision politique, conflits entre différentes sphères et différents acteurs pour conduire le changement social, clivages entre centres et périphéries, tensions entre tradition et modernités. L’exception française, lorsqu’elle est mise à jour, est également ramenée au système institutionnel et politico-administratif de la Ve République.