Un double exil : histoires d’indésirables italiens en Argentine au cours des années 1930

Tout au long des années 1930, l’Argentine est traversée par une vaste mobilisation syndicale, touchant en particulier le secteur du bâtiment et des travaux publics. Le mouvement ouvrier est alors dirigé par une leadership mixte, composée à la fois d’Argentins, souvent fils d’immigrés, et d’un grand nombre d’étrangers issus des plus récentes vagues migratoires. Ces grèves ont lieu dans une décennie bouleversée de l’histoire argentine, ouverte par le coup d’État du 6 septembre 1930 qui entraine l’arrivée au pouvoir du général José Félix Uriburu, expression de la droite conservatrice et nationaliste. Uriburu et son successeur, le général Agustín Pedro Justo, s’engagent dans une répression acharnée du mouvement syndical et communiste. Les militants étrangers deviennent ainsi la cible d’arrestations et d’expulsions. Parmi eux, cinq militants syndicaux italiens sont renvoyés vers leur pays d’origine en octobre 1937, où ils sont immédiatement enfermés par le régime fasciste. À partir de l’histoire de ces syndicalistes italiens, cet article vise à comprendre la menace qu’ils représentaient pour les contextes des pays d’accueil et de départ. Ces acteurs transnationaux participaient en effet à la circulation d’idées et de modèles organisationnels perçus comme une menace par les autorités en Argentine et en Italie, qui en viennent ainsi à collaborer pour contrer l’action militante. During the 1930s, Argentina was gripped by a vast trade union mobilisation, particularly in the building and public works sector. The workers' movement was led by a mixed leadership, made up of both Argentines of immigrant background, and a large number of foreigners from the most recent waves of migration. These strikes occur in a decade of upheaval in Argentine history, starting from the coup d'état of September 6th,1930 which brought to power General José Félix Uriburu, as expression of the conservative and nationalist right. Uriburu and his successor, Agustín Pedro Justo, engaged in a relentless repression of the trade union and communist movement. Foreign activists became the target of arrests and deportations. Among them, five Italian trade union activists were deported to their country of origin in October 1937, where they were immediately confined by the fascist regime. Based on the history of these Italian trade unionists, this article aims to understand the threat they posed to the countries of immigration and emigration. These transnational actors participated in the circulation of ideas and organisational models perceived as a threat by Argentina and Italy, which thus collaborated to counter their militant initiative. Durante la década de 1930, una amplia movilización sindical occurrió en la Argentina, especialmente en el sector de la construcción y de las obras públicas. El movimiento obrero estaba dirigido entonces por un liderazgo mixto, compuesto tanto por argentinos como por un gran número de extranjeros llegados con las olas migratorias más recientes. Estas huelgas tuvieron lugar en una década turbulenta de la historia argentina, abierta por el golpe de Estado del 6 de septiembre de 1930 que llevó al poder al general José Félix Uriburu, expresión de la derecha conservadora y nacionalista. Uriburu y su sucesor, el general Agustín Pedro Justo, emprendieron una implacable represión del movimiento sindical y comunista. Muchos sindicalistas extranjeros fueron así encarcelados y expulsados. Entre ellos, cinco militantes sindicales italianos fueron deportados a su país de origen en octubre de 1937, donde fueron inmediatamente confinados por el régimen fascista. A partir de la historia de estos sindicalistas italianos, este artículo pretende comprender la amenaza que estos militantes supusieron tanto para en país de inmigración así como el de emigración. Estos actores transnacionales participaron en la circulación de ideas y modelos organizativos percibidos como una amenaza por Argentina e Italia, que se encontraron así colaborando para contrarrestar su acción militante.