Pierre Damien et l’illusion de la conversation épistolaire

Cet article présente la correspondance de Pierre Damien (180 lettres), la partie la plus importante de son œuvre. Pierre Damien est parfaitement conscient qu’il pratique un genre intermédiaire entre la lettre et le traité à visée édifiante. Pour illustrer cette dimension de sa correspondance, nous nous interrogeons sur le rapport entre lettres et exempla d’une part, lettres et prédication de l’autre. Nous mettons aussi l’accent, exemples à l’appui, sur la dimension intertextuelle très forte de ce corpus et nous revenons pour finir sur une formule saisissante et à notre sens très juste d’Owen J. Blum : la correspondance de Pierre Damien est une « summa in epistolary form », puisque tous les sujets y sont abordés. Cependant, plus qu’à une volonté de déchiffrement du monde, on a affaire à un projet de réforme de la société chrétienne.En définitive, l’immense correspondance de Pierre Damien est un exemple précoce et incomparable à son époque de circulation d’une parole silencieuse qui a pour but de poser les ciments d’une société chrétienne rénovée depuis l’ermitage. Cette prise de parole n’appelle guère à la réciprocité : elle est plus l’expression d’un magistère que d’un échange This paper presents the correspondence of Peter Damian (180 letters), which is the most important part of his work. Peter Damian is perfectly aware that he practices an intermediate genre between the letter and the edifying treatise. To illustrate this dimension of his correspondence, we examine the relationship between letters and exempla on the one hand, and between letters and preaching on the other. We also emphasize, with examples, the very strong intertextual dimension of this corpus and we return to a striking and, in our opinion, very accurate formula of Owen J. Blum: Peter Damian’s correspondence is a “summa in epistolary form”, since all subjects are dealt with. However, rather than a desire to decipher the world, we are dealing with a project to reform Christian society.In short, Peter Damian’s immense correspondence is an early and unparalleled example of the circulation of a silent word that aims to lay the foundations of a Christian society renovated from the hermitage. This speech hardly calls for reciprocity: it is more the expression of a magisterium than of an exchange Este artículo presenta la correspondencia de Pedro Damián (180 cartas), la parte más importante de su obra. Pierre Damien es perfectamente consciente de que practica un género intermedio entre la carta y el tratado edificante. Para ilustrar esta dimensión de su correspondencia, examinamos la relación entre las cartas y los exempla, por un lado, entre las cartas y la predicación, por otro. Destacamos también, con ejemplos, la fortísima dimensión intertextual de este corpus y retomamos una fórmula llamativa y, en nuestra opinión, muy acertada, de Owen J. Blum: la correspondencia de Pedro Damián es una « summa en forma epistolar », ya que en ella se tratan todos los temas. Sin embargo, más que un deseo de descifrar el mundo, se trata de un proyecto de reforma de la sociedad cristiana.En definitiva, la inmensa correspondencia de Pedro Damián es un ejemplo temprano e inigualable en esta época de la circulación de una palabra silenciosa que pretende sentar las bases de una sociedad cristiana renovada desde el eremitorio. Este discurso apenas llama a la reciprocidad: es más la expresión de un magisterio que de un intercambio