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Individu et société : le lien social en question ?
- Source :
- Ethics, Medicine and Public Health. 2:574-583
- Publication Year :
- 2016
- Publisher :
- Elsevier BV, 2016.
-
Abstract
- Resume Comment peut-on encore faire societe dans un monde ou la progression de l’individualisme apparait comme ineluctable ? Notre societe devenue un agregat d’individus singuliers et revendiquant leur independance, peut-elle encore former un collectif avec des droits, des regles et des contraintes acceptables par l’ensemble des individus qui la composent ? Qu’est-ce qui fait lien entre l’individu et la societe des individus, telle est l’interrogation qui traverse cet article. L’individualisation, c’est-a-dire le processus de long terme de construction de l’individu comme sujet singulier a demarre au tournant du XVII e siecle. Les conditions de possibilite de ce phenomene ont ete essentiellement le desserrement de l’emprise du religieux et l’apparition de la propriete privee. Ce que d’aucuns ont appele la premiere modernite de l’individu va voir peu a peu l’avenement de la « propriete sociale » qui inclut la protection sociale, le logement social, les services publics, un ensemble de biens collectifs mis a la disposition des non-proprietaires pour eviter misere, dependance et decheance sociale. C’est alors le collectif qui protege l’individu qui n’est pas protege par la propriete privee. Cette protection sociale va se developper a la fin du XIX e siecle et surtout en 1945, ce sera au sens etymologique la « Securite sociale ». Le processus d’individualisation a connu une seconde etape de son developpement, la seconde modernite de l’individu, avec la diffusion de la scolarisation, fondement objectif de l’individu moderne et la reconnaissance progressive du droit des femmes et des enfants, permettant a l’ensemble des individus composant une societe de reclamer leur independance plus que leur autonomie. Il en est resulte la constitution d’un individu qui se pose a lui-meme comme sa propre fin et qui se donne l’objectif de se realiser sans entraves. C’est un nouveau processus d’individualisation qui vient remettre en question les appartenances collectives et avec lequel on perd a la fois des protections au travail construites par l’Etat mais aussi les protections rapprochees, familiales, de voisinage, d’appartenance a une communaute, perte que le sociologue Robert Castel a appele le processus de « desaffiliation ». Dans une societe ou la propriete sociale et la citoyennete sociale sont menacees, l’individu moderne ou « hyper moderne » se complexifie. Les supports collectifs se fragilisent et laissent echapper un certain nombre d’individus qui ne sont plus couverts par ces systemes, une nouvelle forme d’individualite negative se met en place a cause de ce decrochage des collectifs et donne des « individus par defaut ». Par opposition aux precedents, les « individus par exces » sont des individus dont l’objectif principal est de se realiser en tant qu’individu en se detachant des appartenances et des valeurs collectives. Aujourd’hui, on peut dire que tout individu est susceptible de decrochement si le collectif ne le soutient plus, d’ou la peur du declassement qui se generalise dans les generations plus jeunes pour les individus dont le statut professionnel n’est pas assure. « L’individu ne tient pas debout tout seul » est une evidence qui s’impose. Affirmer la preeminence de la societe, c’est poser que l’individu ne peut exister que dans une forme de lien social avec un collectif et qu’il a des droits et des devoirs envers ce collectif. Alors pour renforcer ces liens de l’individu avec le collectif, plusieurs pistes sont possibles : lutter sans relâche contre la montee des inegalites sociales, une des sources principales de la desaffiliation de beaucoup d’individus aujourd’hui, ensuite developper les « capabilites » des individus au sens que la philosophe Martha Nussbaum donne a ce terme, c’est-a-dire un ensemble de libertes et de reelles possibilites dans le domaine de l’education, de la sante, du travail, du logement, etc. et pas seulement des droits formels et enfin, permettre aux individus d’inventer de nouvelles formes de sociabilite, notamment dans une economie de partage et collaborative. Toutes ces nouvelles formes de sociabilite et de solidarite qui essaient de se mettre en place, quelquefois en tâtonnant, sont des chemins pour l’avenir de « notre » societe d’individus dans laquelle nous sommes indissociablement « individu singulier » et « individu collectif » comme le dit Norbert Elias.
Details
- ISSN :
- 23525525
- Volume :
- 2
- Database :
- OpenAIRE
- Journal :
- Ethics, Medicine and Public Health
- Accession number :
- edsair.doi...........529a194271f6341361751f38e9f04d6e
- Full Text :
- https://doi.org/10.1016/j.jemep.2016.10.003