Conscience et mémoire : de la seiche au geai

Les animaux sont-ils capables de se souvenir de leur passé et d’imaginer de futurs scenarios ? Est-ce qu’ils ont conscience de leur propre existence le long d’un continuum passé-présent-futur (conscience de soi dans un temps subjectif), ou mémorisent-ils leur existence comme une succession d’évènements plus ou moins juxtaposés ? L’existence de la mémoire épisodique chez les animaux non-humains, celle-là même qui nous permet d’effectuer ces voyages mentaux dans le temps, pose question car elle est intrinsèquement ancrée dans un temps et un espace subjectif. En l’absence de capacités de verbalisation permettant d’évaluer objectivement ces aspects phénoménologiques, la solution la plus simple serait de nier l’existence de cette mémoire si particulière chez l’animal : c’est notamment le point de vue de Tulving, premier à décrire et définir ce type de mémoire, et qui la considère comme une caractéristique de l’espèce humaine. Les animaux seraient capables d’apprendre, de modifier de manière flexible leur comportement en fonction de leurs expériences passées, mais resteraient invariablement bloqués dans le présent.
Société des Neurosciences, Vol. 63 No 1 (2022): La Lettre - Automne / Hiver 2022