Saisonnalité des naissances des moutons d’Europe : l’héritage biologique et culturel du Néolithique

International audience; Au cours de la diffusion des sociétés agropastorales à travers l’Europe au Néolithique, l’élevage a été adapté aux contraintes et ressources locales, impliquant des mutations des pratiques aussi bien que de la physiologie animale. De ce fait, le calendrier de la reproduction animale fut impacté, impliquant des conséquences sur l’organisation des tâches agro-pastorales et la disponibilité saisonnière des productions. La saisonnalité des naissances des moutons anciens peut être approchée par la reconstitution du cycle saisonnier enregistré dans les molaires, par l’analyse séquentielle des rapports isotopiques de l’oxygène (δ18O) dans l’émail dentaire. Les référentiels pour déterminer la saison de naissance sont constitués par des moutons actuels. Dans un premier temps, nous présenterons une synthèse des référentiels de comparaison existants. Ceux-ci incluent deux nouveaux référentiels constitués pour l’un sur des brebis de race croisée (Ouessant x Landes de Bretagne) élevées à Quéménès (Finistère, France), pour l’autre sur des brebis de race Lacaune élevées dans le Causse du Larzac (Sud de la France) ; ils fournissent de nouvelles valeurs de références pour des naissances d’hiver, de printemps et d’automne. Dans un second temps, nous présenterons une synthèse des données relatives à la distribution des naissances (étalement et calendrier des naissances) des moutons dans des contextes européens datés des 6e-3e millénaires cal BC, pour terminer par un focus spécifique sur le Sud de la France. Par contraste avec un schéma global d’agnelage de fin d’hiver- printemps ailleurs en Europe, un agnelage automne a été observé dans des contextes néolithiques de Sud de la France. Ce caractère constitue aujourd’hui une forte identité des systèmes d’élevage sur la marge septentrionale du bassin occidental de la Méditerranée, où l’agnelage d’automne coïncide avec le maximum de la production fourragère et est prisé pour les bénéfices qu’il apporte en termes de disponibilité des productions animales à contre-saison. Son occurrence dès le Néolithique impliquerait non seulement une capacité physiologique des moutons néolithiques à réaliser une saison de reproduction longue, mais aussi une gestion intentionnelle des interactions socio-sexuelles dans le troupeau, ainsi que des ressources fourragères capables de soutenir une lactation d’automne. Nous tirerons enfin les conclusions en termes de gestion par l’homme des ressources animales et végétales, et en termes de paléoclimatologie.