Succès ou échec du traitement chez les enfants et adolescents nés avec le VIH en milieu rural au Sénégal : une perspective anthropologique

Grâce à l’efficacité des médicaments antirétroviraux (ARV), la mortalité et la morbidité liées à l’épidémie de VIH ont considérablement diminué au cours des dernières décennies. Néanmoins en Afrique, la persistance de nouvelles infections et le développement de résistances aux ARV traduisent les difficultés dans la prévention et la prise en charge. Ces difficultés concernent en particulier les enfants et les adolescents vivant avec le VIH (EAvVIH). En 1998, le Sénégal fut le premier pays d’Afrique de l’Ouest à mettre en place un programme gouvernemental d’accès aux ARV. Mais la prise en charge des EAvVIH reste difficile. Une enquête nationale réalisée en 2015 a montré que 64% des EAvVIH (0-19 ans) suivis dans des sites hors de Dakar, étaient en échec thérapeutique. Cet article présente les résultats d’une étude anthropologique qui visait à examiner les modalités de prise en charge médicale et sociale des EAvVIH ; à identifier les déterminants structurels et sociaux de l’échec – ou du succès – thérapeutique ; et à analyser leurs influences respectives. L'enquête ethnographique a été conduite entre juillet 2020 et novembre 2021, dans 11 des 14 régions du Sénégal, dans 14 structures de santé (11 Centres de santé et 4 hôpitaux régionaux). Les entretiens et les observations ont été menés auprès de 87 enfants et adolescents, 97 parents ou tuteurs et 47 agents de santé qui leur prodiguent des soins. Les résultats montrent que les situations d’échec ou de succès thérapeutique résultent de configurations plus ou moins favorables qui mettent en jeu différents acteurs – enfants, parents, professionnels de santé et leurs interactions avec et dans des contextes socio-culturels et structurels variés. Cette recherche s’inscrit dans l’apport de l’anthropologie à l’analyse et la compréhension des systèmes de soins. Dans une perspective de santé publique, nos analyses plaident pour une approche différenciée du renforcement de compétence du personnel des structures sanitaires, tenant compte de la spécificité de chaque site.