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Les forêts dans des territoires agricoles : nouveaux atouts d’une relation bénéfique
- Source :
- Approches territorialisées des usages de la forêt, Approches territorialisées des usages de la forêt, Jan 2017, Paris, France. 12 p
- Publication Year :
- 2017
-
Abstract
- Contexte et enjeux: Les espaces arborés peuvent prendre différentes formes dans les paysages à dominante agricole en France et en Europe tempérée : bois, bosquets et plantations, mais aussi haies, alignements d’arbres et plantations agroforestières. Ils sont en interaction étroite avec les activités agricoles, de culture ou d’élevage dans dynamiques particulières. Il peut s’agir (1) d’interactions socio-techniques entre acteurs et ressources lorsque des agriculteurs possèdent, gèrent ou utilisent des portions de forêt, (2) d’interactions biophysiques spatiales entre ressources quand l’activité agricole est influencée par la proximité des forêts, mais aussi (3) d’interactions sociales entre acteurs agriculteurs et forestiers qui vont parfois déterminer certains modes de gestion forestière. Ces différents points de vue expliquent la difficulté à bien délimiter les forêts des paysages ruraux agricoles, ainsi que le manque de connaissance à leur égard. Ces espaces arborés sont dynamiques et, durant les 2 derniers siècles, leur répartition spatiale a fortement changé, avec des processus de fragmentation par endroits et de défragmentation dans les zones de déprise agricole. Néanmoins, comparativement aux espaces agricoles environnants soumis aux rotations de cultures, ils apparaissent relativement stables et constituent de ce fait ce qu’on appelle des infrastructures écologiques influant très significativement les caractéristiques des milieux voisins. Ils sont ainsi souvent vus comme des réservoirs de biodiversité dans les paysages agricoles. Problématique: Etudier les relations entre ces espaces arborés des paysages et l’agriculture est crucial pour aider à concevoir des territoires ruraux valorisant au mieux et de façon durable l’ensemble de leurs ressources, agricoles et forestières, et des services qui y sont liés. Cette problématique s’inscrit dans les priorités nationales pour une agriculture plus agroécologique. Méthodes: A partir de plusieurs exemples de travaux récents en écologie, géographie, agronomie et ethnologie, la présentation montre les différents aspects de ces interactions entre espaces arborés et agriculture, comment elles influent sur des propriétés clés des territoires et comment elles pourraient être mieux valorisée. Ces exemples s’appuient sur des recherches interdisciplinaires et conduites en partenariat, combinant des approches écologiques avec des analyses socio-techniques. Résultats: De nombreux travaux ont largement montré les rôles clés des espaces arborés dans la dynamique de population d’espèces contribuant à des services écosystémiques importants pour l’agriculture comme la régulation des bioagresseurs ou la pollinisation. Ainsi des suivis spatialisés de la répartition des carabiques, prédateurs auxiliaires des cultures de part et d’autre de lisières forestières montrent clairement que les bois peuvent fournir un surcroit d’individus qui vont chasser dans les cultures adjacentes. De plus, plusieurs résultats laissent penser que cet effet est crucial surtout quand des évènements extrêmes réduisent drastiquement les populations déjà présentes dans les champs. Les espaces arborés joueraient ainsi un rôle de réservoir pour contribuer à reconstituer les populations d’auxiliaires. Des travaux similaires montrent des phénomènes comparables pour les pollinisateurs, en particulier sur l’intérêt des lisières dans la fourniture de ressources florales tout au long de l'année et de leur capacité à abriter des sites de nidification et d'hivernation. Les caractéristiques des lisières jouent un rôle important et mal connu dans ces échanges ; on peut supposer qu’ils pourraient être favorisés par une gestion particulière de ces interfaces. Les espaces arborés sont à l’origine d’un grand nombre de services écosystémiques. Le projet Terafor, soutenu par la Fondation de France, en a ainsi identifié près de 70 ; ils ont été intégrés dans un système d’analyse multi-critères destiné à aider à élaborer des projets de territoires agri-forestiers valorisant l’ensemble de ces services. Parallèlement, des recherches exploratoires tentent d’utiliser les données satellitaires nouvelles pour fournir des cartographies de niveaux potentiels de services. Enfin, il convient de signaler que si les espaces arborés sont sources de services pour l’agriculture, l’inverse est aussi vrai : les bois et forêts bénéficient de services issus des autres composantes des paysages ; la régulation des insectes défoliateurs des arbres s’avère par exemple plus élevée en lisière, tandis que les mouvements de chevreuils entre les cultures où ils se nourrissent et les bois semblent contribuer à la fertilisation du sol forestier. Le bois produit par les espaces arborés contribue à satisfaire l’accroissement de l’usage de la biomasse pour se substituer aux énergies fossiles, ou les compléter. Il existe maintenant de multiples formes de valorisation du bois qui s’adaptent aux conditions locales et aux possibilités des opérateurs. L’association Bois Paysan en Ariège a ainsi développé des circuits courts de vente de bûches aux particuliers. En réponse à une demande croissante, des filières nouvelles et originales se mettent en place, avec l’émergence, parfois, de véritables « ateliers bois » dans des exploitations agricoles qui diversifient ainsi leurs activités. Les usages du bois se sont aussi élargis et l’agriculture commence à en utiliser plus fréquemment, pas seulement comme source d’énergie ou de matériaux de construction. Dans le APIL en Ariège, par exemple, les multiples usages du bois en exploitation agricole sont testés : litière pour les animaux ou paillage pour les plantations. Au-delà du bilan matériel et économique pour les exploitations, ces démarches de valorisation des produits des espaces arborés des paysages agricoles contribuent aussi à renforcer des projets de territoires en valorisant des ressources dispersées par des usages les plus proches possibles. Grâce aux possibilités de communication actuelles et de mise en réseau, la dispersion des ressources en bois n’est plus toujours un handicap et devrait contribuer à une relocalisation d’une partie des approvisionnements en énergie et matériaux. Enfin, des recherches en sciences sociales ont clairement montré que les espaces arborés sont associés à une dimension culturelle particulière dans la perception qu’ont les habitants de leur environnement et de son devenir. Ainsi, dans le Sud-Ouest de la France, nous avons montré que les bois sont un marqueur social fort qui relie les familles d’aujourd’hui à leur histoire et s’inscrivent dans une tradition de transmission des patrimoines et de gestion à objectif d’autosuffisance particulière. Connaitre ces dimensions sociales est essentiel, tant pour les respecter et les préserver comme partie d’un patrimoine culturel spécifique, que pour pouvoir les faire évoluer et lever des blocages qui limiteraient des développements durables. A cet égard, les démarches participatives de co-construction de ces projets de développement semblent une façon pertinente de prendre en compte les multiples attentes des habitants d’un territoire agricole et forestier. Discussion et conclusion: Ces exemples soulignent combien la séparation entre gestion forestière et agriculture dans bien des régions est artificielle et mériterait d’être remise en cause dans les projets d’aménagement des territoires. Pourtant, les politiques actuelles, comme le récent Plan National Forêt Bois, semblent tourner le dos à la valorisation de ces interactions, privilégiant des approches par filières cloisonnées. La foresterie tout comme l’agriculture, et d’autres activités humaines, tireraient un bénéfice à mieux coordonner leurs objectifs et leurs actions. Des initiatives locales vont dans ce sens et la recherche montre comment ces interactions écologiques, techniques et socio-culturelles s’avèrent importantes dans une perspective de développement plus durable.
Details
- Language :
- French
- Database :
- OpenAIRE
- Journal :
- Approches territorialisées des usages de la forêt, Approches territorialisées des usages de la forêt, Jan 2017, Paris, France. 12 p
- Accession number :
- edsair.dedup.wf.001..82560d2651187578ea7b295635d1f0e5