Monuments littéraires -Exploration numérique des traces matérielles

International audience; 1 Contexte Si l'existence de statues de Voltaire ou Corneille aux coins de nos rues et de voies Victor Hugo dans presque toutes les communes apparaît aujourd'hui comme une évidence de nos paysages urbains, il n'en a pas toujours été ainsi : la représentation des grands hommes et en particulier des grands écrivains dans l'espace public est un phénomène pour sa plus grande part postrévolutionnaire. La présence des auteurs et autrices dans l'espace urbain s'est développée durant le XIXe siècle et s'est accrue de manière déterminante sous l'effet du projet politique et pédagogique de la IIIe République. Cependant, les choix faits à cette époque peuvent sur-prendre : les écrivaines et écrivains statufiés ou célébrés par un nom de lieu sont parfois tombés dans l'oubli et l'éternité promise par la pierre s'est finalement révélée illusoire. Se pose donc aujourd'hui la nécessité de redécouvrir le patrimoine littéraire défini par les monuments répu-blicains anciens et modernes et, avec lui, l'histoire des lieux qui le célèbrent. Par « monument littéraire », on entend ici un élément durable du paysage urbain qui établit un lien entre un lieu et un auteur ou une oeuvre. C'est la trace matérielle de la présence de la littérature dans une culture commune, qui se manifeste sous la forme des maisons d'écrivains, des divers monuments commémoratifs érigés en leur hommage et des lieux marqués de leurs noms, que ce soit par une plaque commémorative, un nom de rue ou toute autre variation to-ponymique. Ces monuments font pleinement partie de l'histoire de la littérature, au sens où ils ont été souhaités, commandés, inaugurés, commentés par des écrivains-celui qui y est représenté et ses défenseurs. De plus, c'est autour de cette matérialisation particulière que se discute l'étendue et les transformations de la culture en vigueur conforme au projet culturel et idéologique de tel ou tel conseil municipal ou de tel ou tel gouvernement. En ce sens, c'est la matérialisation d'un canon particulier, qui est à la fois différent de celui de l'université et de celui des partis politiques, mais qui se négocie à la charnière entre ces deux univers, champ littéraire et champ politique.