La durabilité de la logistique des circuits courts en question : évaluation économique et environnementale des coûts logistiques et de transport de circuits de commercialisation courts en Vallée de la Seine

RFTM, 1ères Rencontres Francophones Transport Mobilité RFTM, Lyon, FRANCE, 06-/06/2018 - 08/06/2018; La durabilité de la logistique des circuits courts fait débat. D'un point de vue environnemental, plusieurs travaux remettent en cause l'idée d'efficacité environnementale de la proximité géographique (Blanke et Burdick, 2005 ; Coley et al, 2009 ; Meisterling et al, 2009). Si le bilan environnemental est très variable d'un circuit à un autre (Mundler, Rumpus 2012 ; Perez-Zapico, 2008), les caractéristiques du transport en circuit court (faibles quantités transportées sur de faibles distances en véhicules utilitaires avec des retours à vide) confirment le besoin d'une meilleure organisation du transport, notamment dans les circuits très locaux. D'un point de vue économique, c'est le poids des activités de livraison et des opérations logistiques qui pèse sur les exploitations qui doit être questionné. Pour les agriculteurs, vendre via ces circuits a une incidence directe sur l'organisation de la production et sur le temps à consacrer aux activités de commercialisation, distribution, et de relation avec les clients (Gonçalves, 2013). Assurer soi-même régulièrement le transport de quantités parfois faibles est chronophage et coûteux. Cet enjeu est d'autant plus prégnant qu'une partie non négligeable des agriculteurs ne calculent pas leurs coûts de transport (Raton et al, 2015). Ainsi, au sein des circuits de commercialisation qui comptent au maximum un intermédiaire entre l'agriculteur et le client final (Chaffotte et Chiffoleau, 2007), deux enjeux apparaissent : généraliser l'intégration des coûts de transport et de logistique dans les systèmes de prix ; introduire les effets externes du transport et de la logistique et son impact sur la collectivité, notamment ses effets néfastes sur la santé. Dans ce contexte, cette communication propose une évaluation économique et environnementale des circuits de livraison de 30 exploitations agricoles commercialisant leur production en circuit court en Ile-de-France et en Normandie. Dans quelle mesure les pratiques actuelles de livraisons en circuits courts remettent-elles en cause la rentabilité des exploitations agricoles ? Quel est le bilan environnemental du transport de marchandises en circuits courts ? Comment intégrer la très grande variabilité des circuits pratiqués d'une exploitation à une autre pour appréhender la durabilité de la logistique en circuits courts ? Cette évaluation est réalisée à partir d'un outil de calcul élaboré pour évaluer la performance des organisations logistiques des circuits courts alimentaires. La performance est approchée ici selon deux points de vue : d'une part celui de l'exploitant agricole et, d'autre part celui de la collectivité. Cet outil permet de quantifier les avantages économiques et environnementaux de diverses formes d'organisations logistiques. La méthode d'évaluation se décompose en trois temps. Un recensement minutieux des circuits de livraison (points livrés, fréquences), de l'organisation du transport (temps de transport, statut du chauffeur, tournée/trace directe, véhicule) et de l'organisation logistique des 30 exploitations est tout d'abord effectué. Ces données permettent de proposer dans un deuxième temps une estimation des coûts du point de vue de l'exploitant agricole qui prend en compte le temps consacré aux livraisons et aux opérations logistiques et le coût total d'utilisation du véhicule. L'évaluation environnementale est ensuite réalisée sur la base de la monétisation des externalités dues aux émissions de GES et de polluants atmosphériques. Elle s'effectue en prenant les valeurs tutélaires retenues en France pour l'évaluation socio-économique des politiques de transport et de son handbook publié en 2007. L'approche par la monétisation des coûts permet de comparer entre-elles les performances tant économiques qu'environnementales des pratiques de livraisons. L'intérêt des évaluations individuelles réside également dans la possibilité de séparer les circuits pratiqués, de comparer les trajets entre eux et de dépasser l'échelle de l'exploitation agricole. Dans un premier temps, l'évaluation met en évidence la très grande variabilité des coûts de transport et de logistique d'une tournée à une autre et d'une exploitation à une autre : organisations sans transport, ayant un coût de transport entre 10 et 30% et organisations qui dépassent les 100%, illustrant alors du besoin urgent de calcul et d'intégration de ces coûts au prix de vente. L'analyse à l'échelle de l'ensemble des livraisons identifiées permet également d'interroger le poids de certaines pratiques (généralisation de la trace directe par exemple) sur les coûts qui pèsent sur l'exploitation et leurs répartitions par poste (temps de conduite, opérations logistiques, coût d'exploitation du véhicule). Le travail pourra discuter du poids de certains types de débouchés aux caractéristiques communes sur les coûts (délais fréquents de livraison, augmentation du nombre d'opérations logistiques etc.). L'approche retenue quant à l'évaluation environnementale fournit un coût collectif qu'il reste difficile à interpréter. La comparaison des coûts environnementaux des livraisons, à deux échelles (tournées et ensemble des exploitations agricoles) est conçue comme un moyen d'identifier des valeurs 'références' permettant d'interpréter la valeur de ce coût. L'exercice consiste dans un second temps, à relier ces évaluations aux familles logistiques préalablement identifiées, qualifiant les idéo-types en matière d'organisation logistique sur les exploitations. Chacune des 30 exploitations étant affectées à une famille logistique, il devient alors possible de comparer les coûts au sein d'une même famille et de questionner l'existence de coûts moyens reflets d'une organisation spécifique.