Concevoir pour le développement dans une approche non-curriculaire en formation des adultes

International audience; La formation des adultes est principalement structurée selon une approche curriculaire et séquentielle ayant montré son efficacité, et qui suppose notamment i) la didactisation préalable d'objets d'apprentissage, ii) l'identification des situations susceptibles de favoriser l'acquisition de ces objets et iii) la répétition et la graduation de ces situations. Cette approche montre aussi ses limites i) vis-à-vis de certains publics (en échec à l'université, évitant la formation continue, décrochant des institutions), et ii) vis-à-vis d'enjeux sociétaux majeurs (catastrophes industrielles et environnementales, atteintes graves à la santé…). Cette inadéquation est due à ce que Stiegler (2010) identifie comme un décalage critique entre la vitesse des mutations technologiques et sociales (excessivement rapides, voire disruptives) et celles des dynamiques organisationnelles des systèmes sociaux tels que l'éducation et la formation (lentes, voire sclérosées). Nos propositions concernent un volet de la formation, complémentaire voire alternative, qualifiée d'évènementielle (Poizat & Durand, 2015), supposant i) une épistémologie de l'expérience qui privilégie le point de vue des acteurs formés ; ii) la conception d'artefacts perturbant l'activité, générant de l'insatisfaction, aidant à focaliser et à soutenir l'attention et maintenant chez les formés une « méta-stabilité » constructive et de longue portée ; iii) des situations vécues comme des évènements (au sens d'épisodes marquants) par les formés, c'est-à-dire comme impliquantes et déterminantes, intenses et totales, viables et enviables et dont les ouverts (ou conséquences possibles) sont nombreux mais les effets faiblement prédictibles. Cette approche évènementielle pourrait gagner à s'adjoindre de façon opératoire les concepts et pratiques issus du domaine de la résilience. En effet, il s'agit de permettre aux acteurs formés à et par la résilience i) de vivre des expériences critiques maitrisées pour débloquer un état de désorientation, renoncement ou rupture potentiels et/ou ii) de prendre une expérience critique passée où ils ont été dépassés comme objet d'une nouvelle expérience afin de récupérer une forme d'activité soutenable et une capacité de développement et de projection vers l'avenir. Nos propositions s'inscrivent i) dans un programme de recherche technologique (Durand, 2008) sur l'activité humaine conçue comme « vie technicisée » et ii) dans une perspective pharmacologique (Stiegler, 2010) (centrée sur un dosage poison/remède), et ayant pour impératif la production de savoirs sur et pour le développement des individus et des collectifs.