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Science et soin du psychisme dans l'œuvre de Georges Canguilhem.

Authors :
Surjous, Luc
Source :
Evolution Psychiatrique. Jun2024, Vol. 89 Issue 2, p357-376. 20p.
Publication Year :
2024

Abstract

L'Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique , thèse de médecine soutenue en 1943 par Georges Canguilhem (1904–1995), est certainement le texte français d'épistémologie de la médecine le plus connu. L'auteur alors jeune philosophe, étudiant en médecine et résistant, y défend l'autodétermination du vivant, capable de juger de ce qui est normal ou pathologique, catégories dont se saisissent ensuite la médecine et la physiologie ; ainsi qu'une conception de la clinique ajustée à la rencontre singulière. Son argumentation s'appuie largement sur les thèses de psychiatres mais exclut pourtant la psychopathologie de son champ d'application. C'est à ce paradoxe, peu étudié jusqu'ici, que nous tâchons de répondre dans cet article. Nous avons étudié de manière approfondie les textes portant sur la psychologie et le soin psychique dans les archives de G. Canguilhem, ses œuvres complètes, récemment publiées, et les travaux universitaires menés actuellement. Nous proposons de revenir aux deux problèmes qui initient l' Essai : « celui des rapports entre sciences et techniques, celui des normes et du normal ». À ce dernier, Canguilhem répond en proposant le concept de normativité vitale qui s'inscrit dans la continuité de travaux précédents consacrés à la psychologie, présentés lors de cours donnés au lycée dans les années trente et dans un Traité de psychologie , demeuré inédit, qui déjà promouvaient un sujet capable de valoriser, de s'engager, et par-là de se soustraire au déterminisme de son environnement et de son organisme. Concernant les rapports entre science et technique, qu'il commence à conceptualiser à la toute fin des années trente, il propose dans l' Essai un trajet inverse à celui du positivisme, partant de la clinique vers la science qui en retour l'éclaire ; or, la psychologie scientifique ne saurait jouer un rôle équivalent à la physiologie dans le soin psychique. Canguilhem considère en effet la revendication d'objectivité de la psychologie incompatible avec le respect de la subjectivité, que défend au contraire sa psychologie réflexive. Nous étudions pour finir les textes de Canguilhem évoquant la psychothérapie ainsi que ceux mentionnant la psychopharmacologie. Nous discutons les conséquences cliniques de l'impossibilité pour la psychologie scientifique de jouer pour la psychothérapie un rôle analogue à celui de physiologie en médecine. La conception du soin psychique qu'ébauche Canguilhem consiste essentiellement en une défense de la dignité humaine, fondée sur une théorie philosophique et non scientifique de l'individu. L'Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique , a medical thesis defended in 1943 by Georges Canguilhem (1905–1995), is certainly the best-known French text on the epistemology of medicine. Canguilhem, then a young philosopher, medical student, and member of the French Resistance, defends the self-determination of the living individual, capable of judging what is normal or pathological – categories subsequently adopted by medicine and physiology – as well as a conception of the medical practice tailored to the singular situation. His argumentation is largely based on the theories of psychiatrists, yet excludes psychopathology from its scope. It is this paradox, little studied until now, that I attempt to resolve in this article. I have conducted an extensive study of the texts on psychology and mental care in G. Canguilhem's archives, his recently published complete works, and current academic research. I propose to return to the two problems presented at the beginning of the Essai : "that of the relationship between science and technology, and that of norms and the normal". Canguilhem responds to the latter by proposing the concept of vital normativity, which follows on from earlier work on psychology, presented in high school courses in the 1930s and in a Traité de psychologie , never published, which already promoted a subject able to value, to commit, and thus to escape from the determinism of his environment and organism. Regarding the relationship between science and technology, which Canguilhem began to conceptualize at the very end of the 1930s, in his Essai , he proposes a path that reverses that of positivism, moving from clinical practice to science, in which the former is clarified by the latter; however, scientific psychology cannot play a role equivalent to physiology in psychological care. Indeed, Canguilhem considers psychology's claim to objectivity incompatible with the respect for subjectivity that his psychologie réflexive , on the contrary, defends. To conclude, I examine Canguilhem's few writings on psychotherapy, as well as those on psychopharmacology. I discuss the clinical consequences of the inability of scientific psychology to play a role in psychotherapy similar to that of physiology in medicine. Canguilhem's conception of psychological care is essentially a defense of human dignity, based on a philosophical, not a scientific, theory of the individual. [ABSTRACT FROM AUTHOR]

Details

Language :
English
ISSN :
00143855
Volume :
89
Issue :
2
Database :
Academic Search Index
Journal :
Evolution Psychiatrique
Publication Type :
Academic Journal
Accession number :
177455350
Full Text :
https://doi.org/10.1016/j.evopsy.2024.01.005