La formation aux médiations thérapeutiques par le désart : une éthique psychanalytique.

Cet article aborde la place et la fonction de l'éthique psychanalytique dans les pratiques médiatisées et dans les dispositifs qui sont supposés y former. À partir d'une différence entre deux traductions de P. Lacoue-Labarthe commentant l'emploi par Adorno du terme Entkunstung , désartification et désart , il sera montré en quoi le désart introduit à une dimension particulière que convoque et vise toute improvisation : celle d'une pratique sans objet, d'un art sans œuvre. Or, l'improvisation concerne spécifiquement les pratiques des médiations thérapeutiques, lorsqu'elles sont orientées par la psychanalyse. Comment donc penser le désart dans ces pratiques cliniques qui se nomment médiations thérapeutiques par l'art et comment y former ? Pour traiter cette question les auteurs se basent sur l'analyse des processus psychiques et transférentiels en atelier de formation à l'université. Dans les ateliers de formation aux médiations thérapeutiques (ici par la musique), on observe le déploiement de plusieurs dimensions du désart : une dimension du désart dans l'Imaginaire (ruine de l'idéalisation groupale), dans le Réel (l'impossible rapport à l'instrument), et une dimension symbolique du désart (insistance du désir du clinicien-artiste-formateur). Ces dernières apparaissant comme les coordonnées borroméennes d'une orientation par le désart. Ces dispositifs de formation transmettent bien plus qu'un abord de l'esthétique ou que la mise en œuvre de techniques d'animation faisant référence à des protocoles existants. Ils représentent une scène privilégiée pour cerner et fonder la spécificité de l'éthique psychanalytique en médiation. Cette orientation du désart relève l'articulation de deux positions qui pourraient de prime abord apparaître comme contradictoires mais qui deviennent maintenant conciliables : celle du clinicien et celle de l'artiste. This article discusses the place and function of psychoanalytic ethics in therapeutic mediation through art and in the training of therapists in the use of these tools. Starting from a difference between two French translations by P. Lacoue-Labarthe of Adorno's term Entkunstung (désartification and désart), it will be shown that Entkunstung as "disart" introduces a particular dimension that all improvisation summons and aims at: a practice without an object, art without a work. Yet, improvisation specifically concerns therapeutic mediation practices when they are oriented by psychoanalysis. So how can we think about Entkunstung in clinical practices that use art as a therapeutic mediation, and how can we train for it? To answer these questions, we explore psychic and transferential processes in university training workshops. In the training workshops for therapeutic mediation (here through music), we observe the deployment of several dimensions of Entkunstung : a dimension of Entkunstung in the Imaginary (the ruin of group idealization), in the Real (the impossible relationship with the instrument), and, finally, a symbolic dimension of Entkunstung (the insistence on the desire of the clinician-artist-trainer). These three dimensions appear as the Borromean coordinates of an orientation through Entkunstung. These training systems transmit much more than an approach to aesthetics or the application of leadership techniques referring to existing protocols. They represent a privileged stage for identifying and establishing the specificity of psychoanalytic ethics in mediation through art. The notion of Entkunstung highlights the articulation of two positions that might at first appear contradictory but which can be reconciled: that of the clinician and that of the artist. [ABSTRACT FROM AUTHOR]