L'identité de genre en psychiatrie, une filiation oubliée ?

Observant les débats autour du sexe et du genre qui ont lieu depuis le début de ce siècle en France, l'article s'interroge sur la place du psychiatre et psychanalyste Robert Stoller qui a travaillé sur la construction du sexe et sur celle du genre il y a plus de cinquante ans. En rappelant certains faits qui ont marqué sa réception en France, à la fin des années 1970, on s'interroge sur sa présence au sein de sa profession et sur l'opportunité pour des psychiatres français contemporains d'incorporer ses propos et ses approches. L'expression d'identité de « genre » est désormais connue et diffusée et Stoller fut un des premiers à l'utiliser. Réceptionner Stoller, ce n'est pas accueillir la philosophe Judith Butler, alors même que ces deux figures sont parfois (étrangement) associées. Au-delà des débats que la notion de genre continue de provoquer et des troubles qu'elle suscite au sein des professions liées au cerveau, c'est l'occasion pour ses représentants de s'interroger sur le rôle social de la psychiatrie et sa capacité à formuler un nouveau pacte entre la société et elle-même. Incorporer la question du genre peut aussi être l'occasion de tester la pertinence d'un outil conceptuel voire de contribuer à reformuler l'accueil et la prise en compte par les services de santé mentale de personnes travaillées par l'expression de leur identité sexuée. From the observation of the debates around sex and gender that have taken place in France since the beginning of this century, the article questions the place of the American psychiatrist and psychoanalyst Robert Stoller. By recalling some facts that marked his reception in France at the end of the 1970s, we question his presence within his profession and the opportunity for contemporary French psychiatrists to incorporate his intellectual orientations and conceptions. The expression «gender identity» is now well known and widely used, and Stoller was one of the first to use it. To welcome Stoller is not to welcome the philosopher Judith Butler, even though these two figures are sometimes (strangely) associated. Beyond the debates that the concept of gender continues to provoke and the troubles that it arouses within the professions related to the brain, it is an opportunity for its representatives to question the social role of psychiatry and its capacity to formulate a new pact between society and itself. Incorporating the gender issues can also be an opportunity to test the relevance of a conceptual tool or even to contribute to reformulating the reception and consideration by mental health services of people affected by the expression of their sexual identity. [ABSTRACT FROM AUTHOR]