Thurin, Jean-Michel, Thurin, Monique, Journet, François, Le Guillou, Huguette, Narzabal, Marie-Michelle, Bonneton, Sandrine, Surjous, Luc, and Botbol, Michel
Qu'est-ce qu'une psychothérapie aujourd'hui ? Pourquoi en évaluer les mécanismes thérapeutiques ? Comment enseigner ces pratiques ? Telles sont les trois questions essentielles et complémentaires auxquelles la revue L'Évolution Psychiatrique nous invite à répondre. L'élucidation des mécanismes thérapeutiques, « Pourquoi et Comment une psychothérapie produit-elle des effets ? », est déjà un axe de questionnement des pratiques et des théories au début du vingtième siècle. Pierre Janet et Sigmund Freud cherchent l'un et l'autre une réponse scientifique à cette question. Janet l'aborde à partir d'une étude historique des méthodes de psychothérapies et de leurs résultats. Elles sont justifiées par des mécanismes très divers. À partir de 250 cas qu'il a lui-même traités par la suggestion hypnotique, il considère qu'il ne s'agit pas de créer des ressources nouvelles mais d'utiliser celles que la pensée possède déjà. Freud, à la même période, situe la psychothérapie comme un processus qui permet de rendre l'inconscient conscient. Il précise que, s'il a abandonné l'hypnose, cela a été pour découvrir à nouveau la suggestion sous la forme du transfert. Il doute de l'accueil qui serait fait à l'évaluation et prédit l'importance prochaine de la biologie. L'élucidation des processus de changement et de leurs mécanismes devient la question centrale de la recherche sur les psychothérapies au début des années 2000. La psychopathologie développementale et les méthodologies applicables à des psychothérapies menées dans des conditions naturelles y sont incluses. Les méthodologies médicales et psychologiques de la recherche évaluative sont rapidement distinguées. Deux évolutions majeures sont à souligner au cours de cette période. La première est l'élargissement du champ d'application de la psychothérapie à des troubles de l'enfance, à des troubles graves de la personnalité ainsi qu'à des troubles psychotiques et psychosomatiques. Les uns et les autres se révèlent être des troubles multifactoriels complexes. La seconde est le développement de la recherche en biologie puis sur le cerveau en relation avec le contexte de la réalité incluant les phases précoces du développement, le stress et les traumatismes. Quelles sont les conséquences de cette évolution sur les théories actuelles et les pratiques ? Pour répondre à ces questions, nous avons abordé cette évolution en associant à l'historique des méthodes de la psychothérapie (P. Janet) quatre acteurs majeurs du champ neuroscientifique qui ont publié sur : l'évolution et le développement et la conscience (G.M. Edelman), la biologie moderne et la psychanalyse (E. Kandel), la psychothérapie clinique et neurobiologique des troubles complexes (A.R. Schore) et la socialisation des contingences sensorimotrices (A. Lübbert). Ces cinq auteurs se sont engagés dans une approche pluridisciplinaire ouverte à la psychothérapie. Leurs travaux apportent une consistance importante aux conditions qui interviennent dans l'effet et les mécanismes d'une psychothérapie. Ils éclairent les changements qu'elle produit et contribuent à en saisir l'origine et une partie de la cause. La biologie et la psychologie font bon ménage. Leur influence réciproque apporte au clinicien des informations sur ce qui intervient concrètement non seulement dans l'alliance thérapeutique mais aussi dans le passage d'une actualité développementale et d'un niveau de conscience à un autre. Un principe majeur en est l'importance de l'attachement et des phases précoces du développement, mais aussi des possibilités qui se trouvent ouvertes par la neuroplasticité ajustée à l'expérience. Elle accompagne la recaractérisation des groupes neuronaux dans les expériences actuelles, incluant celle de la psychothérapie. Les connaissances concernant l'influence des expériences précoces négatives et des traumatismes relationnels, mais aussi celles de la possibilité d'un réaménagement positif sont suffisamment parlantes et confirmées pour pouvoir être enseignées et incluses dans la pratique. Beaucoup reste à faire dans le domaine de la formation et des pratiques. What is psychotherapy today? Why evaluate its therapeutic mechanisms? How can these practices be taught? These are the three essential and complementary questions that the journal L'Évolution Psychiatrique invited us to answer. The elucidation of therapeutic mechanisms, "Why and how does psychotherapy produce effects?" has already been a focal point for questioning practices and theories at the beginning of the twentieth century. Pierre Janet and Sigmund Freud both sought a scientific answer to this question. Janet approached it through a historical study of psychotherapy methods and their results, justified by various mechanisms. Based on 250 cases that he himself treated through hypnotic suggestion, he considered that it was not about creating new resources but rather about using those that the mind already possesses. Freud, during the same period, saw psychotherapy as a process that allows the unconscious to become conscious. He noted that although he had abandoned hypnosis, he rediscovered suggestion in the form of transference. He expressed doubts about the reception that evaluation might receive and predicted the upcoming importance of biology. The elucidation of change processes and their mechanisms became the central question in psychotherapy research in the early 2000s (Kazdin, Kraemer et al.). Developmental psychopathology and methodologies applicable to psychotherapies conducted in natural settings are included. Medical and psychological methodologies for evaluative research are quickly distinguished. Two major developments are noteworthy during this period. The first is the broadening of psychotherapy's scope to include childhood disorders, severe personality disorders, as well as psychotic and psychosomatic disorders. These are revealed to be complex multifactorial disorders. The second is the development of research in biology and then on the brain in relation to the context of reality, including early developmental phases, stress, and trauma. What are the consequences of this evolution on current theories and practices? To answer these questions, we approached this evolution by associating the history of psychotherapy methods (P. Janet) with four major actors in the neuroscientific field who have published on: evolution, development, and consciousness (G.M. Edelman); modern biology and psychoanalysis (E. Kandel); clinical and neurobiological psychotherapy of complex disorders (A.R. Schore); and the socialization of sensorimotor contingencies (A. Lübbert). These five authors have engaged in a multidisciplinary approach open to psychotherapy. Their work significantly contributes to understanding the conditions that influence the effects and mechanisms of psychotherapy. They shed light on the changes it produces and help grasp their origin and part of the cause. Biology and psychology work well together. Their reciprocal influence provides clinicians with information about what concretely intervenes not only in the therapeutic alliance but also in the transition from one developmental reality and level of consciousness to another. A major principle here is the importance of attachment and early developmental phases, as well as the possibilities opened by neuroplasticity adjusted by experience. Neuroplasticity accompanies the re-characterization of neuronal groups in current experiences, including that of psychotherapy. The knowledge regarding the influence of early negative experiences and relational traumas, as well as the possibility of positive reorganization, is sufficiently compelling and confirmed to be taught and included in practice. Much remains to be done in the field of training and practices. [ABSTRACT FROM AUTHOR]