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Il ne saurait s'agir ici pour nous d'écrire l'histoire de l'enseignement contemporain au Maghreb. Cette histoire en soi requiert un travail de longue haleine et n'est pas notre objet. Il s'agit en effet pour nous de présenter un certain nombre de problèmes connexes à notre problématique d'ensemble. Les traits les plus caractéristiques des systèmes d'enseignement contemporains influent en effet, selon nous, directement sur le mode de production et de formation des élites de demain. L'arabisat...

La montée du nombre de bacheliers musulmans dans les protectorats à partir de la guerre pose la question des études supérieures. S'il n'est plus possible comme avant-guerre d'empêcher les étudiants de partir en métropole, les autorités espèrent pouvoir les maintenir sur place où leur contrôle politique s'avère beaucoup plus aisé. Mais à part les écoles d'administrations, les musulmans trouvent peu de places dans les Instituts universitaires de Tunis et Rabat occupés par les Européens. De tout...

Cette quatrième génération d'étudiants que nous avons identifiée au cours du siècle se caractérise d'abord selon nous par son éclatement. La dualité du système d'enseignement, ou plus exactement l'impact très minoritaire du système d'enseignement de l'époque coloniale sur les générations nées avant la Seconde Guerre mondiale, n'est pas une nouveauté au Maghreb. Mais il est apparu que les politiques d'enseignement conduites à partir des indépendances, sur la lancée des plans de scolarisation d...

L'entre-deux-guerres marque, d'après une vision interne française, une sorte d'apogée pour l'Empire colonial français. La Première Guerre mondiale avait montré la loyauté de ses peuples. Après l'alerte de la Guerre du Rif, qui avait entraîné le remerciement du maréchal Lyautey en 1925, l'Afrique du Nord semble définitivement acquise ; la « pacification » du Maroc s'achève en 1934. Dans son ouvrage Le Maghreb entre deux guerres, Jacques Berque présente l'année 1930 comme le point culminant de ...

La question de la formation des élites maghrébines par l'enseignement supérieur au cours du XXe siècle, est intrinsèquement liée à celle de la transmission du capital social et économique de la classe dominante précoloniale. Le postulat selon lequel cette transmission aurait été brisée par la période coloniale, en particulier pour le capital économique, est souvent avancé par les élites qui ont investi l'État indépendant en 1956 (puis en 1962 en Algérie). Or, cette autolégitimation semble élo...

Quel rôle a joué l'école dans la reproduction des élites au Maghreb au cours du XXe siècle ? C'est la question dont traite ce livre, de façon rigoureuse et érudite. Machine de déclassement social sous la colonisation pour les classes dirigeantes précoloniales, l'école ouvre, avec l'indépendance, ses portes aux enfants des classes moyennes. La contestation politique des années soixante qui s'ensuit incite les autorités à réformer le système scolaire en vue de le neutraliser. La politique d'arabisation débouche sur la dualisation des systèmes d'enseignement au Maghreb, opposant filières d'élite et filières de relégation que sont les « facultés-casernes ». La voie est alors ouverte à l'islamisme. L'auteur retrace cette histoire en brossant le portrait de quatre générations. Jusqu'aux indépendances en 1956, le baccalauréat est la clef de la conquête des études supérieures pour une infime minorité de musulmans. Comme la génération des pionniers, celle des indépendances s'affirme en tirant profit de son capital social. Les réformes de grande ampleur, mises en place à partir de 1945 et renforcées à l'indépendance, permettent l'émergence, du début des années soixante jusqu'au milieu des années soixante-dix, de la génération de l'ouverture. Dans le dernier quart du siècle, la génération de la crise est confrontée à la saturation de l'État national. La fermeture sociale s'est installée face au processus de consolidation de la nouvelle élite.

La courte période (à peine deux décennies) qui va des indépendances au milieu des années soixante-dix, apparaît avec le recul comme l'apogée de la méritocratie éducative au Maghreb. La période antérieure, bien que ménageant quelques ouvertures et espaces d'ascension sociale, avait été celle de la conquête de la nouvelle méritocratie scolaire et universitaire, mise en place par les autorités coloniales, par les fils de la classe dirigeante précoloniale. La période suivante, qui se met peu à pe...

La structure de l'enseignement dans les protectorats du Maroc et de Tunisie est en perpétuelle évolution pour répondre à la demande d'une opinion musulmane de plus en plus avide d'éducation. Ce mouvement a été initié par la « jeunesse évoluée » avant de s'étendre à de larges couches de la population. Pour ces jeunes gens, la demande éducative n'est qu'une facette du programme nationaliste qu'ils ont à cœur de mettre en œuvre. Nous voudrions désormais nous intéresser de plus près à ces jeunes ...

Cette troisième génération des étudiants maghrébins que nous avons identifiée est complexe à définir et à situer historiquement. Elle est, en amont, enracinée dans la période des luttes de l'indépendance et a foi dans l'avenir des jeunes nations indépendantes du Maghreb. La thèse du développementalisme y bat son plein, qui correspond à l'investissement de l'État national par les jeunes élites formées à l'université française. Elle est en revanche, en aval, c'est-à-dire vers le milieu des anné...