1. La femme invisible : les cas de Laura Palmer et Diane Evans
- Author
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Van Brabant, Louise
- Subjects
representation ,Computer Networks and Communications ,théorie féministe ,bodies ,Hardware and Architecture ,corps ,feminist theory ,aesthetics ,absence ,male gaze ,Twin Peaks ,hors-champ ,esthétique ,regard masculin ,off-screen ,Software - Abstract
La séquence initiale de Twin Peaks pose les bases des régimes de représentation des corps masculins et féminins dans les deux premières saisons de la série : corps immobiles et morcelés, plans fixes, plongée pour les unes ; corps mouvants, entiers, plans mouvants et contre-plongée pour les autres. De tous ces corps, Laura Palmer est le plus immobile et morcelé : bien qu’elle hante la série, elle demeure majoritairement invisible et soumise à un régime de représentation évoquant le fétichisme et le non-respect de l’intégrité du corps féminin – le morcellement –, mais aussi la surface (à laquelle renvoient ses innombrables photographies), sur laquelle butent spectateurs et personnages : il semble impossible de voir au-delà des apparences/de la surface ; tous s’y arrêtent alors, en dépit du secret que Laura semble cacher. Diane Evans est l’autre absence mystérieuse qui hante Twin Peaks. Plus discrète, elle figure le contrepoint fondamental de Laura : là où le corps de cette dernière est offert en pâture aux regards, celui de Diane leur échappe totalement. Et là où Laura est progressivement désincarnée, Diane sera progressivement incarnée. Usant de procédés de transfiguration (Naido, Linda, Carrie Paige) et de surimpressions, la saison 3 effectue deux retournements majeurs : l’incarnation de Diane et l’émancipation du corps de Laura, devenue Carrie Paige. En réformant drastiquement les codes de représentation des corps féminins mis en place dans les saisons 1 et 2, en brisant la surface de l’image et du récit par la révélation du tabou initial (le viol), la saison 3 libère Laura de son image. Elle se révèle être ce dont émane la série : non plus le « centre » qui attire tous les regards, mais le dispositif même qui les engendre. The opening sequence of Twin Peaks lays the foundations for the representational systems of male and female bodies in the first two seasons of the series: still, fragmented bodies and fixed, high-angle shots for women; whole bodies in movement and shifting low-angle shots for men. Of all these bodies, Laura Palmer is the most immobile and the most fragmented: although she haunts the series, she remains mostly invisible and subjected to a regime of representation which evokes both fetishism and disrespect for the integrity of the female body – in a word, fragmentation. Another key notion is that of surface (to which her innumerable photographs refer), behind which viewers and other characters probe: it seems impossible to see beyond appearances, beyond the surface; everyone simply stops there, despite the secret Laura seems to be hiding. Diane Evans is the other mysterious absence that haunts Twin Peaks. Far more discreet, she represents Laura’s fundamental counterpoint: while the latter's body is offered to the (male) gaze, Diane’s escapes it completely. Moreover, whereas Laura is progressively disembodied, Diane is gradually incarnated. Using processes of transfiguration (Naido, Linda, Carrie Paige) and superimpositions, the third season brings about two major reversals: the incarnation of Diane and the emancipation of Laura’s body, who becomes Carrie Paige. By drastically reforming the codes of representation of the female body put in place in seasons 1 and 2, and by breaking the surface of the image and of the narrative whilst revealing the initial taboo (rape), the third season frees Laura from her own image. She proves to be what the series emanates from: she is no longer the "center" that attracts all eyes, but the very device that generates it.
- Published
- 2022
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