Si l'on en juge par les critères communément admis, les romans d'Abla Farhoud s'inscrivent dans le courant de ce qu'il est convenu d'appeler la littérature migrante. Et pourtant les régimes d'altérité qui s'y trouvent mis en œuvre dépassent, et de beaucoup, la seule hybridité transculturelle au profit d'interrogations identitaires qui déplacent la problématique de l'habitabilité vers une géographie plus spécifiquement existentielle voire ontologique. Ce faisant, les romans d'Abla Farhoud scrutent les frontières des territoires intérieurs de sujets en proie à une impossible autohospitalité, menacés par la fragmentation de soi que figure notamment l'important motif de la folie. En partant du constat que les romans d'Abla Farhoud privilégient la narration homodiégétique à la première personne du singulier, cette étude vise à rendre compte de la manière dont les ressources énonciatives et discursives des textes (scénographie, éthos, esthésies dominantes...) tendent à définir des régimes de présence et des formes de vie placés sous le signe de l'expropriation de soi.