Les aliénistes parisiens du début du XIXe siècle, Pinel et Esquirol et leurs élèves, décrivent sous le terme de « passions » plusieurs émotions qu'ils envisagent comme étiologies aux dérèglements de l'esprit. Déjà, depuis plus d'un siècle, des médecins et physiologistes usent, eux, de la vivisection afin de tenter d'éclairer la physiologie de ces sensations associant activité cérébrale et manifestions physiques corporelles qu'ils unissent en usant du terme de « sympathies ». Ainsi, en 1692, Brisseau explique la vasomotricité en individualisant le muscle de la paroi artérielle. Pourfour du Petit met en évidence l'activité du système sympathique sur l'œil en 1710 et distingue l'activité du nerf sympathique de celle du nerf pneumogastrique. Dutrochet suggère, lui, en 1810, l'existence d'un autre type de message que celui transmis par le système nerveux afin d'expliquer les sympathies, pressentant l'existence du message hormonal. Brachet, à partir de 1823, à la fois clinicien, physiologiste et expérimentateur, tente réellement, le premier en France, non pas seulement d'établir une description clinique des passions-émotions et des sympathies, mais aussi d'en donner un substrat organo-fonctionnel, l'activité du système ganglionnaire ou neuro-végétatif, en précurseur des théories de James et Lange en 1884. À la même époque, le débat entre aliénistes sur l'origine morale ou physique de la folie est en plein bourgeonnement. Pendant que Georget considère la folie comme idiopathique et sans trace anatomopathologique macroscopique établie, Bayle et Delaye isolent la paralysie générale en 1822–1824 et proposent le premier substratum anatomopathologique à une forme de maladie mentale mais sans donner une réelle explication physiopathologique aux symptômes observés. Après avoir exposé les principaux travaux menés depuis le XVIIe siècle afin d'éclairer les mécanismes physiologiques à l'origine des émotions et des sympathies, conduisant, au XIXesiècle, au concept de système nerveux végétatif, cet article passe en revue nombre d'écrits célèbres de Pinel, Esquirol, Georget ou Parchappe contant moult exemples de sympathies, et met ainsi en lumière l'absence de passerelles entre les savoirs des aliénistes et ceux des physiologistes, leurs contemporains, en ne pouvant qu'émettre des hypothèses quant à l'explication. Les œillères entre spécialités sont donc anciennes, au détriment des malades, avant tout. At the beginning of the 19th century, Parisian alienists such as Pinel, Esquirol, and their students used the term "passions" to describe several emotions which they saw as aetiologies for disturbances of the mind. For more than a century, physicians and physiologists had already been using vivisection in an attempt to understand the physiology of these sensations, which associate brain activity and physical manifestations in the body, sensations they grouped together under the term "sympathies". For example, in 1692 Brisseau explained vasomotricity by individualising the muscle of the arterial wall. In 1710, Pourfour du Petit brought to light the activity of the sympathetic system on the eye and distinguished the activity of the sympathetic nerve from that of the vagus nerve. Then, in 1810, Dutrochet suggested the existence of another type of message, different than that transmitted by the nervous system, on order to explain sympathies, pre-figuring the discovery of hormonal messages. Starting in 1823, Brachet, at once a clinician, physiologist, and experimenter, was the first in France to make a real attempt to describe passion-emotions and sympathies clinically. Furthermore, he gave them an organofunctional substrate – the activity of the ganglionic or autonomous system. His work made him a precursor for the theories of James and Lange in 1884. At around the same time, the debate between alienists on the moral or physical cause of madness was very active. Whereas Georget considered madness as an idiopathy without any established macroscopic anatomopathological trace, Bayle and Delaye isolated general paralysis in 1822–1824 and proposed the first anatomopathological substratum for a form of mental illness, but without a real physiological explanation of the symptoms observed. This article begins by presenting the main studies conducted since the 17th century to better understand the physiological mechanisms causing emotions and sympathies, studies which led to the emergence in the 19th century of the concept of the autonomous nervous system. This will be followed by a review of famous writings by Pinel, Esquirol, Georget, and Parchappe, which give numerous examples of sympathies and indicate that alienists did not share knowledge with the physiologists among their contemporaries. However, it is difficult to formulate an explanation for this. Blinkers between specialities have existed for a very long time, to the detriment of patients especially. [ABSTRACT FROM AUTHOR]