La psychanalyse comme l'épistémologie posent de multiples questions, suscitent débats et polémiques vives. Sans vouloir reprendre le débat déjà ancien sur la nature scientifique de la psychanalyse, nous souhaitons interroger sa place dans une épistémologie contemporaine, plus épistémologie de la recherche que de la science. Nous proposons de penser l'épistémologie psychanalytique aux frontières – entre théorie et clinique, recherche et pratique de la cure mais aussi avec d'autres disciplines hybrides comme la psychiatrie. À partir du constat que les progrès dans les sciences comme la physique ont fait renoncer à l'illusion d'une théorie universelle de la connaissance et fait voler en éclat l'affirmation d'une unicité de la conception de l'épistémologie, nous étudions les spécificités de l'épistémologie psychanalytique, ainsi que les conceptions actuelles de l'épistémologie dans le domaine des sciences, de la recherche et de l'évaluation. Nous nous intéressons à la métapsychologie comme épistémologie freudienne ainsi qu'à ses limites et les critiques qu'elle suscite. La psychanalyse porte une forme spécifique de savoir basée sur l'hypothèse de l'inconscient. Elle est un objet hybride avec une causalité hypercomplexe qui mêle nature, culture et clinique. Penser son épistémologie s'inscrit dans une logique processuelle de la notion d'obstacle épistémologique plus que d'impasse épistémologique. La vivance de l'épistémologie psychanalytique repose à la fois sur sa capacité à se confronter à la clinique et aux progrès des autres sciences comme les sciences du chaos ouvrant à des causalités non linéaires et à prendre en compte les structures dissipatives. L'épistémologie de la recherche en psychanalyse nécessite de proposer des compromis mais ouvre à un travail de frontière et à mettre au travail un écart métapsycho-épistémologique. La possibilité d'une épistémologie psychanalytique ne fait pas l'unanimité. Des remises en question concernant le statut scientifique de la psychanalyse dont les plus notoires sont celles de K. Popper autour de ses propositions sur les critères de scientificité, propositions réfutées par des épistémologues des sciences physiques. L'absence d'unicité des modèles scientifiques rend caduque du point de vue épistémologique, le recours exclusif au modèle expérimental fondé sur le triptyque observation, hypothèses, vérification. La spécificité épistémologique tient à sa méthode qui articule théorie des processus inconscients et clinique du transfert, ce qui fait d'elle une épistémologie régionale. L'épistémologie de la psychanalyse se situe aux confins du naturel et du culturel, de l'individuel et de l'intersubjectif, de la science et de la fiction, de l'herméneutique et de la phénoménologie, de la clinique et de la recherche. Ses frontières multiples sont en fonction des époques et des choix théoriques plus ou moins ouvertes voire poreuses, plus ou moins fermées voire infranchissables. Les enjeux épistémologiques de la psychanalyse sont le reflet de l'évolution contemporaine d'une épistémologie des sciences à une épistémologie de la recherche et donc de l'évaluation. La nature hypercomplexe de la psyché humaine et des faits psychiques rend inadéquate la transposition de modèles épistémiques appartenant à d'autres sciences. La position aux frontières de l'épistémologie psychanalytique ne peut se limiter à une forme d'originalité causaliste et théorique, elle prend d'abord et avant tout racine dans la spécificité de sa méthode elle-même aux frontières entre pratique et théorie. La part processuelle de la psychanalyse comme théorie mais aussi comme thérapeutique est essentielle et ouvre ainsi à un questionnement sur la transmission, de l'épistémologie de la psychanalyse dans le champ des recherches, dans les sciences dans leur globalité. Le pari d'une transmissibilité de l'épistémologie de la psychanalyse reste une gageure mais la penser comme dialogue, c'est-à-dire confrontation et ouverture avec d'autres disciplines, nous apparaît comme nécessaire dans une mise en tension entre compromis et travail de frontière. Psychoanalysis and epistemology raise multiple questions, and provoke debate and lively controversies. Without wishing to take up the old debate on the scientific nature of psychoanalysis, we wish to question its place in a contemporary epistemology, an epistemology of research, rather than one of science. We propose to think about psychoanalytic epistemology on the borders: between the theoretical and the clinical, between research and the practice of the cure, but also in dialogue with other hybrid disciplines such as psychiatry. Starting from the observation that progress in scientific disciplines such as physics has led to the abandonment of the illusion of a universal theory of knowledge and to the shattering of the affirmation of epistemology's unique conception, we study the specificities of psychoanalytic epistemology as well as current conceptions of epistemology in science, research, and evaluation. We are interested in metapsychology as a Freudian epistemology, as well as in its limits and the criticisms it raises. Psychoanalysis carries a specific form of knowledge based on the hypothesis of the unconscious. It is a hybrid object with a hypercomplex causality that mixes nature, culture, and the clinic. Thinking about its epistemology roots us in the processual logic of the notion of epistemological obstacle, as opposed to epistemological impasse. The liveliness of psychoanalytical epistemology rests both on its confrontation with clinical practice, and with the progress of other sciences such as the chaos sciences, which open up to non-linear causalities and take dissipative structures into account. The epistemology of research in psychoanalysis requires compromise but also makes "border work" possible; here, a metapsycho-epistemological gap is put to work. The possibility of a psychoanalytical epistemology is not unanimously accepted. The best-known skeptic is perhaps K. Popper, whose proposals on the criteria of scientificity were ultimately refuted by epistemologists of the physical sciences. Scientific models' lack of uniqueness makes the exclusive recourse to the experimental model based on the triptych observation-hypothesis-verification obsolete from an epistemological point of view. Its epistemological specificity lies in its method, which articulates the theory of unconscious processes with a transference-based clinical practice, making it a regional epistemology. The epistemology of psychoanalysis is situated at the borders of the natural and the cultural, the individual and the intersubjective, science and fiction, hermeneutics and phenomenology, clinical practice and research. Its multiple borders are, according to the times and the theoretical choices, more or less open or even porous, more or less closed or even impassable. Psychoanalysis's epistemological stakes reflect the contemporary evolution from an epistemology of science to an epistemology of research and therefore of evaluation. The hypercomplex nature of the human psyche and of psychic facts makes the transposition of epistemic models from other sciences inadequate. The border position of psychoanalytic epistemology cannot be limited to a form of causalist and theoretical originality; it is first and foremost rooted in the specificity of its method, which is itself on the border between practice and theory. The processual part of psychoanalysis as a theory, but also as a therapy, is essential and thus opens to a questioning of the transmission of psychoanalytic epistemology to the field of research, to the sciences as a whole. The wager of the transmissibility of the epistemology of psychoanalysis remains a challenge but we consider that thinking about it as a dialogue – that is, a confrontation with and an opening-up to other disciplines – is necessary in this between compromise and border work. [ABSTRACT FROM AUTHOR]