H.P. Lovecraft (1890–1937) est un écrivain américain dont l'œuvre a renouvelé la littérature fantastique et inauguré un genre nouveau. Son maître premier est Edgar Allan Poe mais il a été également influencé par Lord Dunsany ou Arthur Machen. Auteur de très nombreux romans et nouvelles, mais aussi d'une correspondance riche de plusieurs dizaines de milliers de lettres (on dit jusqu'à 100 000 !), son monde est hanté par la dégénérescence des corps, la dissolution des limites de la réalité, la dangerosité de l'Autre et l'angoisse intense qu'il provoque. Préférant le contact médié par l'écriture à la présence physique réelle, Lovecraft fait état d'une xénophobie généralisée tendant au racisme et fondée sur le dégoût du corps de l'autre. L'objectif de ce travail est de saisir la dynamique psychique de cet écrivain de deux points de vue : celui de la psychopathologie et des différents diagnostics qui ont été émis et celui de sa capacité créative. L'histoire personnelle de H.P. Lovecraft ainsi que son œuvre littéraire, sa correspondance et les témoignages de personnes de son entourage servent de matériel pour décrypter chez lui le processus de création, les signes de sa position subjective ainsi que ceux pouvant relever du registre de la psychopathologie. L'écriture, dès l'enfance, a représenté pour Lovecraft une sauvegarde contre les dangers du monde extérieur, l'écran qui le protégeait du contact avec les autres et donc aussi du réel. Le génie littéraire de Lovecraft est absolument indissociable de son être. Lovecraft est devenu par ses propres moyens un être d'écriture, un scriptêtre plutôt qu'un parlêtre. Les hypothèses sur sa (psycho)pathologie, nombreuses et parfois contradictoires, ne peuvent en aucun cas rendre compte de son talent littéraire. Ce sont plutôt ses rêves qui le guident dans l'écriture de ses nouvelles. Davantage qu'un art, plus qu'une mise en forme de son angoisse, plus encore qu'un dépôt et un vidage de jouissance, l'écriture pour Lovecraft dresse l'écran imaginaire sur lequel le réel insupportable est signifié et saisi en tant que réalité. L'écriture est pour lui un exercice addictif, continu, protecteur et nécessaire : il ne cesse pas d'écrire. Par son extraordinaire ampleur – romans et correspondance –, elle prend précisément la place de l'imaginaire et c'est par elle que sont noués pour l'écrivain les registres du symbolique et du réel. Ainsi, chez lui, le rêve devient-il une source directe et continue de création. La sorte d'autobiographie constituée peu à peu dans sa correspondance, les témoignages de ceux et celles qui l'ont connu, ainsi que la lecture de son œuvre, ont permis d'établir à son propos différents diagnostics psychopathologiques qui seront soumis à discussion. Le parcours personnel de Lovecraft est celui d'un créateur malheureux sans doute, mais dont le travail d'écriture contribua néanmoins à la sauvegarde. Car c'est aussi d'un extraordinaire parcours d'autothérapie qu'il s'agit. Lovecraft ne connut pas la gloire ni la fortune de son vivant, mais ne pouvant faire autrement, il écrivit sans cesse jusqu'à sa mort, sans se préoccuper vraiment de réussite. L'écriture, dès l'enfance, a représenté pour lui une sauvegarde contre les dangers du monde extérieur, l'écran qui le protégeait du contact avec les autres et donc aussi du réel. Pour lovecraft, l'écriture fait sinthome et il parvient à se constituer un public, certes réduit, mais intelligent et admiratif, sur lequel il s'appuie pour construire peu à peu, mais assez vite, un réseau de relations sociales, d'abord médié par l'écriture puis, au fur et à mesure, de plus en plus direct. H.P. Lovecraft (1890–1937) was an American writer whose work renewed fantasy literature and inaugurated a new genre. His first master was Edgar Allan Poe, but he was also influenced by Lord Dunsany and Arthur Machen. Author of numerous novels and short stories, but also of a rich correspondence of several tens of thousands of letters (as many as 100,000, according to one count!), his world is haunted by the degeneration of bodies, the dissolution of the limits of reality, and the danger of the Other and the intense anguish that it provokes. Preferring the mediation of writing to the real physical presence, Lovecraft expresses a generalized xenophobia tending to racism and based on the disgust caused by the body of the other. The objective of this work is to grasp the psychic dynamics of this writer from two points of view : that of psychopathology and the various diagnoses that have been made, and that of his creative capacity. Lovecraft's personal history as well as his literary work, his correspondence, and the testimonies of people around him are used as material to decipher his creative process, the signs of his subjective position as well as those that could be related to psychopathology. Writing, from childhood on, represented for Lovecraft a safeguard against the dangers of the outside world, the screen that protected him from contact with others and therefore also from reality. Lovecraft's literary genius is absolutely inseparable from his being. Lovecraft became by his own means a being of writing, a scriptbeing rather than a talkbeing. The hypotheses about his (psycho)pathology, numerous and sometimes contradictory, can in no way account for his literary talent. It is rather his dreams that guide him in the writing of his short stories. More than an art, more than a formatting of his anguish, more than a deposit and emptying of jouissance, writing for Lovecraft sets up the imaginary screen on which the unbearable real is signified and seized as reality. Writing is for him an addictive, continuous, protective, and necessary exercise : he never stops writing. By its extraordinary extent – novels and correspondence – it occupies the place of the Imaginary, a space where the registers of the Symbolic and the Real are linked together. Thus, for him, the dream becomes a direct and continuous source of creation. The sort of autobiography that has gradually emerged from his correspondence, the testimonies of those who knew him, as well as the reading of his work, have made it possible to establish various psychopathological diagnoses about him that will be submitted for discussion. Lovecraft's personal journey is that of an unfortunate creator, but one whose writing nonetheless contributed to his survival. For it is also an extraordinary journey of self-therapy. Lovecraft did not achieve fame or fortune during his lifetime, but since he could not do otherwise, he wrote incessantly until his death, without really worrying about success. Writing, from childhood, represented a safeguard against the dangers of the outside world, the screen that protected him from contact with others and therefore also from reality. For Lovecraft, writing is a sinthome and he managed to build up a public, admittedly small, but intelligent and admiring, on which he relied, allowing for the gradual construction of a network of social relations, first mediated by writing and then, as time went by, more and more directly. [ABSTRACT FROM AUTHOR]